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L’histoire pour le plaisir

Pierre II de Savoie

vendredi 6 juillet 2012, par lucien jallamion

Pierre II de Savoie (1203-1268)

Seigneur de Vaud de 1233 à 1268-Comte de Richmond de 1241 à 1266-Comte de Savoie, d’Aoste et de Maurienne de 1263 à 1268

Pierre II de Savoie (Collection Reggia di Venaria Reale, vers 1753 conservée au Palais Royal de Venaria Reale.). Source : wiki/ Pierre II de Savoie/ domaine publicNé au château de Suze, septième fils de Thomas 1er, comte de Savoie, d’Aoste et de Maurienne et de Marguerite Béatrice de Genève comtesse de Flandres.

Il jeta les bases d’un grand État savoyard. Guerrier et diplomate de talent, il fut aussi un grand administrateur, légiste et bâtisseur. Riche de ce qu’il a observé en Angleterre, auprès de son neveu le roi Henri III d’Angleterre, il disposait des moyens financiers pour réaliser ses ambitions grâce aux revenus tirés de ses possessions en Angleterre où il détenait 329 fiefs, manoirs, châteaux et cités. Il épousa le 2 décembre 1241 la comtesse Agnès de Faucigny, fille d’Aymon II de Faucigny et de Béatrice de Bourgogne au château de Châtillon à Châtillon-sur-Cluses. Elle apporte en dot, les baronnies de Faucigny, de Beaufort et plusieurs autres terres.

Initialement, destiné à l’état ecclésiastique, il fut nommé chanoine de la cathédrale de Valence et prévôt de la cathédrale d’Aoste, mais ne se sentant aucune vocation pour cet état, il demanda un apanage à son frère Amédée IV de Savoie et reçu les terres, châteaux et mandements de Lompnes et de Saint-Rambert-en-Bugey, auxquels s’ajoutent quelque temps après le château de Seyllon, le château de Coutey et toutes les terres que la maison de Savoie possédait en Chablais, depuis Monjou jusqu’à Vinay, soit une grande partie du pays de Vaud.

Sa nièce Éléonore de Provence étant fiancée à Henri III, roi d’Angleterre, il l’y accompagna en 1236. Se sentant trop à l’étroit dans son apanage, le futur comte de Savoie se mit donc au service de son neveu par alliance, le roi d’Angleterre.

En 1241, Henri III, heureux de la venue de son oncle, l’arma chevalier dans la cathédrale de Westminster, lui attribua de vastes domaines dans le comté de Richmond, l’honneur de Richmond et d’Essex. Il est ainsi enregistré comme comte de Richmond dans la pairie d’Angleterre. Durant son séjour en Angleterre, il s’initie aux méthodes de comptabilité anglaises.

En 1242, il hérite de son frère Aymon, comte de Chablais et participe au côté de son neveu, le roi Henri III d’Angleterre à des guerres en Guyenne contre les adversaires de la domination anglaise, en 1242, 1253-1254 et 1255. Il mena le siège de places fortes comme La Réole et Bénauges en 1257, ce qu’il lui permit de s’initier et de réfléchir aux derniers perfectionnements de l’architecture militaire. Plus de 90 chevaliers savoyards l’accompagnent dans ses expéditions, venant du Genevois, du Chablais, du Faucigny, de la Tarentaise, du Bugey, du Pays de Vaud, du Pays de Gex et de la vallée d’Aoste. Pour le remercier, le roi d’Angleterre lui octroya des sommes considérables qui lui serviront à financer ses constructions en Savoie. Le roi d’Angleterre lui fit aussi construire un hôtel sur les bords de la Tamise et qui pris le nom d’Hôtel de Savoie.

Depuis ses domaines, peu à peu agrandis, il étend son influence sur les grands domaines voisins. En 1250, il oblige le comte de Genève à lui livrer tous ses châteaux depuis le Fort l’Écluse jusqu’à l’Aar, y compris le château de Genève, le château d’Arles, le château de Balaison, le château des Clefs et le château de Langins pour une somme de 20 000 marcs d’argent.

Peu à peu il devient le protecteur de beaucoup de localités, d’abbayes, de châteaux, toujours prêt à les défendre envers et contre tous, dès qu’il en avait donné sa parole. L’abbé Rodolphe de l’abbaye de Saint-Maurice d’Agaune lui donna l’anneau de Saint-Maurice, le chef de la légion thébaine qui mourut martyr de la foi chrétienne et Saint Patron de la Savoie. Depuis, cet anneau est le signe d’investiture de la Maison de Savoie, comme il avait été celui des rois de Bourgogne.

Il oblige aussi l’évêque de Lausanne à lui remettre d’importantes seigneuries du Pays de Vaud. Il se montre d’une grande dureté avec son frère Thomas II de Piémont dont il écarta les enfants de la succession paternelle. Il promet sa fille Béatrice de Faucigny à l’âge de 8 ans au dauphin Guigues VII de Viennois. Son neveu Boniface meurt en 1263. Bien que ce dernier ait des sœurs, que Thomas, son frère aîné déjà décédé ait des fils, la coutume savoyarde le fait hériter en tant que plus proche parent, la loi de primogéniture au second degré n’étant pas encore établie, il devient alors le 12ème comte de Savoie.

Son premier acte fut de convoquer ses barons et de former une armée capable de combattre contre les forces qui avaient vaincu son neveu Boniface. Il passe les Alpes, assiège Turin et bât les Montferrains et les Astésans, châtie les révoltés piémontais qui avaient tué son neveu. Cette campagne éclair lui valût les hommages de nombreux petits fiefs. Par ses apanages et ses conquêtes, les possessions de Pierre II s’étendaient jusqu’au pays de Berne au nord du pays de Vaud. Il entra en conflit dans ce secteur avec le puissant Eberard d’Haubourg, comte de Lauffemberg et comte de Kybourg. Grâce au renfort d’un corps de troupe d’archers que le roi d’Angleterre lui donna, et de plusieurs centaines de combattants bernois, il remporta 2 batailles sanglantes qui sauvèrent la ville de Berne de son ennemi mortel. Les habitants lui jurèrent fidélité et lui donnèrent les revenus des péages, de la monnaie et des greffes. Il rendit à la ville de Berne sa charte de ville libre, la fit agrandir et embellir, ce qui lui fit mériter les titres de « défenseur », de « tuteur », et de « second fondateur » de la ville.

Il organisa ses États en s’inspirant de ce qu’il a vu en France et en Angleterre, bailliage, Chambre des comptes, dépôt d’archives. En 1263, l’empereur germanique lui décerne le titre de vicaire perpétuel ce qui lui assure désormais la suprématie sur toute la noblesse savoyarde. C’est pour assurer son autorité que le comte constitue un vaste réseau de maisons fortes autour des châtellenies regroupées en bailliages, ce qui lui permet ainsi d’organiser un réseau d’administrateurs, les châtelains, donnant à son État une organisation homogène pré-étatique lui permettant de faire prévaloir ses prérogatives de monarque sur celles des autres catégories, noblesse et gens d’Église.

Il fait également refaire les fortifications de plusieurs places fortes et fit construire 34 châteaux et donjons dont le château de Bonneville. Intéressé par l’architecture, il abandonne le classique donjon carolingien carré perché sur une butte ou un rocher à pic, en pierre de taille, entourée d’une ou plusieurs courtines et murs d’enceintes épousant les formes du terrain. Il adopte le plan des châteaux qu’il a vu en Normandie, dans la France du Nord et en Aquitaine, constitués d’une ou plusieurs tours circulaires aux murs très épais, coiffées d’un toit conique, accessibles par pont-levis, comme celui du Louvre et celui de Coucy-le-Château. De 1258 à 1268, l’édification des nouveaux donjons se poursuit à une cadence rapide. La construction est essentiellement exécutée par une main d’œuvre locale. Ils reçoivent de bons salaires et des avantages en nature comme des vêtements de travail. Il attachera aussi à son service le Landais Pierre de Mésoz qui va travailler au château de Chillon et dans toute la région lémanique.

Au niveau législatif, le règne de Pierre II fut également marqué par l’innovation et la modernité. Prenant une nouvelle fois modèle sur l’Angleterre, où le « Parlement » réunissant les grands féodaux, les prélats et les délégués des comtés et des villes était devenu un rouage fondamental de la monarchie, il relance et codifie l’ancienne coutume mérovingienne et carolingienne des plaids, assises annuelles des principaux notables, laïques et ecclésiastiques, convoquées chaque année par le souverain pour discuter des questions administratives et judiciaires. En France, elles ne seront codifiées qu’en 1302. Il commence par réunir les États de Vaud où figurent les seigneurs ecclésiastiques, titulaires des abbayes et des prieurés, les grands vassaux et les délégués des « bonnes villes » dotées d’une charte de franchises instaurant une administration municipale. Il fait de Moudon la capitale du bailliage et pour les réunir une « maison » y est même construite, cependant des assemblées ont aussi eu lieu à Lausanne, à Morges et du côté savoyard lorsque y résidait Pierre II. D’autres États ont lieu dans le baillage de Faucigny qui comprend neuf châtellenies, les assemblées se tiennent à Cluses. À Chambéry, des États généraux se tiennent aussi pour la Savoie jusqu’au milieu du 16ème siècle.

Pierre II se montra aussi généreux envers les juifs. En 1254 une importante affaire de crimes rituels avait entraîné la condamnation de plusieurs juifs à périr sur le bûcher à Valréas et à Saint-Paul-Trois-Châteaux. L’archevêque de Vienne ordonne le bannissement de tous les rabbins et israélites du territoire de sa juridiction. Vers la fin de la même année, une délégation de 9 juifs rencontrent Pierre II à Saint-Genix-sur-Guiers et signent avec lui devant notaire un contrat d’hommes-liges moyennant le paiement de 500 aurei (pièces d’or) et d’une redevance annuelle. C’est aussi en Angleterre que Pierre II avait eu connaissance de ce type de sauvegarde des juifs. Ce statut permit à de nombreux juifs de s’établir dans les villes de Savoie en augmentant leur population et leur richesse. Des quartiers spéciaux, les « juiveries » se développèrent à Montmélian, Chambéry, Genève et Thonon. Leur présence s’étoffa avec l’arrivée d’autres juifs venus du Piémont et de toute l’Italie du Nord.

Vers la fin de son règne, il du restituer à son vassal l’évêque Aymon 1er de Maurienne la seigneurie d’Argentières. Il fut aussi un grand connaisseur et un grand défenseur de la poésie occitane et reçu en Savoie de nombreux poètes occitans, dont Pierre de la Rovère. Il promut aussi les romans occitans en vers. Sa nièce Éléonore de Piémont, composa un roman en occitan intitulé Blandin de Cornouailles et Guillot ardit de Miramar. Il meurt le 15 mai 1268 au château de Chillon sur les bords du lac Léman et est inhumé à l’abbaye d’Hautecombe sur les rives du lac du Bourget.