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L’histoire pour le plaisir

Pierre Laporte dit Rolland

mercredi 13 septembre 2023, par ljallamion

Pierre Laporte dit Rolland (1680-1704)

Chef camisard français

Né à Mialet [1] dans une modeste famille cévenole. Sa mère se nomme Madeleine Gras et son père Jean Laporte ; ce dernier exerce la profession de cardeur de laine.

Pierre devient lui-même peigneur de laine. Il participe de façon très courte à la guerre de Succession d’Espagne [2] avant de revenir à Mialet en 1703 où il épouse Marthe Bringuier de Cornellis.

Il prend le surnom de “Rolland” lorsqu’il décide de rejoindre l’insurrection des protestants dans le Languedoc [3] faisant suite à la révocation de l’édit de Nantes en 1685 mais qui, malgré une dure répression, avait connu un regain de confiance depuis l’assassinat de l’abbé du Chayla François de Langlade du Chayla au Pont-de-Montvert [4] en juillet 1702.


Protestant convaincu, Rolland est un prophète qui avait selon Abraham Mazel reçu le don de prédication et de prophétie. Mais il est également un redoutable chef de guerre aussi efficace qu’impitoyable. Autoproclamé général des troupes protestantes de France assemblées dans les Cévennes en Languedoc lors dela guerre des camisards, il est placé à la tête de la seconde bande rebelle qui regroupe 400 hommes environ, après celle de Jean Cavalier.

À Ners [5], le 3 novembre 1702, en compagnie de Cavalier et de 150 mécontents, il pille et incendie les lieux de culte catholique du village comme il récidivera les 24 et 25 du même mois à Sérignac et à Bragassargues [6], toujours avec Jean Cavalier mais aussi en compagnie d’Abraham Mazel. En décembre, lors de la prise de Sauve [7] par Rolland, l’église est brûlée et des villageois sont massacrés mais on ignore le nombre de victimes.

En janvier 1703, Rolland fait passer le château de Saint-Félix-de-Pallières [8] au fil de l’épée. Rolland tuera néanmoins trois muletiers au Pompidou [9] dans le même mois lors d’une embuscade. Le 21 février à Fraissinet-de-Fourques [10], 35 personnes sont massacrées par Rolland, Castanet et Molines. Le 5 mars, au Mas des Prats [11], la bande de Rolland fait 5 nouvelles victimes. Le lendemain, tout juste après avoir opéré un raid sur Pompignan, il est sévèrement battu avec Ravanel par les troupes royales commandées par de La Haye : 200 rebelles sont tués.

À la fin du mois d’août, Rolland et Jean Cavalier surprennent aux environs de Durfort [12] une compagnie royale qui est massacrée. À la suite de cet événement, Nicolas Auguste de La Baume , marquis de Montrevel [13], procède à des exécutions sommaires parmi les camisards capturés. Pendant le brûlement des Cévennes par les soldats du roi [14], Rolland incendie en représailles les villages catholiques de la région dont le monastère près de Tornac [15] ainsi que l’église de Sainte-Baudille le 29 décembre.

Le 18 janvier 1704, il tend un piège au col de Vallongue entre Saint-André-de-Valborgne [16] et Lasalle [17], à 2 bataillons royaux conduisant des captifs et les met en déroute. Très déçu de l’attitude de son compagnon Jean Cavalier qui décide de se rendre au maréchal de Villars au mois de mai, Rolland préfère continuer la lutte à l’instar de Ravanel et Catinat.

Le 13 mai, épaulé par Castanet et Joany, il attaque un convoi transportant 25 000 écus ainsi que des réserves de poudre et de plomb. L’escorte du lieutenant-colonel de Coberville composée de 770 hommes est vaincue et perd une centaine d’hommes dont de nombreux officiers. Mais entre octobre et décembre, de nombreux chefs camisards imitent Jean Cavalier et déposent les armes. Toutes ces redditions portent un sérieux coup à la rébellion mais Rolland, Castanet et Ravanel ne plient pas et préfèrent mourir les armes à la main plutôt que de subir l’humiliation de la reddition ou de se voir supplicier des mains d’un bourreau.

Rolland est finalement tué au château de Castelnau-Valence [18] le 11 août 1704 à la suite d’une trahison. Son corps momifié est promené publiquement dans les rues de Nîmes [19] sur une claie avant d’être finalement brûlé.

Sa mort et celle de Castanet, ainsi que l’échec de la révolte dans le Dauphiné [20] avec intervention étrangère précipitera la fin du conflit, même si la région connaîtra encore quelques révoltes sporadiques et exécutions de camisards.

Les chefs rebelles qui avaient dû s’exiler de gré ou de force reviennent dans les Cévennes pour y raviver la rébellion mais entre le manque d’effectifs, les délations, l’abandon progressif des puissances étrangères protestantes et surtout leur capture suivie de leur exécution, les derniers espoirs des huguenots de la région seront brisés.


La maison natale de Rolland (Pierre Laporte), au Mas Soubeyran [21] dans le département du Gard, abrite aujourd’hui le musée du Désert [22].

P.-S.

Source : Cet article est partiellement ou en totalité issu du texte de Henri Bosc, Un grand chef camisard : Pierre Laporte, dit Roland, 1954.

Notes

[1] Mialet est une commune française située dans le nord du département du Gard en région Occitanie.

[2] La guerre de Succession d’Espagne est un conflit qui a opposé plusieurs puissances européennes de 1701 à 1714, dont l’enjeu était la succession au trône d’Espagne à la suite de la mort sans descendance du dernier Habsbourg espagnol Charles II et, à travers lui, la domination en Europe. Dernière grande guerre de Louis XIV, elle permit à la France d’installer un monarque français à Madrid : Philippe V, mais avec un pouvoir réduit, et le renoncement, pour lui et pour sa descendance, au trône de France, même dans le cas où les autres princes du sang français disparaîtraient. Ces conditions ne permettaient pas une union aussi étroite que celle qui était espérée par Louis XIV. La guerre de succession donna néanmoins naissance à la dynastie des Bourbons d’Espagne, qui règne toujours aujourd’hui.

[3] Le Languedoc est un territoire du sud de la France traditionnellement divisé en Haut Languedoc, qui correspond approximativement à l’actuelle région Midi-Pyrénées, et Bas Languedoc, qui correspond approximativement à l’ancienne région Languedoc-Roussillon. Le Languedoc fait partie de l’Occitanie, vaste espace géographique de langue d’oc. Le territoire du Languedoc (région où l’on parle la langue d’oc) est rattaché au domaine royal au 13ème siècle à la suite de la croisade contre les Albigeois mettant fin au catharisme. Le territoire sous contrôle des États de Languedoc s’est ensuite progressivement réduit à l’ancienne province du Languedoc. C’est en 1359 que les villes des trois sénéchaussées de Beaucaire, Carcassonne et Toulouse concluent entre elles une « union perpétuelle » puis exigent des officiers royaux d’être « convoquées ensemble » et non plus séparément, par sénéchaussée. Vers la fin du 14ème siècle, pays des trois sénéchaussées, auquel le nom de Languedoc allait être réservé, désigne les deux sénéchaussées de Beaucaire Nîmes et de Carcassonne et la partie occidentale de celle de Toulouse, conservée au traité de Brétigny. Le pays de Foix, qui relève de la sénéchaussée de Carcassonne jusqu’en 1333 puis de celle de Toulouse, cesse d’appartenir au Languedoc. En 1469, le Languedoc est amputé de presque toute la partie de la sénéchaussée de Toulouse située sur la rive gauche de la Garonne. Le roi Louis XI détache les deux jugeries de Rivière (Montréjeau) et de Verdun (aujourd’hui Verdun-sur-Garonne) de la sénéchaussée toulousaine pour les incorporer au duché de Guyenne, apanagé à son frère, le prince Charles. En contrepartie, le roi incorpore au Languedoc quelques communautés d’habitants du diocèse de Comminges, situées sur la rive droite de la Garonne, connues comme le Petit Comminges

[4] Le Pont-de-Montvert est une ancienne commune française, située dans le département de la Lozère en région Occitanie, devenue, le 1er janvier 2016, une commune déléguée de la commune nouvelle de Pont de Montvert - Sud Mont Lozère. Elle était le chef lieu de l’ancien canton du Pont-de-Montvert.

[5] Ners est une commune française située au cœur du département du Gard et dans l’Est de la région Occitanie.

[6] Bragassargues est une commune française située dans le centre du département du Gard, en région Occitanie.

[7] Sauve est une commune française située dans le centre du département du Gard en région Occitanie.

[8] Saint-Félix-de-Pallières est une commune française située dans le centre du département du Gard en région Occitanie.

[9] Le Pompidou est une commune française, située dans le sud-est du département de la Lozère, en région Occitanie.

[10] Fraissinet-de-Fourques est une commune française, située dans le sud du département de la Lozère

[11] près de Saint-André de Buèges, actuel Hérault

[12] Durfort-et-Saint-Martin-de-Sossenac est une commune française située dans le centre du département du Gard en région Occitanie.

[13] Montrevel-en-Bresse est une commune française, située dans le département de l’Ain

[14] 466 villages et hameaux détruits en Cévennes entre octobre et décembre 1703

[15] Tornac est une commune française située dans le centre du département du Gard, en région Occitanie.

[16] Saint-André-de-Valborgne est une commune française située dans le nord-ouest du département du Gard, en région Occitanie.

[17] Lasalle, en occitan La Sala, est une commune française située dans l’ouest du département du Gard en région Occitanie, au cœur des Cévennes.

[18] Castelnau-Valence est une commune française située dans le centre du département du Gard, en région Occitanie.

[19] Nîmes est une commune du sud de la France, préfecture du département du Gard en région Occitanie. Située à quelques kilomètres de la mer Méditerranée et des montagnes des Cévennes, la ville se trouve sur l’axe très fréquenté reliant la basse vallée du Rhône à la plaine languedocienne et sur l’arc méditerranéen entre Marseille et Barcelone. En 472, aux Vandales succédèrent les Wisigoths. Aux Wisigoths succédèrent les Arabo-musulmans du califat omeyyade (appelés "Sarrasins" par les occidentaux de ce temps) qui, après avoir franchi les Pyrénées en 719, prennent Nîmes en 725. Ceux-ci s’installèrent jusqu’à la reconquête de la région par Charles Martel en 737, les divers combats de ces rudes époques entraînant de très grands dommages à la cité. De Nîmes, partit un raid musulman en direction de la ville d’Autun, qui fut ravagée le 22 août 725. Ce fut certainement pendant ce temps que l’amphithéâtre fut converti en citadelle.

[20] Le Dauphiné est une entité historique et culturelle. Elle occupe l’ancienne province Viennoise située dans le quart sud-est de la France actuelle. Le Dauphiné de Viennois fut un État, sous l’autorité des comtes d’Albon, qui prirent le titre de dauphins, ce dernier terme ayant donné au Dauphiné son nom. Cette entité apparaît dans l’ancienne Provence, et était une subdivision du Saint Empire romain germanique, de ses origines admises au 11ème siècle, jusqu’à son rattachement en 1349 au royaume de France. Le Dauphiné de Viennois devient alors la province du Dauphiné, et conserve une certaine autonomie jusqu’en 1457.

[21] Le Mas Soubeyran est un hameau de la commune française de Mialet, dans le Gard. Il héberge, dans la maison de l’ancien chef camisard Pierre Laporte dit Rolland, le musée du Désert, consacré au protestantisme dans les Cévennes. Symbole et haut-lieu du protestantisme, il accueille chaque année en septembre l’Assemblée du Désert.

[22] Le musée du Désert est un musée d’art et d’histoire inauguré en 1911, situé au Mas Soubeyran, sur la commune de Mialet, dans le département du Gard et la région Occitanie. Il retrace l’histoire du protestantisme français, et cévenol en particulier. Le mot Désert définit une période bien précise pour les protestants : celle qui débute à la révocation de l’édit de Nantes par Louis XIV en 1685 (les protestants n’ont plus le droit de pratiquer la religion réformée), s’assouplit à l’édit de Tolérance signé par Louis XVI en 1787 (les protestants sont tolérés), et prend fin à la Révolution française (la liberté de conscience est reconnue). Un siècle durant lequel les huguenots devront s’exiler ou se cacher pour pratiquer leur culte. Le Désert a une forte résonance biblique puisqu’il évoque l’errance et les tribulations du peuple hébreu durant 40 années d’exode dans le désert du Sinaï. En pratique, il signifie : cachettes, lieux sauvages, vallées reculées, grottes et forêts des montagnes cévenoles où les camisards se réfugient pour se protéger des dragons du roi et pour prier.