Aymon II de Faucigny ou Aimon II de Faucigny
Seigneur de la baronnie de Faucigny
Il mena sa vie durant une politique ambitieuse dans le Genevois [1] et le pays de Vaud [2], s’alliant très tôt à la Maison de Savoie [3], ennemie de la Maison de Genève [4], pour profiter de son expansion.
Fils du seigneur Henri de Faucigny Dominus de Focigniaco, et Contesson fille du comte Amédée 1er de Genève . Son frère ainé Guillaume II hérite du titre lorsque leur père décède, vers 1197, alors qu’ils sont encore mineurs.
Guillaume a pour tuteur Nantelme , l’évêque de Genève [5]. À sa mort, vers la fin de l’année 1202, Aymon, toujours mineur, lui succède, assisté d’un tuteur en la personne de Nantelme de Miolans, un proche du comte de Savoie Thomas 1er. Il semble que la nomination de ce seigneur savoyard comme tuteur du jeune Aymon II soit due, probablement, à une union matrimoniale inconnue entre Faucigny et Savoie
Le 29 mars 1212, il conteste à l’évêque de Genève ses droits sur les terres de Sallaz situées au nord du château de Faucigny [6]. À cette occasion, il est excommunié. Lors du traité de Thônex en 1229, Aymon II se reconnaît vassal du comte de Genève malgré le conflit généralisé qui l’oppose aux comtes à propos d’un certain nombre de fiefs. À cette occasion, il abandonne l’avouerie [7] du prieuré de Chamonix [8] que les Faucigny avaient reçu en 1202 du comte Guillaume 1er de Genève ainsi que le fief de Langin [9]. Mais au fil des années, il va s’affranchir tout à fait de cette vassalité et affronter les Genève à la fois dans le pays de Vaud et en Genevois. En 1225, il signera un traité avec le comte de Genève Guillaume II .
Soutenu dès ses jeunes années par le comte de Savoie Thomas 1er, il s’allie naturellement à lui pour affaiblir la maison des comtes de Genève et profiter de cet affaiblissement. Il intervient alors militairement au nord du Léman [10], probablement financé par Thomas dès les années 1220. En 1225, il achète avec l’accord de Thomas l’avouerie de Lausanne [11] que l’évêque lui rachète en 1226. Mais le non-paiement de ce rachat crée un différend entre Aymon II et l’évêché puisqu’en 1240 il s’oppose à l’élection de Jean de Cossonay . Aymon obtient également les hommages de divers seigneurs vaudois aux dépens de Guillaume II de Genève.
En 1234, il marie sa seconde fille Agnès à Pierre II de Savoie et en fait son héritière universelle de manière à ce que son gendre et son héritier héritent de la terre de Faucigny à sa mort. Les deux hommes vont dès lors travailler ensemble pour asseoir la puissance de Pierre dans la région lémanique.
Aymon II intercède en faveur de Pierre auprès du sire de Gex [12] qui lui prête alors hommage en juin 1234. Fort de sa nouvelle alliance, il reprend en 1236 l’avouerie du prieuré de Chamonix au comte de Genève.
En 1240, il intervient militairement en Pays de Vaud et plus particulièrement à Lausanne pour soutenir le parti de Philippe de Savoie dans l’élection qui l’opposait à Jean de Cossonay. En 1253, l’évêque Jean est contraint d’hypothéquer l’ensemble du temporel de l’évêché pour rembourser enfin sa dette envers Aymon II provenant du rachat de l’avouerie de Lausanne en 1226. Aymon acquiert également l’avouerie de Pully [13].
Branche cadette des Genève, les Genève-Gex étaient installés au Nord du Genevois. Les Faucigny possédaient dans cette région des fiefs dont l’origine est inconnue et Aymon II avait marié sa fille aînée à un neveu d’Amédée 1er de Gex. L’obtention de l’hommage d’Amédée II de Gex [14], vassal et cousin germain du comte Guillaume II de Genève, à Pierre de Savoie, en 1234, marquait la perte d’influence des Genève sur leur branche cadette.
Au décès d’Amédée II en 1247, Aymon II nomme comme tuteur de ses enfants mineurs le chevalier Guillaume de Grésy, issue d’une branche cadette des Faucigny et également lié à Pierre de Savoie. Cette mainmise sur Gex, territoire frontalier de Genève, créa des tensions avec le comte qui saisit le château de Mornex. À la suite du décès de l’héritier mineur de Gex, le tutorat tenu par Guillaume de Grésy fut cédé à Guillaume II comte de Vienne, et Aymon II en profita visiblement pour épouser la veuve d’Amédée II de Gex, Béatrice de Bagé.
Il décède en septembre 1253, peut-être après s’être retiré à l’abbaye de Sixt [15]
Notes
[1] Le comté de Genevois désignait autrefois l’une des principautés du Saint Empire. Son territoire s’étendait aux terres autour de la cité de Genève, correspondant approximativement au canton homonyme et à la province actuelle du Genevois. Le comté est acheté, en 1401, par le comte voisin, Amédée VIII de Savoie.
[2] À la fin du 12ème siècle le Pays de Vaud était relativement indépendant ne reconnaissant sur ses terres aucune autorité supérieure à la sienne. Devant ce fait, Berthold IV de Zähringen faisait édifier, sur les bords de la Sarine, la ville de Fribourg en 1157, du nom de la ville principale de ses États Fribourg-en-Brisgau. Dotée de terres considérables, qui prirent le nom d’"Anciennes Terres", elle était peuplée de colons venus de Souabe et du Brisgau et devenait la frontière entre deux peuples. Voyant d’un mauvais œil l’octroi des libertés qu’octroyait la charte, "Handfeste", que donnait Berthold IV à sa ville et plus encore la puissance ainsi affichée par ce prince, les seigneurs du Pays de Vaud tentèrent de détruire Fribourg avec à leurs têtes les moines du monastère de Payerne. Furieux, Berthold V marchait sur le Pays Vaudois en 1190 pour rencontrer les seigneurs romands dans la plaine entre Payerne et Avenches. Fort de son succès il prenait et brûlait le château de Lucens avant de s’arrêter à Moudon de le faire fortifier et d’y construire la Tour-de-Broie. Ensuite il forçait les seigneurs vaudois à retourner dans leurs forteresses, il relevait les murailles d’Yverdon et construisait la ville et le château de Morges afin de tenir en respect celui de Vufflens, fief de l’église de Lausanne. À l’extinction de la famille des Zähringen la ville de Fribourg passait sous la domination des Kybourg et par le mariage, en 1218, d’Hartmann IV de Kybourg avec Marguerite, fille du comte Thomas 1er de Savoie, la paix revenait sur le Pays de Vaud. Ce comte signe le Traité de Burier du 3 juillet 1219 lui permettant d’acquérir la souveraineté immédiate sur Moudon et instituant de ce fait la présence de la Maison de Savoie dans le Pays de Vaud
[3] La maison de Savoie est une dynastie européenne ayant porté les titres de comte de Savoie (1033), puis de duc de Savoie (1416), prince de Piémont, roi de Sicile (1713), roi de Sardaigne (1720) et roi d’Italie (1861). Elle est l’héritière de la dynastie des Humbertiens, nom donné par l’historiographie moderne, aux premiers souverains, comtes en Maurienne issu du comte Humbert. L’origine de la maison de Savoie remonte vers 1032 lorsque le territoire qui aujourd’hui correspond à la Savoie est intégrée avec le second royaume de Bourgogne, au Saint Empire romain germanique. Loin de l’empereur allemand, les seigneuries se créent au hasard des guerres, des mariages et des donations.
[4] La maison de Genève, ou Géroldiens (nom donné par certains généalogistes en raison de son premier ancêtre mentionné Gérold), est une puissante famille seigneuriale apparue vers le début du 11ème siècle et détenant le titre comtal de Genève, comes gebennensis. La famille qui domine le comté de Genève, rivale de la maison de Savoie, s’éteint en ligne masculine en 1394, après avoir donné 17 comtes.
[5] Fondé au 4ème siècle, le premier évêque attesté est un certain Isaac au début du siècle suivant (vers 400). L’évêché de Genève est suffragant, avec ceux de Grenoble, Valence, Die, Viviers et Maurienne, de l’archidiocèse de Vienne. Le siège de l’évêché est déplacé dans la ville d’Annecy, à la suite de la Réforme calviniste de 1569, donnant naissance au diocèse de Genève-Annecy, qui disparaît en 18 novembre 1801
[6] Le château de Faucigny est un ancien château fort, du 11ème siècle, dont les ruines se dressent sur la commune de Faucigny dans le département de la Haute-Savoie. Berceau des sires de Faucigny, qui contrôlent la vallée de l’Arve, il devient le siège d’une châtellenie à leur disparition du 13ème siècle au 16ème siècle.
[7] L’avouerie est la charge de l’avoué (du latin advocatus [ecclesiae], désignant un protecteur). Dans le droit féodal, l’avoué est la personne chargée de la protection et de la représentation juridique d’une institution ecclésiastique, pour les affaires séculières de la vie quotidienne. C’était en général un seigneur qui met ses forces au service d’une institution ecclésiastique, généralement une abbaye, en échange d’une rémunération perçue sous forme d’impôt ou d’une partie des amendes. L’avoué dirige notamment les vassaux de l’institution. Son rôle est similaire à celui du vidame. Un même seigneur peut assurer la défense des biens de plusieurs établissements religieux différents. L’avouerie est instituée à l’époque carolingienne, quand les grands domaines ecclésiastiques se sont formés. Les gens d’Église, ne pouvant ni porter les armes, ni rendre la justice civile, sont obligés de sous-traiter la défense de leurs biens à des hommes d’armes. Par la suite, l’avouerie devient une charge qui se transmet et se négocie comme un fief héréditaire et a souvent fait l’objet de querelles et procès entre l’autorité religieuse s’estimant spoliée et le seigneur qui considère ce droit comme lui étant acquis définitivement.
[8] Le prieuré de Chamonix est un ancien monastère bénédictin installé dans la vallée de Chamonix vers le 11ème siècle et qui fut totalement détruit par incendie en décembre 1758.
[9] La tour de Langin, restaurée, est le dernier vestige d’un ancien château fort, du 13ème siècle, qui se dresse sur la commune de Bons-en-Chablais dans le département de la Haute-Savoie,
[10] Le Léman ou par tautologie lac Léman, également dénommé lac de Genève notamment dans le canton de Genève et dans plusieurs langues étrangères, est un lac d’origine glaciaire situé en Suisse et en France ; par sa superficie, c’est le plus grand lac alpin et subalpin d’Europe. Le lac, d’une longueur d’environ 72,8 km et d’une largeur maximale inférieure à 14 km, est en forme de croissant orienté de l’est vers l’ouest. Le rivage nord et les deux extrémités sont suisses et sont partagés entre les cantons de Genève, de Vaud et du Valais. Le rivage sud, quant à lui, est français et situé dans le département de la Haute-Savoie. La frontière franco-suisse passe au milieu du lac. Le Léman est principalement alimenté par le Rhône, fleuve franco-suisse qui coule d’est en ouest, constituant 75 % des apports.
[11] Lausanne est une ville suisse située sur la rive nord du lac Léman. Elle est la capitale et ville principale du canton de Vaud et le chef-lieu du district de Lausanne. En 1476, le duc de Bourgogne Charles le Téméraire, mis en déroute à Grandson par les troupes de la Confédération des VIII cantons, vint à Lausanne pour y surveiller les préparatifs de l’expédition de revanche qu’il allait lancer contre eux. Mais les conséquences de la défaite des Bourguignons à Morat, le 22 juin 1476, furent des plus désastreuses pour Lausanne. Dès le 26 juin, croyant avoir affaire aux troupes confédérées, elle ouvrit sans résistance ses portes aux gens du comte de Gruyère, alliés des Suisses, qui pillèrent la ville durant toute une journée. Après cela, les vainqueurs du duc de Bourgogne, des Bernois, des Fribourgeois et des Bâlois furieux d’avoir été devancés, mirent la ville à sac pendant trois jours et trois nuits, n’épargnant ni les églises, ni les couvents, ni même la cathédrale. Ces épreuves affectèrent sans distinction les Lausannois, si bien que, dès 1478, un principe d’union politique entre tous les quartiers de Lausanne fut discuté. La fusion et la création d’un conseil communal seraient les seules chances de faire de Lausanne une égale de Berne, de Fribourg ou de Soleure. L’acte d’union fut finalement signé le 6 juillet 1481 dans le cloître attenant à la cathédrale, en présence des délégués des deux communautés et de l’église. Le 2 septembre suivant, monsieur Bagnyon devint le premier syndic de Lausanne pour la ville basse et Pierre Ravier pour la Cité.
[12] Le pays de Gex est une région historique française située au nord-est du département de l’Ain. Anciennement baronnie souveraine, incorporé aux États de Savoie en 1353 puis brièvement annexé par les Bernois en 1536 puis les Genevois en 1589, le pays de Gex est définitivement rattaché à la France en 1601. Amputé de six communes au profit du canton de Genève et institué en zone franche en 1775, statut reconduit en 1815, il est aujourd’hui un arrondissement de l’Ain composé de trois cantons
[13] Pully est une commune suisse du canton de Vaud, située dans le district de Lavaux-Oron.
[14] La famille de Gex ou de Genève-Gex est une famille noble issue d’une branche collatérale de la maison de Genève au 13ème siècle. Elle obtient, probablement en apanage, la Pays de Gex. Elle ne doit pas être confondue avec la famille de Gex, installée sur la terre de Gex vers le 12ème siècle, et la famille Gex, issue du châtelain Charles Jay ou Jai qui transforme son nom en de Gex à la suite de son anoblissement en 1563, seigneur de Vallon (Vallée du Giffre), et dont les descendants porteront le titre de baron de Saint-Chistrophe
[15] L’abbaye de Sixt est une abbaye de chanoines réguliers de la congrégation d’Abondance située à Sixt-Fer-à-Cheval, dans le département français de la Haute-Savoie. Fondée avant 1144, elle est fermée en 1792 à la suite de l’invasion française de la Savoie. Seule une partie des bâtiments de l’ancienne abbaye subsiste aujourd’hui. L’église et son grenier, l’ancien bâtiment abbatial et le presbytère sont inscrits au titre des Monuments historiques par arrêté du 17 février 1997. Depuis le début des années 2010, l’ancien site abbatial fait l’objet de recherches archéologiques et historiques. L’abbaye a contribué à assurer dès le Moyen-Âge une activité de pastoralisme dans un secteur de haute-montagne.