Il quitte sa terre natale pour l’Aquitaine vers sa vingtième année. Il passe encore une vingtaine d’années dans les monastères de Saint-Cyprien près de Poitiers et de Saint Savin sur Gartempe [1] dont on veut le faire abbé. Devant cette perspective et obéissant à une impulsion qui pousse alors les plus fervents d’entre les moines à la vie érémitique, à la suite de longs démêlés avec les moines de Cluny, il résigne sa charge et, avec la permission du Pape, s’en vient, guidé par Pierre de l’Étoile, son voisin, dans la partie du Maine limitrophe de la Bretagne, trouver les 3 grands chefs des ermites, Robert d’Arbrissel, Vital de Mortain et Raoul de la Futaie. Accueilli sous un nom d’emprunt, on lui donne le choix d’un ermitage ou d’un compagnon. Il choisit, près d’une église en ruines dédiée à saint Médard, dans la région de Saint Mars sur la Futaie, la cabane d’un ermite, Pierre, tourneur sur bois, qui lui apprend le travail manuel.
Malgré le nom de Guillaume, qu’a pris Bernard depuis sa fuite, malgré la distance qui le sépare de l’abbaye poitevine, ses anciens compagnons finissent par découvrir sa retraite. Le sachant, il s’enfuit jusqu’à l’île de Chausey [2]. Dans ce nouvel asile, bravant les rigueurs du climat et sans crainte des pirates, il vit dans une caverne, jusqu’à ce que les habitants lui fassent une cabane des épaves de la mer. Mais les souvenirs des forêts du Maine ne le quittent pas et, cédant aux prières de ses anciens compagnons, il y revient, en se fixant cette fois à Fontaine-Géhard [3], qui devint le centre principal des ermites du Bas Maine. De nombreux ermites vinrent bâtir des cellules autour de la sienne, et des foules désireuses de connaître ses leçons viennent le rencontrer.
Sa renommée alla jusqu’au monastère de Saint-Cyprien en Poitou où le vieil abbé Renault, qui l’avait accueilli dans sa vingtième année, vit encore.
Celui-ci ne peut résister au désir de ramener son disciple auprès de lui. Il y parvient, et Bernard reprend l’habit de son ordre. Renault le désigne comme son successeur à la communauté.
Au concile de Poitiers en novembre 1100, il donne avec Robert d’Arbrissel un exemple de fermeté apostolique en bravant les menaces du duc d’Aquitaine.
Puis, quand l’Ordre de Cluny veut s’emparer de son abbaye, plutôt que d’y donner la main, il revient trouver Robert d’Arbrissel et Vital de Mortain, cette fois pour prêcher de ville en ville, dans le Maine et en Normandie, la réforme des peuples et du clergé.
Un nouvel appel des religieux de Saint-Cyprien lui fait entreprendre un voyage à Rome, où il plaide leur cause contre les prétentions envahissantes de l’Ordre de Cluny. De là, l’amour de la retraite le pousse de nouveau dan l’île de Chausey d’où, chassé par les pirates, il revient dans ses forêts du Maine, cette fois à Chêne Douet près de Fougères.
Il réunit de nombreux disciples dans la forêt de La Guierche, mais s’aperçoit que le voisinage de Savigny où Vital de Mortain avait créé son abbaye, s’oppose à leur développement commun.
C’est alors qu’il va s’établir dans le Perche, dont le Comte est Rotrou III le Grand . Ce prince lui offre d’abord Arcisses, mais la donation est révoquée par la mère de Rotrou III, qui défend les moines clunisiens de l’abbaye de Saint-Denis de Nogent-le-Rotrou. Alors Rotrou III lui donna un lieu inculte en pleine forêt, à peu de distance du bourg actuel de Thiron. C’est là qu’il édifie un monastère primitif où il célébra pour la première fois la messe le jour de Pâques 1109, avec l’évêque Yves de Chartres. Des difficultés s’étant élevées avec les moines clunisiens de Saint-Denis de Nogent, il abandonna son monastère de Sainte-Anne et, avec l’autorisation de l’évêque Saint Yves, vint se fixer sur la paroisse de Gardais, dépendant du Chapitre de Chartres en 1114.
Grâce aux dons des rois et des plus grands seigneurs de France, d’Angleterre et même d’Écosse, il se mit à construire un nouveau monastère. Il meurt le 14 avril 1117.