Préambule :
Depuis la bataille d’Austerlitz, l’Autriche avait tenté de reconstituer son armée, malgré les promesses et les accords convenus de ne pas le faire.
Les deux années précédant la campagne de 1809, des reformes furent entreprises, le principe de la conscription introduit, l’infanterie renforcée, l’artillerie réorganisée, les services de santé modernisés, et une milice nationale, la Landwehr, constituée de 150 bataillons, créée par les édits des 12 mai et 9 juin 1808. Déjà en octobre 1808, l’Autriche avait envoyé en Angleterre des diplomates afin de tenter d’obtenir mais sans succès une aide financière britannique pour une nouvelle campagne contre la France. Animé par un désir de vengeance depuis la défaite de 1805, le parti défendant l’idée d’une nouvelle guerre à la cour de Vienne [1] profita des difficultés de Napoléon en Espagne marquées notamment par la capitulation de Baylen [2], pour appuyer de nouveau son projet. Trois éléments concouraient alors à favoriser le parti de la guerre : la montée d’un nationalisme autrichien, l’amertume liée à l’exclusion italienne et allemande, à la présence franco-bavaroise au Tyrol [3] et à celle des Saxons à Varsovie [4], et pour finir la promesse de la Russie de rester en dehors de tout conflit entre l’Autriche et la France, guerre que Metternich considérait comme inévitable.
Le gouvernement autrichien prit officiellement la décision d’entrer en guerre contre la France le 8 février 1809. Après avoir encouragé la révolte de Andréas Hofer au Tyrol, l’Autriche envoya des troupes en Bavière [5], leur faisant traverser l’Inn [6], entre Braunau [7] et Schaerding [8]. Un Appel à la nation allemande, écrit par Frederick Schlegel, fut distribué à la population comme 125 000 soldats entraient dans le royaume. Dans ce texte, les Autrichiens prétendaient vouloir se battre pour rendre à l’Allemagne son indépendance et son honneur. Cette déclaration, associée au soulèvement au Tyrol, permit aux troupes autrichiennes d’être bien acceptées. Il n’y eut aucune opposition de la population, et les troupes françaises se avant l’arrivée de l’archiduc Charles-Louis d’Autriche-Teschen .retirèrent
Outre ce retrait, la situation française se trouva être compliquée par des difficultés de communication. En effet, au début de la campagne, Napoléon dirigeait ses troupes à distance. Mais en raison de conditions atmosphériques difficiles, empêchant les transmissions télégraphiques, et le croisement des courriers, Berthier reçut des ordres contradictoires, ce qui provoqua confusion et désorganisation dans les actions de l’Armée française d’Allemagne.
L’arrivée de l’Empereur le 17 avril 1809 allait mettre fin à ce début de pagaille. Les cinq jours suivants, du 19 au 23 avril, Napoléon conduisit la manœuvre de Landshut [9] qui fut marquée par les victoires à Tengen [10], Abensberg [11], Landshut [12], Eckmühl [13], Neumarkt et Ratisbonne (Regensburg) [14]. Les troupes de l’archiduc Charles furent forcées de se retirer vers Vienne, en passant par la rive Nord du Danube [15], alors que les troupes françaises restaient sur la rive opposée. La prise de contrôle de têtes de pont dicta la stratégie des jours suivants. Ainsi, l’un des derniers ponts encore en place se trouvait à Linz [16], tandis qu’un important point de passage se situait de l’autre côté du Traun [17]. Pour s’en assurer la maîtrise, une terrible bataille se livra à Ebersberg [18] le 3 mai. 8 000 hommes commandés par Masséna affrontèrent pendant 8 heures les 35 000 Autrichiens d’ Hiller . Cet affrontement acharné causa plus de 5 000 morts et blessés, et le village lui-même, dévasté par le feu et les combats, devint l’image même des horreurs de la guerre.
Ce succès, cependant, ouvrait la route vers Vienne. Hiller traversa Krems [19] le 8 mai, pour continuer sa retraite au nord du Danube, détruisant au passage des ponts, à Enns [20] et à Mauthausen [21].
La bataille d’Essling
Napoléon vient de briser l’offensive autrichienne de l’archiduc Charles à Eckmühl. Le 13 mai, il occupe Vienne. Il décide d’aller au-devant de l’armée autrichienne. Le grand pont de Vienne ayant été détruit, il choisit l’île de Lobau [22] à 6 km au sud, pour construire un pont qui permettra de franchir le Danube.
L’armée française occupe, le 20 mai, les deux villages voisins, Aspern [23] et Essling. Les pontonniers se mettent au travail. Ils ignorent que l’archiduc Charles, avec 95 000 hommes, est dissimulé non loin et observe tous leurs mouvements.
Le 21 mai 1809, Napoléon et ses maréchaux, partis reconnaître les positions pour y établir leur champ de bataille, décidèrent de s’établir sur la droite du village d’Essling, et sur la gauche du village d’Aspern.
À 4h de l’après-midi, les troupes autrichiennes se montrèrent aux Français, elles croyaient pouvoir mettre en déroute l’avant garde française qui avait commencé à prendre position aux abords des villages.
Du côté du village d’Essling, ce fût le duc de Montebello le Maréchal Lannes qui le protégea. Le maréchal d’Istrie Bessières avec une unité de cavalerie légère et une division des cuirassiers de Jean Louis Brigitte Espagne protégea la plaine et Enzersdorf [24], pendant ce temps les autrichiens déployèrent 200 pièces d’artillerie et 90 000 soldats. Les cuirassiers d’Espagne chargèrent et enfoncèrent 2 carrés en plus de capturer 14 canons d’artillerie. Mais dans la charge le général Espagne reçut un boulet de canon et perdit la vie dans la soirée, à la suite de ses blessures. Plus tard, le général Nansouty arriva avec sa brigade qui chargea l’ennemi. À la tombée de la nuit les Français était maître du terrain.
Du côté du village d’Aspern, le duc de Rivoli Masséna fut attaqué par le général Bellegarde . Tout le long de la journée, il fît manœuvrer ses troupes et sema ainsi la confusion dans les attaques menées par les Autrichiens.
La défense désespérée de Masséna à Aspern, de Lannes à Essling, la cavalerie de Bessières entre les deux, l’arrivée de renforts, permettent de tenir.
Dans la nuit Davout passe le Danube avec la division St. Hilaire , des brigades de cavalerie légère et de l’artillerie.
Alors que Napoléon occupe Vienne le 13 mai, l’archiduc Charles ne baissa pas les bras pour autant. Après avoir détruit les ponts sur le Danube, il regroupe son armée à 5 kilomètres au nord-est de la capitale, à proximité de Bisamberg [25] et concentra ses forces sur la rive du Danube opposée à Vienne, en attendant de voir ce que Napoléon allait faire. L’Empereur français voyait clairement que plus la campagne durerait, plus il serait difficile pour lui d’avoir la maîtrise de la situation. Il bouscula les choses, envoya des hommes en reconnaissance sur la rive sud du Danube pour repérer les endroits propices à la construction de ponts car les Français doivent traverser le Danube.
Deux possibilités sont retenues : l’île de Schwarze Lackenau en amont de Vienne, et l’île Lobau en aval. Mais à la suite d’une manœuvre manquée du général Saint-Hilaire au matin du 13 mai, les bataillons chargés de s’emparer de Schwarzelaken sont détruits, et les Français se retournent vers Lobau, désormais la meilleure possibilité de passer le fleuve
Napoléon choisit de faire passer ses troupes entre Kaiser-Ebersdorf et l’île de Lobau via deux petites îles, Schneidergrund et Lobgrund.
Cette île est grande, environ 4 kilomètres sur 3 ; elle peut abriter une armée entière qui peut se dérober au regard de l’ennemi avec ses bois ; le grand bras, large de 700 mètres se trouve sur la rive française, au sud, alors que le petit bras côté autrichien, au nord, ne fait que 150 mètres de large. En occupant cette île, les ponts les plus difficiles à construire, rive française, au sud, sont à l’abri de l’adversaire. L’île ayant été occupée peu de temps auparavant par quelques détachements de troupes, dans la nuit du 19 au 20 mai, deux ponts de bateaux sont jetés sur le grand bras du fleuve. Beaucoup d’hommes sont rassemblés là et un petit pont est jeté sur le dernier bras du Danube, entre Lobau et la rive gauche.
Le premier ouvrage devait être assez important, le second moins, mais il s’agissait surtout de traverser le puissant Danube. Ainsi, les ingénieurs durent réaliser quantité de menus miracles juste pour conserver les ponts intacts. Le chantier débuta le 19 mai et fut supervisé par Napoléon lui-même. Tous les hommes, quel que fut leur rang, et donc les officiers y compris, durent participer à l’effort. Mais les eaux étaient grossies par la fonte des neiges et le niveau du fleuve montait toujours, le 20 mai un navire et des débris frappèrent le fragile pont Schneidergrund / Lobgrund, et peu après le pont d’Ebersdorf se rompit, ce qui provoqua un retard de 10 heures sur les prévisions de passage des troupes. Le maintien des ponts en bon état, afin de permettre le passage de nombreux soldats et de quantité de matériels, indispensables aux prochains affrontements, était stratégiquement indispensable et requérait véritablement une attention de tous les instants.
Le 4èmecorps, commandé par le maréchal Masséna passe le 21 mai sur la rive gauche, et fait replier les avant-postes autrichiens. L’armée autrichienne se trouve alors entre Essling et Aspern, en retrait de ces villages. L’archiduc n’a pas résisté au passage. Son intention est de laisser une assez grande force traverser, et de l’attaquer avant que le reste de l’armée française ne puisse lui porter secours. Napoléon relève le défi, mais il cherche à en diminuer les risques en appelant chaque bataillon disponible.
À l’aube du 21 mai, 40 000 hommes sont rassemblés, sur la rive gauche, dans la large plaine de Marchfeld*, qui sera moins de 2 mois plus tard la scène de la bataille de Wagram. Aspern est situé sur la rive d’un des bras du fleuve et ne peut être contourné par la gauche.
L’armée française fait face au gros de l’armée autrichienne représentant près de 95 000 hommes et 200 canons. Le 4ème corps de Masséna occupait une position près d’Aspern face à l’aile droite des Autrichiens, la division Molitor avait investi Aspern même, Lasalle, Espagne et Nansouty de la cavalerie de Bessière se placèrent au centre, tandis que Boudet et le 2ème corps de Lannes et de Saint-Hilaire prenaient position près du petit village d’Essling.
L’armée principale autrichienne, elle, était placée un peu à l’ouest de Wagram [26].
Tôt le matin du 21, les Autrichiens reçurent l’ordre de lancer l’attaque, organisés en 5 colonnes. Les trois premières devaient longer la rive nord du Danube, vers Aspern. La quatrième colonne fut dirigée vers Essling et la cinquième à l’est d’Essling, à Gross-Enzersdorff. Parmi les objectifs figurait le sabotage et la destruction
Le 21 les ponts sont devenus de plus en plus instables, à cause de la violence du courant, du flot des soldats qui traversent sans interruption toute la journée et pendant la nuit, de la crue du fleuve et des objets flottants de toutes sortes qu’envoient les Autrichiens depuis l’amont. Ces ponts seront la clef des batailles d’Essling et de Wagram.
Intervient alors l’événement qui bouleverse le plan impérial, la contre-attaque inattendue de Charles qui, débutant à la mi-journée, révèle toute son ampleur vers 16 heures. L’archiduc, en effet, loin de se replier, a décidé de profiter de l’occasion pour infliger des pertes significatives à l’armée française grâce à une opération offensive menée avec l’ensemble de ses forces. Plutôt que de s’opposer immédiatement à toute irruption sur la rive nord, il attend qu’un certain nombre d’unités aient pris pied pour les attaquer au moyen de cinq colonnes qui, menant une action quasi concentrique, devront s’emparer, dans un premier temps, d’Essling et d’Aspern puis, dans un second, des débouchés du pont, interrompant le flux d’arrivée et prenant au piège, comme dans une nasse, tous ceux qui ont traversé. Les Autrichiens bénéficieront ainsi pleinement de leur supériorité numérique temporaire, jouant d’un rapport de force extrêmement favorable le 21 mai
La bataille commence à Aspern. Les Autrichiens de Hiller occupent le village dès les premiers assauts, mais Masséna le reprend et établit une défense tenace.
Les soldats de Molitor sont surpris car ils n’ont vu les unités ennemies que tardivement, compte tenu de la végétation. Bombardé par 90 pièces, le village est en feu vers 14 heures 30, mais encore tenu partiellement par les Français. Vers 16 heures 30, 132 canons tirent sur les maisons plus ou moins démolies, mais Molitor, soutenu par Legrand , résiste toujours. À l’autre extrémité, à Essling, Jean Boudet , sous les ordres de Lannes, voit le poste avancé d’Enzersdorf détruit vers 16 heures mais garde le contrôle du bourg. De leur côté, Lassalle et Marulaz au centre, Espagne dans la zone d’Essling, chargent l’infanterie et l’artillerie adverses. Dépourvue de tout appui, en butte aux contre-attaques de la cavalerie autrichienne, leur action n’a d’autre objet que de gagner du temps en obligeant provisoirement l’adversaire à relâcher sa pression sur les villages. Bref, l’armée française, qui tient une zone de 10 km2 environ, limitée par les deux villages et le Danube, se retrouve dans la posture du boxeur acculé dans les cordes, qui ne peut que se défendre en attendant la fin du round.
Quoique retardé par ces actions, Charles poursuit la réalisation de son plan et pénètre vers 18 heures à Aspern, que les Français finissent par abandonner.
Deux faits jouent alors en faveur de Napoléon. D’abord, le souverain reçoit des renforts : la division Carra Saint-Cyr , qui a fini de prendre pied sur la rive nord, se substitue aussitôt, en tant que réserve, à la division Legrand. Cette dernière a désormais toute latitude pour dégager Molitor
Masséna renforce peu après la division Molitor avec Legrand. Les 3 colonnes autrichiennes envoyées ne parviennent pas à reconquérir plus de la moitié du village ; la position est toujours tenue par les Français quand la nuit tombe. L’armée autrichienne tente ensuite de prendre Essling, et y lance 3 attaques successives, mais Lannes et Boudet défendent le village, en fortifiant notamment le grenier public
Le fleuve est en crue, le pont de Lobau à la rive gauche se rompt une première fois, et empêche les renforts français de traverser. Napoléon donne alors le commandement du centre à Lannes, tout en lui conservant celui de l’aile droite. Lannes donne l’ordre à Bessières de faire charger sa cavalerie vers l’artillerie autrichienne, afin de soulager l’infanterie. Bessières obéit de mauvaise grâce.
Lasalle et Espagne sont donc envoyés pour charger l’artillerie autrichienne qui est déployée sur une longue ligne de front concentrée sur Aspern. La première charge des Français est repoussée, mais la seconde, constituée des cuirassiers, crée le désordre dans l’artillerie. Les cavaliers français chassent les servants des canons, contournent les positions d’infanterie de Hohenzollern [27], et résistent à la cavalerie de Liechtenstein [28]. Ils ne peuvent toutefois tenir ces positions et regagnent le centre, ayant atteint leur objectif ; le général Espagne est tué par un boulet durant la manœuvre.
Pendant ce temps, Essling est la scène d’un combat presque aussi désespéré que celui d’Aspern. Les cuirassiers français assaillent brutalement le flanc des troupes de Rosenberg, et encaissent un assaut. Dans le village, Lannes tient le village avec une seule division, jusqu’à ce que la nuit mette fin à la bataille ; les Autrichiens, qui ont conquis la partie basse du village, l’abandonnent à la tombée du jour. Les deux armées bivouaquent sur place. À Aspern, Français et Autrichiens s’affrontent encore à coups de pistolet.
Dans le calme de la nuit, Lannes et Bessières se disputent violemment dans le camp de Masséna, manquant de peu d’en venir aux mains. Bessières reproche apparemment au chef de bataillon Marbot, aide de camp de Lannes, d’avoir transmis les ordres de son supérieur de façon inconvenante. Lannes prend la défense de son subalterne, et seule la présence de Masséna, leur aîné, les fait se séparer sans se battre.
L’arrivée du corps de Lannes dans la nuit change la disposition de l’armée française, dont les effectifs ont quasiment doublé. Masséna peut désormais compter sur les divisions Molitor, Legrand et Carra Saint-Cyr pour tenir Aspern ; Bessières et sa cavalerie, grossie de celle du 2ème corps, passent en seconde ligne au centre, la première ligne étant désormais occupée par les divisions d’infanterie de Lannes. La division Boudet reste pour le moment seule à Essling.
Les combats pour la possession des villages reprennent vers 4 heures du matin. Désireux de se prémunir contre toute contre-attaque de flanc et, surtout, contre la perte de contrôle du débouché, Napoléon lance ses troupes à l’assaut des maisons d’Aspern tenues par les Autrichiens. Le village change quatre fois de maître avant de rester aux Français vers 7 heures. Masséna dégage Aspern de l’ennemi, mais en même temps Rosenberg donne l’assaut à Essling à trois reprises et en détient, à la même heure, la partie basse.
Mais la cavalerie légère de Lassalle et les cuirassiers contiennent l’infanterie ennemie qui cherche à déborder par le sud du village.
Lannes, qui résiste toujours désespérément, reçoit les renforts de la division de Saint-Hilaire, et repousse Rosenberg. Dans Aspern, Masséna est à son tour repoussé par une contre-attaque de Hiller et de Bellegarde.
Lannes fait alors avancer tout le centre français, lançant une grande attaque sur le centre ennemi. La ligne autrichienne est rompue entre la droite de Rosenberg et la gauche de Hohenzollern. Cela provoque également la retraite des Autrichiens, malgré la tentative de rassemblement lancée par l’archiduc Charles, menant ses soldats les couleurs à la main.
L’effort français semble payant puisque le centre ennemi est culbuté. Les colonnes d’assaut sont même sur le point d’atteindre le village de Breitenlee [29], quartier général de Charles. Intervient alors, entre 8 et 9 heures, la rupture des ponts sur les premier et deuxième bras du Danube. Les ouvrages, qui avaient déjà subi des dégâts la veille, sont brisés par des brûlots, des moulins flottants ou des bateaux chargés de pierres, lancés en amont par les Autrichiens.
Boudet ne bouge pas, attendant les fusiliers de la garde qui doivent le soutenir. Mais le pont flottant est emporté une seconde fois, notamment grâce à l’effort d’un officier autrichien qui y dirige un moulin flottant, le rendant inutilisable pour un long moment. Le pont allant de la rive droite sur Lobau est également rompu. La réparation va demander 1 ou 2 jours. Napoléon comprend que la bataille ne peut être gagnée.
Tout le corps de Davout et les autres troupes restantes, presque 30 000 hommes vont rester bloqués, inutiles, sur l’autre rive ; les munitions et le ravitaillement vont vite être épuisés. L’empereur ne pourra pas alimenter sa percée ; pire, il va s’exposer dangereusement en persistant. Il donne donc l’ordre aux maréchaux d’arrêter l’attaque, puis de se replier, corps par corps et en rendant coup pour coup jusqu’à la tête de pont de la rive gauche.
Le commandant en chef Charles, voyant le flottement dans la ligne française, fait donner sa réserve. Lançant l’attaque sur la division Saint-Hilaire, qui protège le recul de l’infanterie, la cavalerie autrichienne l’accable. Saint-Hilaire est tué, et Lannes doit prendre le commandement pour ramener la division sans la perdre totalement. Il n’est alors que 9 heures du matin : repoussés une première fois d’Aspern, les Autrichiens se lancent sur Essling et s’emparent d’une grande partie du village. Reportant leur effort vers le centre français, les troupes autrichiennes sont toutefois repoussées par les efforts conjugués de Lannes et de Bessières. L’infanterie de la Jeune Garde, menée par Mouton et Jean Rapp , fond sur Essling et repousse les troupes ennemies.
L’avantage repasse aux Autrichiens, qui commencent par mener un bombardement intensif avant de lancer une attaque générale vers 11 heures.
Ils s’emparent d’Aspern mais la Jeune Garde, dont c’est le baptême du feu, bloque le débouché vers le pont. Elle contrecarre de même l’offensive à Essling en début d’après-midi.
L’Empereur de son côté s’efforce de conserver ses positions car une retraite immédiate serait susceptible de tourner aisément au désastre. Le repli ne pouvant débuter qu’à la nuit, cela revient à subir stoïquement le feu ennemi durant plusieurs heures en essayant de le contrecarrer par quelques charges de cavalerie. Mais, en toute logique, les pertes seront moins élevées qu’en évacuant immédiatement toutes les unités sur l’île Lobau. Essling s’achève ainsi sous des tirs d’artillerie
C’est à ce moment-là que le maréchal Lannes, qui vient de voir sous ses yeux tomber le général de brigade Pouzet , son ancien instructeur, est touché aux jambes par un boulet de canon. La retraite est alors lancée, les Français abandonnant Aspern, puis Essling, tombée sous un nouvel assaut de Rosenberg, qui dirige alors ses efforts sur les troupes du centre français.
Celles-ci se retirent lentement des rives. La retraite, confiée à Masséna, se fait en bon ordre ; tous les blessés transportables repassent l’autre rive, ainsi que la plupart du matériel et des chevaux. Masséna, le devoir accompli, est un des derniers à retraverser le 23 mai au matin. Le 4ème corps se maintient sur Lobau, et riposte aux derniers boulets envoyés depuis Enzersdorf. L’épuisement général des deux camps met définitivement fin aux combats.
Malheureusement, les pontonniers n’ont pas réussi à rétablir les ponts dans le courant de la nuit, car la montée des eaux continuait. Napoléon, le 23 mai fît repasser l’armée sur l’île Lobau.
La victoire est autrichienne, car les troupes françaises se sont repliées à cause de la crue et le manque de ravitaillement. Ceci est la première défaite de Napoléon, qui a, en plus, perdu un proche camarade.
Cet échec français, que les Autrichiens nomment bataille d’Aspern, a un grand retentissement parmi les adversaires de Napoléon. La bataille de Wagram [30], un mois plus tard, marque la fin de leurs espoirs et du même coup de la cinquième coalition [31].
La bataille d’Essling, parfois appelée bataille d’Aspern-Essling ou bataille d’Aspern, est une bataille qui mit aux prises les troupes françaises et autrichiennes, à 10 km à l’est de Vienne, du 21 au 22 mai 1809. Considérée par les Autrichiens comme une victoire et par les Français comme un échec provisoire, elle se solda par la perte d’environ 45 000 soldats (morts, blessés, prisonniers) des deux armées, et en particulier, du côté français, par celle du maréchal Lannes, mort le 31 mai des suites des blessures reçues le 22.
Les pertes sont lourdes du côté des Français : 1 maréchal, 3 généraux, 120 officiers et 5 507 soldats ont été tués. 13 généraux, 616 officiers et 17 940 soldats sont blessés. 14 officiers et 2 474 soldats sont faits prisonniers.
Du côté des Autrichiens, l’archiduc Charles déclare que ses pertes sont de 4 200 morts et 16 000 blessés
Conclusion :
Napoléon perd un de ses meilleurs officiers et ami : le maréchal Jean Lannes, qui meurt des suites de ses blessures. Napoléon abandonne le commandement quelque temps pour visiter et pleurer son ami qu’il sait perdu. C’est également le premier maréchal de l’Empire à mourir au combat.
Ces pertes importantes auront pourtant été de peu de conséquences. Certes, la bataille est pour Napoléon un échec, puisqu’il n’a pas réussi à vaincre. Pour la propagande autrichienne, c’est une victoire : pour la première fois, l’empereur a été vaincu, affirment-ils. Ils espèrent ainsi convaincre la population des pays occupés par les Français de se soulever.
Cependant, puisque les pertes des deux empires sont comparables, que leurs armées occupent grosso modo après coup les mêmes positions qu’avant la bataille, et que la situation stratégique reste inchangée, d’autres penchent pour qualifier la confrontation de “statu quo ante bellum”. La décision se jouera quelques semaines plus tard, presque sur le même terrain, lors de la bataille de Wagram, le 6 juillet de la même année.
Le maréchal Masséna reçut le titre de prince d’Essling pour le travail qu’il accomplit durant toute la bataille. Du côté autrichien, l’officier des chasseurs dont les efforts avait permis de rompre les ponts français reçut la décoration de Marie-Thérèse, réservée à ceux qui faisaient "plus que leur devoir".
Selon le général Thoumas , seule la rupture des ponts a permis à l’archiduc Charles de remporter un semblant de victoire.