Il naquit à Lisbonne. Il est l’avant-dernier roi de la dynastie des Aviz. Fils du prince héritier Jean-Manuel et de l’infante Jeanne d’Espagne , il naît dix-huit jours après le décès de son père.
À trois ans, il succède à son grand-père Jean III . Sa mère Jeanne étant rentrée en Autriche peu après la mort de son mari, la régence est menée par sa grand-mère espagnole Catherine de Castille de 1557 à 1562.
Très populaire, elle se démet toutefois du pouvoir au bout de cinq ans, et le transmet à l’oncle du roi, le cardinal Henri d’Evora de 1562 à 1568. Le jeune roi reçoit l’enseignement des jésuites [1] et des dominicains [2]. Il est soumis à l’influence de son confesseur, Luis Gonçalves de Camara, et du frère de celui-ci, Martim, qui sera à la majorité ministre principal de Sébastien, faveur qu’il gardera jusqu’en 1576.
L’époque de la régence correspond avec l’expansion coloniale portugaise en Angola, au Mozambique, à Malacca et l’annexion en 1557 de Macao [3]. Au niveau législatif, la plus grande partie de la régence est consacrée au développement des affaires de l’Église, nouveaux évêchés en métropole et en outre-mer, renforcement de l’Inquisition et extension de son pouvoir jusqu’aux colonies indiennes, ratification et application des décisions du concile de Trente, établissement d’une nouvelle université à Évora [4] en 1559 dont l’enseignement est confié à la Compagnie de Jésus.
L’érection de la cathédrale Sainte-Catherine de Goa [5] est commencée en 1562 pour célébrer la conquête de la ville par Afonso de Albuquerque en 1510.
En échange de cette soumission à l’Église, les régents obtiennent des bulles pontificales [6] qui obligent le clergé portugais à soutenir la défense des colonies et du territoire métropolitain.
Dès sa majorité en 1569, Sébastien prend en main le pouvoir. Dom Sébastien s’intéresse moins au gouvernement qu’aux plans de conquêtes des terres païennes, visant l’Afrique du Nord, afin de propager la foi.
Religieux, austère, chaste, il est d’un caractère violent, emporté, voire despotique, passionné par tous les exercices du corps, tels la chasse ou la joute, il est également fort belliqueux, trait dans lequel le confortèrent ses courtisans. S’il laisse encore au début de son règne des brides de pouvoir à sa grand-mère, il finit par se passer de ses conseils, et se lance avec ses favoris dans la construction d’un Empire. Pour ce faire, il exige de l’Église les fonds nécessaires, et lève des impôts supplémentaires pour prélever sur la population ce que le clergé ne peut débourser. Le financement n’étant toujours pas suffisant, Sébastien est obligé de faire des emprunts, et doit en échange accorder certains bénéfices, comme le monopole de la vente d’épices pour une durée limitée.
Le roi échange également des fonds aux nouveaux convertis contre la promesse papale de ne pas confisquer les biens des condamnés de l’Inquisition. Il s’arma chevalier à Sagres [7] en soulevant l’énorme épée de Alphonse 1er de Portugal
Durant cette période, et jusqu’à la fin du règne de Sébastien, le gouvernement intérieur du Portugal est en proie aux luttes d’influence entre la reine mère Catherine et ses opposants. Une loi somptuaire est promulguée en 1570, soutenue par le clergé qui y voit le respect des commandements de l’Église. Cette loi définit notamment les viandes permises ou interdites, comment dépenser son argent, proscrivant la majeure partie des importations tout en oubliant de préciser ce qui était luxe et ce qui ne l’était pas.
Mais le roi s’intéresse de toute façon trop peu à la situation intérieure de son pays, passer en Afrique se couvrir de gloire est son seul souci. Jean III avait abandonné certaines conquêtes africaines pour reconcentrer l’effort colonisateur portugais sur l’Inde, mais Sébastien compte bien cueillir des lauriers là où son grand-père avait renoncé, et étendre encore le Maroc portugais.
Ayant organisé un corps d’infanterie d’élite en 1571, Sébastien souhaite l’exercer sur le champ de bataille.
En 1574, il se rend donc au Maroc durant trois mois, afin d’affronter les Maures [8]. Mais sa petite troupe n’est pas assez forte pour entreprendre de grandes choses. À son retour, il prépare une nouvelle expédition contre les Maures.
Dans ce but, il promet son aide à Mulay Muhammad Al-Mutawakkil , sultan de Berbérie [9] détrôné en 1575 par son oncle Mulay ’Abd al-Malik qui avait le soutien du sultan. Toujours prêt à franchir le détroit, Sébastien tente encore une fois d’intéresser Philippe II à son expédition.
Son émissaire à la cour espagnole négocie également un mariage avec la fille du roi. Le roi d’Espagne accepte de prêter des galères et des hommes au roi du Portugal, mais ne croit guère en la réussite du projet, tout comme le puissant duc d’Albe, favori de Philippe. Toutefois, Philippe reçoit Sébastien à Guadalupe [10] à la Noël 1576, et accepte l’intervention du Portugal en Afrique, sous conditions que l’expédition doit se dérouler courant 1577, et ne pas aller plus loin que Larache [11]. Mais Philippe finira par faire faux-bond au roi du Portugal, sans doute en partie à cause de la reprise des hostilités en Flandres, et en partie également à cause du manque de préparatifs du côté portugais.
Malgré l’opposition de Juan de Mascarenhas, général portugais, suivie des conseils de prudence de Catherine d’Autriche, l’offensive tant souhaitée est préparée pour l’été 1578. Le pape accorde apparemment au roi du Portugal une bulle de croisade. Le roi d’Espagne renouvelle encore plusieurs fois ses conseils de prudence.
De Tanger, Mulay Muhammad exhorte le souverain à ne pas se mettre à la tête de l’expédition, par crainte, dit-il, que les Maures ne croient que les Portugais ne viennent soumettre le pays. Mais en 1577, la ville d’Arzila [12], tenue par un partisan d’Al-Mutawakkil, se soumet au gouverneur portugais de Tanger, plutôt qu’aux forces d’Abd al-Malik. Cette "victoire" attise la hâte du roi de Portugal de passer en Afrique à la tête de ses troupes.
Le corps expéditionnaire ne constitue alors qu’une armée faible, indisciplinée et inorganisée.
Trois jours après Tanger, les troupes s’embarquent pour Arzila, où elles attendent encore douze jours les fournitures de l’expédition. Durant cette attente, un affrontement a lieu avec un petit corps envoyé en reconnaissance par Abd al-Malik, promptement repoussé par l’armée portugaise et ses alliés. Sébastien s’enfle de ce léger succès, au point de mépriser les avertissements que lui fait Abd al-Malik le 22 juillet.
Celui-ci lui envoie par lettre des remarques, notamment sur le fait que le roi du Portugal soutient celui qui a assiégé Mazagran [13], et y a massacré des chrétiens, malgré les promesses de Mulay Muhammad, ce dernier n’a aucun territoire sous son autorité alors qu’Abd al-Malik peut proposer, en échange de la paix, de donner certains territoires et villes mineurs au protégé du Portugal.
Sébastien voit cette missive comme une preuve de la terreur que ses troupes susciteraient chez l’ennemi, et convoque aussitôt un conseil de guerre pour décider de la conduite à tenir.
Trois options sont examinées lors de ce conseil. Mais Sébastien souhaite partir au plus court, directement sur l’armée ennemie, prendre au besoin Alcácer-Quibir [14] et ensuite se rabattre sur Larache. La flotte a pour ordre de rejoindre directement Larache par la mer. Ne prenant que pour quelques jours de vivre, l’armée terrestre quitte Arzila le 29 juillet, et, après un détour pour se ravitailler en eau, progresse désormais difficilement dans le territoire africain, en butte à la chaleur et aux harcèlements des troupes autochtones.
Il est rapidement décidé de rentrer sur Arzila, mais la flotte a déjà quitté ce point, et ne peut donc les secourir. Sébastien ordonne le 2 août de reprendre la marche en avant, suivant l’oued Makhazine, affluent du Loukkos [15], qui n’est pas encore à sec.
Pressés par la difficulté de traverser le Loukkos, les Portugais préfèrent franchir le Makhazine afin de s’affranchir des contraintes de la marée. Après ce franchissement, fait le 3 août, l’armée se trouve dans une position très favorable, couverte par le Makhazine et les différents bras du Loukkos.
Le matin du 4 août, c’est la bataille d’Alcácer-Quibir [16]. Sébastien fait défense à ses troupes d’attaquer sans son ordre, et monte à l’assaut avec l’avant-garde, laissant le reste de son armée sans chef pour la commander, ce qui le prive de la majeure partie de ses hommes. L’avant-garde étant très avancée dans le centre du dispositif d’Abd al-Malik, un cri de retraite se fait entendre, afin de refaire la jonction avec le gros des troupes royales, se changeant rapidement en débandade devant la charge des troupes maures. L’artillerie portugaise est rapidement réduite au silence, et prise par l’ennemi. La bataille se change en mêlée, et Sébastien, qui a refusé la proposition de sauver sa personne en retournant à Arzila ou Tanger finit par être tué. Environ 7 000 autres combattants portugais suivent son exemple, le reste étant fait prisonnier, et moins d’une centaine de Portugais peuvent rentrer à Lisbonne. Abd al-Malik meurt durant la bataille, tout comme Mulay Muhammad qui se noie dans l’oued Makhazine en s’enfuyant.
Les restes du roi de Portugal sont préservés par le successeur d’Abd al-Malik, Ahmed al-Mansour , qui fait reconnaître par les prisonniers la dépouille royale. Le corps est d’abord enseveli à Alcácer-Quibir, et les restes auraient été transportés à Ceuta [17], puis rapportés au Portugal sur ordre de Philippe II et transférés au Monastère des Hiéronymites [18] en 1582.