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La Suisse une et indivisible

mercredi 18 septembre 2019, par lucien jallamion

La Suisse une et indivisible

Le 22 mars 1798, les révolutionnaires français transforment la Suisse en une République Helvétique unitaire sur le modèle de la Grande Nation la France.

C’en est fini de l’ancienne Confédération helvétique, établie depuis 500 ans. Sa neutralité garantie par les traités de Westphalie* en 1648 n’est plus qu’un souvenir.

A la veille de la Révolution française, la Suisse apparaît comme une terre de contrastes. Les cantons primitifs qui avaient formé alliance au Moyen Âge pour tirer parti du trafic international lucratif à travers le col du Saint-Gothard ont rassemblé d’autres territoires au fil des siècles.

A partir des guerres d’Italie, ils ne se soucient plus de jouer un rôle sur la scène européenne et se préoccupent seulement de grignoter le plateau qui sépare les Alpes du Jura, vestige de l’ancienne Lotharingie*.

Le bon sens et une conscience aiguë de leurs intérêts communs permettent aux cantons de trouver des compromis entre les villes et les campagnes, les protestants et les catholiques. Mais certains conflits intérieurs menacent parfois l’édifice. La deuxième guerre de Villmergen* se termine en 1721 par la victoire du parti protestant.

Au 18ème siècle, la Confédération est constituée de 13 cantons souverains, ainsi que de leurs alliés et de leurs sujets. Les cantons restent jaloux de leurs prérogatives. Ils sont seuls habilités à lever l’impôt, à armer des troupes, à frapper monnaie. A la différence de l’époque contemporaine, il n’y a pas lieu à querelle linguistique, car les populations de langue française ou italienne n’ont pas accès au pouvoir politique.

Les villes acquièrent une belle prospérité aux 17ème et 18ème siècle, en produisant des textiles, de l’horlogerie, en développant leurs activités bancaires parfois jusqu’au bout du monde. Les corporations de métiers* (les « Zünfte ») défendent leurs privilèges.

L’accès à la condition de bourgeois dans les villes est également très réglementé.

Au canton de Berne, le plus étendu, les membres du Petit Conseil* se font appeler nobles, illustres, puissants et souverains Seigneurs ou plus simplement leurs Excellences.

Les populations autrefois conquises n’ont jamais pu accéder à la condition de citoyen et sont donc gouvernées par des baillis*. On dit couramment d’un caractère affirmé dans le Pays de Vaud qu’il est raide comme la justice de Berne. En fait, derrière une façade de démocratie, les oligarchies constituées par quelques familles patriciennes ont confisqué le pouvoir à Berne, Bâle et Zurich notamment. Neuchâtel est une principauté alliée bien que le roi de Prusse y soit gratifié des apparences de la souveraineté.

Certains esprits réformateurs, Davel à Lausanne en 1723, Péquignat dans le Jura en 1739, Henzi à Berne en 1749, Chenaux à Fribourg en 1781 ont tenté, parfois violemment, de faire évoluer cet état de choses, sans rencontrer dans la population le soutien espéré.

Nombre des faiblesses de la France se retrouvent en Suisse, même si les taxes sont plus modestes, le luxe moins tapageur, les prébendes plus réduites. La guerre étrangère, qui a mis à mal l’équilibre économique en France, a souvent enrichi les banquiers genevois et suisses.

Si la prospérité est à la source d’une certaine fermentation sociale, elle permet aussi un grand épanouissement intellectuel au cours du 18ème siècle. Les mathématiciens Bernoulli et Euler, les médecins Tissot et Tronchin, mais aussi Rousseau, Pestalozzi, Constant, à Genève, Candolle, Saussure et bien d’autres illustrent brillamment les arts et les lettres.

L’émigration offre un dérivatif à nombre de jeunes gens entreprenants dont certains font fortune jusqu’en Perse, en Russie ou dans les jeunes États-Unis. Le service étranger, (c’est-à-dire le mercenariat), se pratique sur une grande échelle en France, mais aussi dans les principautés italiennes, en Espagne, en Hollande et au-delà...

Beaucoup d’émigrants suisses se distinguent aussi dans les techniques et la manufacture Perronet à Paris, Oberkampf à Jouy-en-Josas.

Les traités ont accordé aux Suisses des privilèges d’établissement dans le Royaume de France, d’où une émigration importante qui va donner aux événements de France et aux idées révolutionnaires un retentissement immédiat dans certains milieux d’idéalistes et d’agitateurs.

En 1792, Étienne Clavière, un Genevois émigré après les échecs des tentatives populaires à Genève, est ministre des finances de la Convention. Marat lui-même est un médecin neuchâtelois.

En 1791, une campagne de banquets qui célèbre dans le Pays de Vaud l’anniversaire de la prise de la Bastille est réprimée rudement par la justice de Berne et plusieurs exécutions sont prononcées.

La sympathie des populations est quelque peu partagée. Si les patriciens qui gardent la main sur les affaires publiques sont horrifiés par l’assaut des Tuileries, le 10 août 1792, et l’exécution de la famille royale en 1793, les bourgeois et les pays sujets, Vaud, Tessin ont conscience qu’un nouvel ordre des choses pourrait leur être favorable.

De surcroît, le courant de pensée suscité par Jean-Jacques Rousseau et les philosophes encourage des esprits réformateurs, Constant, La Harpe, Ochs, Germaine de Staël à précipiter une réforme radicale de la société.

Si Rousseau et Gibbon voient la Suisse sous un jour idyllique, d’autres observateurs sont plus critiques, Casanova, Voltaire. Au milieu d’une Europe où les états nations ont développé des moyens d’administration et d’intervention considérables, l’autorité exercée par la Diète des cantons est restée toute nominale, et les ressources militaires insignifiantes. Il est vrai que les faits d’armes du Moyen Âge et des guerres d’Italie, les bonnes dispositions de la France et de l’Autriche, et le sens de la diplomatie développé par les cantons ont toujours permis de préserver l’indépendance de la Confédération.

Depuis la guerre de Cent ans qui avait valu quelques incursions des 2 parties, les tentatives de Charles le Téméraire au 15ème siècle, enfin les débordements de la guerre de Trente ans au 18ème siècle, le pays n’a pas connu de menace d’invasion.

Lorsque les Français s’engagent en 1789 dans la Révolution, les idées nouvelles trouvent en Suisse un écho favorable chez les paysans et ceux-ci s’insurgent notamment contre de vieux droits féodaux qui n’ont plus de contrepartie véritable.

Dans les villes où la censure est la règle, des feuilles révolutionnaires circulent sous le manteau, des clubs se constituent sur le modèle français pour répandre les nouvelles et échanger les propositions les plus improbables. La crise économique fait le reste et l’on assiste à des insurrections populaires en Valais*, à Schaffhouse* et à Zurich*.

En 1792, par la voix du conventionnel La Réveillère, La Convention nationale déclare, au nom de la nation française, qu’elle accordera aide et secours à tous les peuples qui voudront recouvrer leur liberté, et charge le pouvoir exécutif de donner aux généraux les ordres nécessaires pour porter secours à ces peuples.

5 ans plus tard, sous le Directoire, les troupes françaises entrent en pays bâlois et à Bienne. Le général Ménard se tient en réserve avec une division cantonnée dans le Pays de Gex en janvier 1798. La République Lémanique est proclamée par insurrection populaire à Lausanne les 23-24 janvier. Les troupes françaises viennent aussitôt appuyer le nouveau pouvoir. Elles entrent à Lausanne le 28 et exigent une contribution de guerre.

En 1798, l’agitation politique s’étend sur le plateau suisse, révolte paysanne à Bâle*, insurrections dans le pays de Vaud. La capacité militaire de la Confédération n’est plus à la hauteur de son antique réputation. Dans ce contexte insurrectionnel, plusieurs cantons adoptent des constitutions démocratiques.

L’attrait du trésor de Berne n’en devient que plus fort pour le Directoire en faillite financière, et 2 colonnes d’invasion, sous le commandement des généraux Brune et Schauenbourg, viennent se heurter le 2 mars aux forces bernoises hâtivement rassemblées sous la direction du général Charles Louis d’Erlach.

Les combats de Fraubrunnen* et du Grauholz* se terminent par la déroute des Bernois. Les autres cantons n’ont pas répondu à l’appel de leur allié et pour comble d’infortune, le malheureux général est assassiné par ses troupes au cours de la retraite.

La capitulation qui suit le 5 mars 1798 consacre la fin de l’Ancien régime en Suisse. Brune fait parvenir à Paris l’ours Martin qui quitte ainsi la fosse de Berne pour le Jardin des Plantes, où il retrouve les girafes confisquées au Jardin royal d’acclimatation d’Amsterdam !

Le Directoire s’étant déterminé à abolir l’ancienne Confédération, il charge le bâlois Ochs de rédiger une constitution selon l’air du temps. La capitale est fixée en alternance à Aarau*, Lucerne* et Berne, un drapeau tricolore, vert, rouge et jaune est institué, les principes révolutionnaires sont adoptés.

Le nouvel État se veut une République une et indivisible, avec institution d’une nationalité suisse, suppression des douanes intérieures, unification des monnaies et des unités de mesure.

De nouveaux cantons sont créés pour constituer des entités de statut identique et de taille comparable, d’autres sont regroupés Waldstätten*, Säntis*, les anciens statuts de territoires alliés et sujets sont supprimés.

Un tel édifice, si éloigné des traditions locales, se révèle aussitôt menacé. Les députés issus des cantons ainsi définis ont des obédiences inconciliables et les forces fédéralistes sont déterminées à miner une construction aussi contraire à leurs convictions.

Les révolutionnaires eux-mêmes sont divisés en patriotes unitaires et républicains. Tout comme en France, la suppression des impôts traditionnels prive le nouvel État des ressources indispensables. Le régime d’occupation étrangère n’arrange rien. Une ultime et sanglante révolte secouera le canton de Nidwald* à l’automne 1798, laquelle sera durement réprimée par l’occupant français. De 1800 à 1802, pas moins de 4 coups d’état vont ébranler la jeune République.

Le Premier Consul Napoléon Bonaparte met un terme à cette expérience unitaire en abolissant la République et en restaurant une Confédération par l’Acte de médiation.

La République Helvétique puis la Confédération se trouvent fragilisées par l’irruption fort inopportune de 3 armées étrangères, dont celle de l’allié de 3 siècles.

La ville de Mulhouse*, la région de Delémont*, les républiques de Genève* et du Valais* sont annexés à la Grande Nation. La principauté de Neuchâtel est satellisée.

P.-S.

L’Europe au 18ème siècle Source : Imago mundi Texte de Léonardon/ article de Fabienne Manière/herodote/ evenement/17720428/dossier 414