Chasse aux Russes
Par sa victoire d’Austerlitz, un an plus tôt, Napoléon 1er a mis les Autrichiens hors jeu. Mais aussitôt après, il a dû faire face à une 4ème coalition unissant cette fois les Prussiens aux Russes et aux inévitables Anglais.
Les Prussiens sont à leur tour mis hors jeu à Iéna et Auerstaedt. Davout , le héros d’Auerstaedt, fait son entrée à Berlin. Napoléon 1er le suit le 27 octobre 1806 et par un soleil éclatant, sous les acclamations, franchit la porte de Brandebourg [1]. Le roi Frédéric-Guillaume III et la reine Louise de Mecklembourg-Strelitz , indomptable autant que belle, ne l’ont pas attendu et se sont réfugiés en Prusse orientale, à Königsberg [2].
Ne restent plus en lice sur le Continent que les Russes du jeune tsar [3] Alexandre 1er . Avec sa Grande Armée, Napoléon se lance à leur poursuite dans les plaines glacées de Pologne.
A Varsovie [4], le 19 décembre 1806, les Polonais l’accueillent en libérateur. Comme la tendre comtesse Marie Walewska , qui se jette dans ses bras, ils attendent de lui qu’il leur restitue leur indépendance, volée 15 ans plus tôt par leurs puissants voisins.
Pour l’heure, l’Empereur des Français se soucie avant tout d’en finir avec la guerre. Ses “grognards” supportent de moins en moins bien les difficultés de ravitaillement et les marches épuisantes dans un paysage gelé. Ils sont d’autre part sans cesse harcelés par les Russes.
Napoléon prévoit d’attaquer l’ennemi sur son flanc mais un courrier qu’il envoie au maréchal Bernadotte pour lui faire part de son plan est intercepté par les cosaques.
L’armée russe, sous le commandement du comte Levin Bennigsen (56 ans), un général originaire de Hanovre [5], se replie sans attendre en direction du village d’Eylau [6].
Le 8 février 1807, Français et Russes s’affrontent à Eylau, en Prusse orientale, dans des conditions météorologiques très dures. Au terme d’une bataille indécise et sanglante, Napoléon 1er éprouve pour la première fois le coût humain de la guerre.
Elle s’est déroulée à Eylau, le 8 février 1807 pendant la campagne de Prusse.
Napoléon talonne l’armée russe commandée par Benningsen. Les 65000 hommes de la Grande Armée, affamés, sont épuisés après 11 jours de marche forcée. Benningsen, à la tête de plus de 60000 hommes, accepte l’affrontement à Eylau, terrain plat qui favorise la cavalerie.
Dans l’attente de ses alliés prussiens, Bennigsen, se met en ordre de bataille au pied du village, sur plus de 4 kilomètres. Autour de la butte, avec son église et son cimetière, une plaine s’étend à perte de vue, parsemée d’étangs gelés.
Napoléon se présente devant l’ennemi le 7 février. La ville est reconquise rue par rue, maison par maison. Les fantassins russes se sacrifient pour permettre à leurs artilleurs de se replier. Le lendemain, seul le cimetière d’Eylau est encore sous la main russo-prussienne.
Napoléon, campé sur la butte d’Eylau, près de l’église et du cimetière, dispose de 40.000 hommes et seulement 200 pièces d’artillerie. Il attend le renfort du maréchal Ney et de ses 10.000 hommes.
La bataille s’engage à l’aube. Après un violent duel d’artillerie. Puis, la droite de Beningsen attaque la gauche de l’armée française, dégarnie.
Davout, à l’extrême droite du dispositif français, voit le danger. Avec son corps d’armée, il déborde la gauche russe. A ce moment-là, Augereau , au centre, se lance à son tour à l’attaque.
L’Empereur envoie la division du maréchal Augereau, qui encercle le périmètre. Soudain, une tempête de neige éclate. Les hommes d’Augereau sont aveuglés. Leur chef lui-même, malade, attaché sur son cheval, est désorienté. L’artillerie russe frappe à bout portant et fait près de 1000 tués sur 6.500 hommes. Les soldats d’Augereau sont obligés de battre en retraite. Quand le temps s’éclaircit enfin, les Russes découvrent une brèche en face d’eux. Ils s’y engouffrent avec l’objectif d’atteindre le mamelon d’Eylau où se tient Napoléon en personne !
A quelques kilomètres de là, le reste de l’armée assiste à la mort de leurs frères d’armes, impuissants et tristes. Le brouillard se lève enfin, et Napoléon joue ses dernières cartes. Il lance la cavalerie de Murat .
Seule la charge désespérée de la cavalerie de Murat permet de sauver la situation, au prix de très lourdes pertes.
Après concertation de Napoléon avec le général Savary qui a remplacé Lannes blessé, il réunit tous les cavaliers disponibles. Pas moins de 80 escadrons, plus de 8 000 cavaliers.
Entre-temps, une colonne de 4 000 grenadiers s’avance résolument vers le cimetière occupé par Napoléon. Elle se fait faucher entièrement, sans brûler une cartouche, par les grenadiers de la Garde, un escadron de chasseurs et une brigade.
Davout, sur la gauche, parvient au prix d’immenses efforts à déborder peu à peu les Russes. Il repousse de justesse le Prussien Anton Wilhelm von L’Estocq qui vient d’arriver sur le champ de bataille.
Mais la situation n’est pas finie pour autant : Bennigsen fait donner la Garde Russe et attaque celle de Napoléon.
Les cavaliers impériaux, déjà épuisés par la charge folle qu’ils viennent d’effectuée, n’entendent pas les appels incessants de l’infanterie française. Soudain, on attend au Nord le canon tonner. C’est le maréchal Ney, qui a parcourut avec ses hommes 79 kilomètres la veille, qui est à présent sur le champ de bataille vers 19 heures. Il apporte environ 9.000 hommes frais.
Les ennemis sont écrasés, et Benningsen se décide à la retraite, qu’il parvient à effectuer en bon ordre. Il s’enfuit à l’aube du 9 février 1807.
Cette bataille fait de 20 à 25.000 victimes du côté français et autant du côté russe. L’issue en est si incertaine que Benningsen l’annoncera comme une victoire au tsar Alexandre. Bonaparte, de son côté, s’attarde plusieurs jours sur le champ de bataille, devenu un véritable charnier, pour affirmer sa victoire.
Comme ses troupes sont épuisées, et lui-même tout autant, l’Empereur prend ses quartiers d’hiver sur place, en Prusse orientale, et attend le printemps pour repartir en campagne.
Il remportera alors sur les Russes, à Friedland , la victoire incontestable dont il avait besoin pour briser la 4ème coalition [7]
Napoléon va ensuite renforcer ses rangs avec des recrues de toute l’Europe : Allemands, Polonais, Italiens,... Plus européenne et plus nombreuse, la Grande Armée va y perdre un peu de son âme mais aussi et surtout la rapidité qui avait fait sa supériorité.