Égica ou Egicca (mort en 702)
Roi wisigoth d’Hispanie et de Septimanie de 687 à 702
Neveu du roi Wamba , Égica est probablement la même personne que ce dux Égica, comes scanciarum [1], qui souscrit en 683 les actes du 13ème Concile de Tolède [2], sous le règne du roi Ervige .
Représentant probablement une partie de l’aristocratie hostile à Ervige soupçonné notamment d’avoir empoisonné Wamba pour monter sur le trône, ce dernier lui donne en mariage sa fille Cixilo. À l’abdication de son beau-père en 687, Égica monta sur le trône, répudia sa femme et punit tous ceux qui avaient comploté contre le roi Wamba.
Au cours de son règne, il devra faire face dans son royaume à plusieurs révoltes, à trois invasions franques, et à au moins une attaque byzantine [3].
Entre 692 et 693, le roi Égica est vraisemblablement forcé de quitter le pouvoir et la capitale du royaume, Tolède [4], victime d’un complot fomenté par une faction de nobles hostiles et par l’archevêque Sisbert de Tolède , qui projettent de le faire assassiner avec la complicité de la reine Liubigotona, ex-belle-mère du roi.
Le chef de la noblesse rebelle, un certain Sunifred , est probablement couronné roi à Tolède par Sisbert à la fin de l’année 692. Cependant, dès le début de l’année 693, Égica rassemble une armée et reprend le pouvoir. Organisant un nouveau concile de Tolède, Sisbert est alors remplacé par l’évêque Félix de Séville , tandis que Sunifred voit ses biens confisqués. La répression d’Égica est sanglante ; selon la chronique mozarabe de 754 [5], celui-ci poursuivit les Goths [6] d’une mort cruelle.
Prétendant avoir les preuves d’une conspiration des Juifs de son royaume avec les Juifs d’Afrique, Égica les persécute durement. Lors du 17ème Concile de Tolède [7], il bannit à jamais les Juifs mais ceux qui habitent la partie wisigothique de la Gaule sont exceptés de la proscription à condition qu’ils se convertissent sincèrement à la foi chrétienne. Pour se venger, les Juifs exilés en Afrique auraient appelé les musulmans à conquérir un royaume hispano-wisigothique très affaibli.
Vers 695, l’empereur byzantin Justinien II aurait vainement tenté, par sa flotte, de réduire Égica à l’obéissance, mais les forces grecques seront repoussées par le comte wisigoth Théodemir ou Theudimer.
Voulant comme ses prédécesseurs imposer sa propre dynastie, Égica associe au pouvoir en 698 son fils Wittiza, un adolescent qu’il installe à Tuy [8] en Galice [9], dans l’ancien royaume des Suèves*.
Sur le plan juridique, il complète le Liber Iudiciorum [10].
Il meurt à un âge avancé à Tolède, en décembre 702. Selon la Chronique d’Alphonse III [11], Égica régna 10 ans seul et 5 ans avec son fils Wittiza. Isidore de Beja qualifiera Égica d’odieux tyran qui bannit et dépouilla les plus nobles familles, augmenta le fardeau des impôts et s’avilit jusqu’à fabriquer de fausses chartes de donation pour enrichir le domaine royal.
Selon la chronique mozarabe de 754, Égica était le père d’ Oppas, évêque de Séville [12] qui prit en 711 le parti des conquérants musulmans contre le roi wisigoth [13] Rodéric.
L’église de San Pedro de la Nave en Castille [14], l’une des plus vieilles de la péninsule Ibérique, fut bâtie sous son règne.
Notes
[1] Un échanson était un officier chargé de servir à boire à un roi, un prince ou à tout autre personnage de haut rang. En raison de la crainte permanente d’intrigues et de complots, la charge revenait à une personne en qui le souverain plaçait une confiance totale. L’échanson devait en particulier veiller à écarter tout risque d’empoisonnement et parfois même goûter le vin avant de le servir. Dans la mythologie et les religions, les divinités ont parfois, elles aussi, un échanson.
[2] Le treizième concile de Tolède s’est tenu en 683 à Tolède, capitale du royaume wisigoth, en Espagne. Le roi Ervige demande le pardon et la réhabilitation des rebelles qui furent contre le roi Wamba en 673. Les évêques consentent à rendre aux rebelles et à leurs descendants leurs possessions et leurs fonctions. Le pardon est également étendu à toutes les personnes ayant subi le même sort depuis le roi Chinthila qui régna de 636 à 640. Le roi Ervige désire qu’aucune vendetta ne vienne entraver son règne. Le concile condamne également les aveux forcés, ce qui nécessite une justice sans torture. Il impose aussi une peine de prison maximale.
[3] L’Empire byzantin ou Empire romain d’Orient désigne l’État apparu vers le 4ème siècle dans la partie orientale de l’Empire romain, au moment où celui-ci se divise progressivement en deux. L’Empire byzantin se caractérise par sa longévité. Il puise ses origines dans la fondation même de Rome, et la datation de ses débuts change selon les critères choisis par chaque historien. La fondation de Constantinople, sa capitale, par Constantin 1er en 330, autant que la division d’un Empire romain de plus en plus difficile à gouverner et qui devient définitive en 395, sont parfois citées. Quoi qu’il en soit, plus dynamique qu’un monde romain occidental brisé par les invasions barbares, l’Empire d’Orient s’affirme progressivement comme une construction politique originale. Indubitablement romain, cet Empire est aussi chrétien et de langue principalement grecque. À la frontière entre l’Orient et l’Occident, mêlant des éléments provenant directement de l’Antiquité avec des aspects innovants dans un Moyen Âge parfois décrit comme grec, il devient le siège d’une culture originale qui déborde bien au-delà de ses frontières, lesquelles sont constamment assaillies par des peuples nouveaux. Tenant d’un universalisme romain, il parvient à s’étendre sous Justinien (empereur de 527 à 565), retrouvant une partie des antiques frontières impériales, avant de connaître une profonde rétractation. C’est à partir du 7ème siècle que de profonds bouleversements frappent l’Empire byzantin. Contraint de s’adapter à un monde nouveau dans lequel son autorité universelle est contestée, il rénove ses structures et parvient, au terme d’une crise iconoclaste, à connaître une nouvelle vague d’expansion qui atteint son apogée sous Basile II (qui règne de 976 à 1025). Les guerres civiles autant que l’apparition de nouvelles menaces forcent l’Empire à se transformer à nouveau sous l’impulsion des Comnènes avant d’être disloqué par la quatrième croisade lorsque les croisés s’emparent de Constantinople en 1204. S’il renaît en 1261, c’est sous une forme affaiblie qui ne peut résister aux envahisseurs ottomans et à la concurrence économique des républiques italiennes (Gênes et Venise). La chute de Constantinople en 1453 marque sa fin.
[4] Tolède est une ville qui se trouve dans le centre de l’Espagne, capitale de la province du même nom et de la communauté autonome de Castille-La Manche. Lors des Grandes invasions du 5ème siècle qui ravagèrent un Empire romain d’Occident déclinant, Tolède est pillée à plusieurs reprises par les Barbares (Vandales, Suèves et Alains) qui ont envahi la péninsule Ibérique à partir de l’an 409. À partir du milieu du 6ème siècle, Tolède devient la capitale des Wisigoths, devenus les nouveaux maîtres d’une grande partie de la péninsule. Au début du 8ème siècle, lors de la conquête musulmane de l’Espagne, le dernier souverain wisigoth, Rodrigue, est battu par le conquérant arabe Tariq ibn Ziyad à la bataille de Guadalete en 711. Tolède tombe aux mains des musulmans en 712. À partir de là, la ville fait partie du Califat omeyyade, puis de l’Émirat de Cordoue (755–929), et enfin du Califat de Cordoue. Le 25 mai 1085, en pleine Reconquista, les chrétiens dirigés par le roi Alphonse VI de Castille reprennent Tolède aux musulmans.
[5] Les chroniques mozarabes sont une suite de documents rédigés à partir de 754 par des moines chrétiens espagnols réfugiés dans les Asturies à cause de la conquête musulmane de l’Ibérie, devenue al-Andalus 40 ans auparavant. De culture latine et wisigothique, ces moines rebelles refusaient de se plier au nouvel ordre musulman, contrairement à leurs coreligionnaires Mozarabes de Tolède, et narrèrent l’épopée de la chrétienté face aux nouveaux maîtres du défunt royaume wisigoth. Ces documents constituent la seule trace écrite sur ces événements. Ces chroniques introduisent l’idée d’une continuité du sang des rois wisigoths dans la lignée du royaume des Asturies, credo qui subsiste dans la famille royale d’Espagne encore actuellement.
[6] Les Goths faisaient partie des peuples germaniques. Selon leurs propres traditions, ils seraient originaires de la Scandinavie. Ils provenaient peut-être de l’île de Gotland. Mais ils pourraient également être issus du Götaland en Suède méridionale ou bien du Nord de la Pologne actuelle. Au début de notre ère, ils s’installèrent dans la région de l’estuaire de la Vistule. Dans la seconde partie du 2ème siècle, une partie des Goths migrèrent vers le sud-est en direction de la mer Noire. Dès le 3ème siècle les Goths étaient fixés dans la région de l’Ukraine moderne et de la Biélorussie où ils furent probablement rejoints par d’autres groupes qui ont été plus ou moins intégrés dans la tribu. Les Goths formaient un seul peuple jusqu’à la fin du 3ème siècle. Après un premier affrontement avec l’Empire romain dans le sud-est de l’Europe au début du siècle, ils se séparèrent en deux groupes : les Greuthunges à l’Est et les Tervinges à l’Ouest qui deviendront par la suite les Ostrogoths ou « Goths brillants », à l’Est, et les Wisigoths ou « Goths sages » à l’Ouest.
[7] Le 17ème concile de Tolède s’est tenu à Tolède, dans le royaume Wisigothique, en 694, sous le règne du roi Egica. Ce fut le troisième concile sous son règne et ce concile visait, comme le 16ème concile de Tolède, les Juifs dont le roi semble avoir eu une profonde méfiance et aversion.
[8] Tui (Pontevedra) Tui est une commune de la province de Pontevedra en Galice (Espagne) appartenant à la comarque du Baixo Miño. Tui est une ville frontière entre l’Espagne et le Portugal. Le roi wisigoth Wittiza y installa sa cour au début du 8ème siècle. La cité fut attaqué par les Vikings au début du 11ème siècle. En 1809, la ville fut prise par les troupes du Maréchal Soult, lors de la deuxième invasion du Portugal.
[9] La Galice est une communauté autonome avec un statut de nation historique située à l’extrémité nord-ouest de l’Espagne. Elle est entourée par la principauté des Asturies, la Castille-et-León, le Portugal, l’océan Atlantique et la mer Cantabrique. Elle recouvre une superficie de 29 574 km². La Galice se compose de quatre provinces : La Corogne, Lugo, Ourense et Pontevedra. Saint-Jacques-de-Compostelle, cinquième ville galicienne par sa population et située dans la Province de La Corogne, est la capitale politique de la communauté autonome, sans être celle de la province, qu’est La Corogne, ancienne capitale politique de la Galice et ville la plus importante de la région.
[10] le corpus législatif du royaume hispano-wisigothique, en vigueur depuis le milieu du 7ème siècle
[11] La Chronique d’Alphonse III (en latin : Chronica Adefonsi tertii regis) est un document historique du type chronique qui est attribué au roi Alphonse III en personne. Elle couvre un espace de temps qui va depuis le règne de Wamba jusqu’à la fin de celui de Ordoño Ier
[12] L’archidiocèse de Séville est un archidiocèse d’Espagne dont le siège ecclésiastique est la cathédrale Notre-Dame du Siège de Séville. Sa province ecclésiastique compte six diocèses suffragants localisés sur l’ouest de l’Andalousie et les îles Canaries.
[13] Les Wisigoths entrent en Gaule, ruinée par les invasions des années 407/409. En 416 les Wisigoths et leur roi Wallia continuent leur invasion en Espagne, où ils sont envoyés à la solde de Rome pour combattre d’autres Barbares. Lorsque la paix avec les Romains fut conclue par le fœdus de 418, Honorius accorda aux Wisigoths des terres dans la province Aquitaine seconde. La sédentarisation en Aquitaine a lieu après la mort de Wallia. Les Wisigoths pénétrèrent en Espagne dès 414, comme fédérés de l’Empire romain. Le royaume des Wisigoths eut d’abord Toulouse comme capitale. Lorsque Clovis battit les Wisigoths à la bataille de Vouillé en 507, ces derniers ne conservent que la Septimanie, correspondant au Languedoc et une partie de la Provence avec l’aide des Ostrogoths. Les Wisigoths installèrent alors leur capitale à Tolède pour toute la suite. En 575 ils conquièrent le royaume des Suèves situé dans le nord du Portugal et la Galice. En 711 le royaume est conquis par les musulmans.
[14] L’église San Pedro de la Nave est une église wisigothe située à 19 kilomètres à l’ouest de Zamora, en Castille-et-León (Espagne).