Bonus (patrice)
Général byzantin
Proche de l’empereur Héraclius. Il joue un rôle déterminant dans la défense de Constantinople lors du siège combiné de Constantinople par les Perses et les Avars [1] en 626.
Presque rien n’est connu des origines et de la vie privée de Bonus. Dans un poème panégyrique dédié à Bonus en 626, Georges de Pisidie en parle comme d’un compagnon d’armes d’Héraclius, ce qui pourrait impliquer qu’il l’a accompagné lors de son départ d’Afrique en 610, pour renverser l’empereur Phocas. Il a aussi un fils illégitime, envoyé comme otage aux Avars en 622.
Dans les années 620, les Byzantins sont engagés dans une guerre prolongée contre l’Empire des Sassanides [2]. Lors des 20 années précédentes, les armées perses ont remporté plusieurs victoires consécutives, s’emparant de la plupart du Levant byzantin. En 622, après avoir assuré la paix avec les Avars dans les Balkans, Héraclius met en oeuvre une campagne qu’il dirige en personne contre les Perses.
Bonus est alors laissé en arrière à Constantinople, comme représentant de l’empereur et gardien de ses jeunes fils, conjointement avec le patriarche Serge 1er de Constantinople. Au cours de l’absence de Héraclius, Bonus est un régent compétent.
Les titres et les postes précis qu’occupe Bonus sont mal connus. Il détient le rang de patrice [3]. Dans les sources, il est mentionné comme le magistros [4].
En 626, Héraclius remporte plusieurs victoires en Orient et parvient à renverser la donne stratégique en sa faveur. Toutefois, le général perse Schahr-Barâz est toujours positionné à l’ouest de l’Anatolie [5] à proximité de Constantinople.
A ce moment, les Perses parviennent à un accord avec les Avars, dans la perspective d’un siège conjoint de Constantinople. À cette fin, les Perses progressent vers Chalcédoine [6] dont ils s’emparent avant de la raser. Cette ville est située en face de Constantinople et, là, les Perses attendent l’arrivée des Avars. Dans le même temps, l’empereur Héraclius apprend l’existence de cette menace contre sa capitale mais il décide de ne pas s’y rendre, au profit de l’envoi de conseils et de renforts à Bonus, qui procède au renforcement des murailles de la ville et au rassemblement de provisions.
L’armée des Avars se présente devant Constantinople en juillet 626. Des propositions de reddition du khagan [7] sont rejetées par Bonus et le siège commence le 29 juillet. Bonus est le commandant en chef des défenseurs. Au cours des 5 premiers jours du siège, il envoie plusieurs ambassades pour persuader le khagan de se retirer. Il lui offre notamment de l’argent. Le cinquième jour, les émissaires byzantins rencontrent une ambassade perse dans la tente du khagan, ce qui souligne le danger auquel fait face la cité impériale.
En effet, les Avars pourraient transporter l’armée perse à travers le Bosphore [8]. Le 10ème jour du siège, le 7 août, les assauts avars atteignent leur paroxysme. C’est à ce moment que Bonus parvient à piéger les Avars.
En effet, les Byzantins ont appris que le signal de traversée de la flotte ennemie en direction des Perses est l’allumage d’un grand feu. Par conséquent, les Byzantins décident d’installer leur propre « phare » au niveau des Blachernes [9] et, alors que les Avars traversent le détroit, la flotte byzantine, cachée dans la Corne d’Or, intervient et leur inflige une défaite décisive.
Ce succès se combine avec le fait que les Avars sont repoussés des murailles par les défenseurs. Bonus doit alors tempérer les ardeurs des habitants de la ville qui souhaitent poursuivre l’ennemi et s’emparer notamment de leurs armes de siège. Finalement, le 8 août, les Avars commencent à se replier et Bonus, le patriarche Serge et de nombreuses personnes viennent assister à cette retraite, qui donne lieu à la destruction par les Avars de leurs propres tours de siège.
Peu après, Théodore , le frère de l’empereur, arrive à la tête d’une armée et prend la direction des affaires au sein de la capitale. Quelques mois plus tard, en mai 627, Bonus meurt et est enterré le 11 mai dans le monastère du Stoudion [10].
Notes
[1] Les Avars ou Avares sont un peuple de cavaliers nomades dirigés par un Khâgan, parfois identifiés aux Ruanruan qui menaçaient la Chine au 3ème siècle. Ils seraient originaires de Mongolie, connu par les Chinois sous le nom de Ruanruan. Au 5ème siècle, leur khan Chö-louen fonde un empire nomade de la Corée à l’Irtych. En 546, leurs vassaux Tölech se révoltent. Bumin, chef des Tujue, réprime la rébellion et réclame en récompense la main d’une princesse ruanruan, ce qui lui est refusée. Vexé, il se décide à la révolte et envoie une ambassade en Chine auprès des Wei. Il s’allie avec eux et épouse une princesse Tabghatch en 551. En 552, le dernier khan ruanruan, encerclé se donne la mort. L’empire Avar s’effondre et est remplacé en Mongolie par celui des Köktürks, les survivants se réfugient à la frontière de la Chine où les Qi du Nord, successeurs des Wei, les établissent comme fédérés. Ceux qui se dirigent vers l’Europe sont connus sous le nom d’Avars, ils migrent vers l’ouest tout en poussant devant eux de petites peuplades turco-mongoles. Ils occupèrent la plaine hongroise au 7ème siècle. Puis, ils furent intégrés à l’empire.
[2] Les Sassanides règnent sur le Grand Iran de 224 jusqu’à l’invasion musulmane des Arabes en 651. Cette période constitue un âge d’or pour la région, tant sur le plan artistique que politique et religieux. Avec l’Empire romano byzantin, cet empire a été l’une des grandes puissances en Asie occidentale pendant plus de quatre cents ans. Fondée par Ardashir (Ardéchir), qui met en déroute Artaban V, le dernier roi parthe (arsacide), elle prend fin lors de la défaite du dernier roi des rois (empereur) Yazdgard III. Ce dernier, après quatorze ans de lutte, ne parvient pas à enrayer la progression du califat arabe, le premier des empires islamiques. Le territoire de l’Empire sassanide englobe alors la totalité de l’Iran actuel, l’Irak, l’Arménie d’aujourd’hui ainsi que le Caucase sud (Transcaucasie), y compris le Daghestan du sud, l’Asie centrale du sud-ouest, l’Afghanistan occidental, des fragments de la Turquie (Anatolie) et de la Syrie d’aujourd’hui, une partie de la côte de la péninsule arabe, la région du golfe persique et des fragments du Pakistan occidental. Les Sassanides appelaient leur empire Eranshahr, « l’Empire iranien », ou Empire des Aryens.
[3] Patrice est un titre de l’empire romain, créé par Constantin 1er. Dans les années 310-320, Constantin abolit le patriciat romain, vieille distinction sociale qui avait ses racines au début de la république romaine. Le titre de patrice est désormais accordé par l’empereur à des personnes de son choix, et non plus à des familles entières. Dès son apparition, le titre de patrice permet à son titulaire d’intégrer la nobilitas, comme le faisait déjà le patriciat républicain. Le titre était décerné à des personnages puissants mais non membres de la famille impériale ; il vient dans la hiérarchie immédiatement après les titres d’Auguste et de César. Ce titre fut ensuite conféré à des généraux barbares au service de l’empire. Le titre fut encore porté par des notables gallo-romains au 6ème siècle. Sous les Mérovingiens, le titre de patrice était donné au commandant des armées burgondes. Les papes l’ont notamment décerné à plusieurs reprises pour honorer des personnages qui les avait bien servis. Le titre fut également conservé dans l’Empire byzantin, et son importance fut même accrue au 6ème siècle par Justinien 1er, qui en fit la dignité la plus haute de la hiérarchie aulique. C’était une dignité accordée par brevet. Dans les siècles suivants, elle fut progressivement dévaluée par la création de nouveaux titres. La dignité de patrice disparut à Byzance au 12ème siècle.
[4] le terme pourrait signifier qu’il détient le poste de Magister officiorum mais Théodore Syncelle le désigne comme « le général » (strategos), ce qui pourrait faire référence au poste de magister militum praesentales
[5] L’Anatolie ou Asie Mineure est la péninsule située à l’extrémité occidentale de l’Asie. Dans le sens géographique strict, elle regroupe les terres situées à l’ouest d’une ligne Çoruh-Oronte, entre la Méditerranée, la mer de Marmara et la mer Noire, mais aujourd’hui elle désigne couramment toute la partie asiatique de la Turquie
[6] Chalcédoine est une cité grecque de Bithynie (actuellement en Turquie), située sur l’entrée orientale du Pont-Euxin, face à Byzance et au sud de Chrysopolis (Scutari, actuellement Üsküdar). La ville turque de Kadıköy est aujourd’hui située sur l’emplacement de Chalcédoine, dans le prolongement d’Üsküdar. Elle fait partie, avec le reste du royaume de Bithynie, du legs de Nicomède IV à l’Empire romain en 74 av. jc. Elle subit l’invasion de Mithridate VI, qui est ensuite chassé par Lucullus. De nouveau dans le giron de l’Empire romain, elle redevient une ville libre. Chalcédoine accueille le quatrième concile œcuménique des chrétiens en 451. Chosroès II, roi des Perses Sassanides, assiège la ville en 602 et s’en empare pour venger le meurtre de son ami Maurice Tibère ; il menace alors directement Constantinople dirigée par Phocas. La ville revient à l’empire l’année suivante, avant d’être à nouveau assiégée (mais non prise) par les Perses en 617 et 626, puis par mer, par les Arabes, en 678 et 718.
[7] Khagan ou Grand Khan, est un titre équivalent à celui d’empereur dans les langues mongole et turque. Le titre est porté par celui qui dirige un khaganat (empire, plus grand qu’un khanat). Khagan peut également être traduit par Khan des Khans, expression signifiant roi des rois.
[8] Le royaume du Bosphore est un royaume grec antique établi sur les rives du Bosphore cimmérien, nom antique de l’actuel détroit de Kertch, qui reliait le Pont-Euxin (l’actuelle mer Noire) au lac Méotide (l’actuelle mer d’Azov), et sur la Tauride. Il est fondé au 5ème siècle av. jc par les Archéanactides.
[9] Les Blachernes sont un quartier au nord de Constantinople, situé entre le monastère de Chora, la porte d’Andrinople et la Corne d’Or et abritant, outre un palais, l’une des 24 portes de la muraille de Théodose II, appelée porte des Blachernes, ainsi que la basilique Sainte-Marie-Mère de Dieu, dite « Sainte-Marie des Blachernes ».
[10] Le monastère du Stoudion ou monastère de Stoudios était un établissement religieux de Constantinople fondé vers 460 par un bienfaiteur privé du nom de Studius ou Stoudios, un aristocrate qui fut consul pour l’année 454. Il était placé sous le vocable de saint Jean Baptiste. Il était situé à l’extrême sud-ouest de la ville byzantine, dans le quartier de Psamathia, non loin du Mur de Théodose et de la mer de Marmara. Ses moines étaient appelés « studites » ou « stoudites ». Il reste aujourd’hui les ruines de l’église du monastère, le plus ancien édifice chrétien subsistant partiellement à Istanbul.