Guillaume 1er de Provence dit le Libérateur (vers 955-993)
Comte d’Avignon en 962-Comte de Provence en 972-Marquis de la Provence arlésienne en 979-Prince de toute la Provence en 991
Fils de Boson II , comte d’Arles [1] et de Constance de Provence . Guillaume et son frère aîné Rotboald 1er de Provence , succèdent à leur père Boson et oncle appelé lui aussi Guillaume entre 962 et 966. Le comté de Provence leur appartient en indivision, Guillaume devenant comte d’Avignon et Roubaud comte d’Arles suivant la division opérée à la génération précédente entre leur père et oncle. Il épouse entre 968 et avril 970, Arsinde de Comminges , fille d’ Arnaud 1er de Carcassonne , comte de Comminges [2] et d’ Arsinde de Carcassonne .
A la suite à l’enlèvement de l’abbé Mayeul en juillet 972 par les bandes de Sarrasins [3] installées dans le massif des Maures [4] depuis la fin du 9ème siècle, le comte Guillaume et son frère Roubaud prennent la tête de l’ost [5] provençal renforcé par les troupes d’ Ardouin comte de Turin . Ils traquent les Maures [6] qu’ils écrasent à la bataille de Tourtour [7] en 973, puis les chassent de Provence.
Cette campagne militaire contre les Sarrasins conduite sans les troupes de Conrad III de Bourgogne, masque en fait une mise au pas de la Provence, de l’aristocratie locale et des communautés urbaines et paysannes qui avaient jusque là toujours refusé la mutation féodale et le pouvoir comtal. Elle lui permet d’obtenir la suzeraineté de fait de la Provence et avec le consentement royal, de contrôler le fisc de la Provence. Il distribue les terres reconquises à ses vassaux, arbitre les différents et crée ainsi la féodalité provençale. Avec Isarn, évêque de Grenoble [8], il entreprend de repeupler le Dauphiné et autorise un comte italien nommé Ugo Blavia à se fixer près de Fréjus [9] au début des années 970 pour remettre les terres en cultures.
Comme son père Boson, Guillaume se fait conseiller par un vicomte qui dès 977 l’accompagne dans tous ces déplacements et il s’appuie sur un groupe important de juges pour rendre la justice. Devenu marquis de Provence en 979, il s’installe à Arles au début des années 980. Sa première femme Arsinde de Comminges venant à décéder, il épouse en 984 dans cette cité, contre l’avis du pape, Adélaïde d’Anjou qui vient de se séparer de son époux, le futur roi de France, Louis V.
À la fin de sa vie Guillaume devient très pieux et restitue de nombreux biens au temporel de l’Eglise. Déjà en 991, à la demande de l’évêque de Fréjus [10], Riculf , qui implore à Arles auprès du prince la restitution des anciens domaines de l’évêché, il accède à cette pétition et lui accorde de surplus la moitié de Fréjus et le village de Puget [11]. En 992, il rend également d’importants domaines en Camargue au monastère Saint-Jean d’Arles [12]. En 993, se sentant mourir dans la ville d’Avignon dont il a été le comte, il prend l’habit de moine et fait appel à l’abbé Mayeul pour soulager son âme.
Il fait des restitutions et des offrandes à l’abbaye de Cluny, et c’est entouré par la multitude de ses sujets, que Guillaume de Provence passe de vie à trépas dans cette ville, peu après le 29 août 993. Avant de mourir, il avait émis le vœu d’être inhumé à Sarrians [13], près de Carpentras [14], dans le prieuré en cours de construction sur la villa offerte à l’abbaye bourguignonne.
Notes
[1] Le comté d’Arles est une ancienne principauté féodale situé à l’est du delta du Rhône
[2] Le Comté de Comminges est une ancienne principauté féodale située sur le versant nord des Pyrénées, de part et d’autre du haut cours de la Garonne. Il a existé du début du 10ème siècle jusqu’en 1454. Pendant longtemps, il fut considéré que les premiers comtes de Comminges étaient issus des comtes d’Aragon. Les dernières études font ressortir qu’ils seraient probablement des seigneurs de l’entourage des comtes de Toulouse. Le Comminges est incorporé au domaine royal en 1454.
[3] Sarrasins ou Sarrazins est l’un des noms donnés durant l’époque médiévale en Europe aux peuples de confession musulmane. On les appelle aussi Arabes, Ismaélites ou Agaréniens. D’autres termes sont employés également comme Maures, qui renvoient aux Berbères de l’Afrique du Nord après la conquête musulmane. Le terme de Sarrasin se cristallise finalement sur l’opposition avec l’ennemi dans le contexte des Croisades menées par l’Occident chrétien en Terre sainte.
[4] Le massif des Maures est une petite chaîne de montagne du sud de la France, située dans le département du Var, entre Hyères et Fréjus. Son point culminant, le signal de la Sauvette, atteint 780 m.
[5] Le terme ost ou host désignait l’armée en campagne à l’époque féodale et le service militaire que les vassaux devaient à leur suzerain au Moyen Âge. Dès le haut Moyen Âge, le service d’ost ou ost s’imposait à tous les hommes libres (« homines liberi »), appelés plus tard vavasseurs.
[6] Les Maures, ou anciennement Mores, sont originellement des populations berbères peuplant le Maghreb. Ce terme a changé de signification durant plusieurs périodes de l’histoire médiévale et contemporaine. À partir des conquêtes arabo-musulmanes du 7ème siècle, l’Empire arabe omeyyade, à l’aide du général berbère Tariq Ibn Zyad, conquiert l’Espagne, sous le nom d’Al Andalus. C’est le début de l’Espagne musulmane. À partir de cette époque, le terme « maure » va devenir un synonyme de « musulman », plus particulièrement de n’importe quel musulman vivant en Andalousie, qu’il soit d’origine berbère, arabe ou ibérique. Une population qui s’installera par la suite essentiellement au Maroc après la reconquête de l’Andalousie par l’armée espagnole.
[7] La bataille de Tourtour vit en 973 la victoire du comte Guillaume de Provence sur les Sarrasins ; elle marque leur expulsion définitive du territoire et met fin à une présence de plus de deux siècles.
[8] Le diocèse de Grenoble-Vienne-les-Allobroges (diocesis Gratianopolitana-Viennensis Allobrogum) est un diocèse français suffragant de Lyon. Le diocèse de Grenoble a été fondé vers 380, par la décision de l’empereur Gratien. Son premier évêque connu est saint Domnin. Les évêques étaient princes de Grenoble. Le territoire du diocèse s’étendait sur une grande partie du Haut Dauphiné, mais une partie de la Combe de Savoie (70 paroisses autour de Chambéry) en relevait également jusqu’au début du 18ème siècle.
[9] Fréjus est une commune française située dans le département du Var. ville romaine fondée en 49 av. jc pour s’opposer à la toute-puissance de Massilia, puis colonie voulue par Auguste en 27 av. jc sous le nom de Colonia Octavanorum pour accueillir les vétérans de la Legio VIII Augusta. Équipée sous Tibère, elle déclina jusqu’au 4ème siècle, date de la constitution de l’évêché, deuxième de France après Lyon
[10] Érigé au 4ème siècle, le diocèse de Fréjus est un diocèse historique de la Provence. Le diocèse de Fréjus-Toulon confine, à l’ouest, avec les archidiocèses de Marseille, d’Aix-en-Provence et d’Avignon, au nord, avec le diocèse de Digne et, à l’est, avec celui de Nice. Il couvre l’intégralité du département du Var ainsi que les îles de Lérins qui dépendent de la commune de Cannes, dans le département des Alpes-Maritimes.
[11] Puget est une commune française située dans le département de Vaucluse. Ses premiers seigneurs furent ceux de Puyvert. Tout d’abord Raymond puis son épouse Bérangère qui à sa mort, en 1323, hérite de « Puget Aquensi ». C’est de cette époque que date l’église romane aujourd’hui placée sous le vocable de l’Immaculée-Conception
[12] Le Monastère Saint-Jean est fondé le 26 août 512 par l’archevêque d’Arles, Césaire qui en nomme sa sœur Césarie, première abbesse. Ce monastère fait suite à une première tentative d’implantation hors des murs dans les années 506-507 détruite par les troupes franques et burgondes lors du siège d’Arles en 507-508. Un peu plus tard autour de 567, une épouse du roi de Bourgogne Gontran, probablement Marcatrude ou Teutéchilde d’après Grégoire de Tours, y est enfermée. Le rayonnement du monastère et de ses premières abbesses permettent à la Règle de Césaire de se diffuser largement dans le royaume des Francs, à commencer par le monastère créé à Poitiers par Radegonde, l’ancienne épouse du roi Clotaire, qui effectue un séjour à Arles et dans ce monastère.
[13] Sarrians est une commune française située dans le département de Vaucluse. Au 10ème siècle, Guillaume 1er, comte de Provence, très lié avec dom Mayeul, le 4ème abbé de Cluny, désira fonder un monastère bénédictin pour y être enseveli. Il choisit une de ses terres, près de Piécard (Podium Aicardi), dit le Vieux Sarrians, et son vœu fut exaucé après sa mort en 992. Placé sous la protection de la Sainte-Croix, ce monastère eut le statut de prieuré dépendant de Saint-Saturnin-du-Port, grand prieuré de Cluny pour toute la basse Provence. Son prieur était seigneur de Sarrians et Piécard avec le titre de baron. Un premier castrum fut édifié en 1023. Cette même année se tint, à Saint-Privat, dont une ferme a conservé le nom un concile des « Trois Provinces » où participèrent archevêques et évêques du Dauphiné, du comté et du marquisat de Provence. Un second concile suivit, toujours à Saint-Privat, lorsqu’en 1037, l’archevêque Raimbaut d’Arles vint consacrer la prioriale Sainte-Croix avec les évêques de Gap, Sisteron, Vaison et Carpentras
[14] Carpentras est une commune française, située dans le département de Vaucluse. Elle devient cité latine puis, au moment de la christianisation, accueille un siège épiscopal (ce siège alternera entre Carpentras et Venasque, en fonction des événements historiques). La ville accueille des juifs depuis au moins le 28 février 1276, selon des rôles d’impôts de cette période. En 1155, Raymond V de Toulouse, marquis de Provence, envoie son chancelier Raous à Raymond 1er, l’évêque de Carpentras pour confirmer les privilèges du marché qui se tient à Carpentras. Au début de la papauté d’Avignon, l’évêque Bérenger Forneri voulut, sans succès, interdire le cimetière au marché. Le pape Clément V établit sa curie à Carpentras en 1313. Lorsqu’il meurt en 1314, son successeur donne sa préférence à Avignon. Cependant, capitale du Comtat Venaissin en 1320, la ville profite de la munificence pontificale : gouvernée par ses évêques, elle s’étend et s’entoure d’une enceinte dont il ne reste plus que la porte d’Orange. Le marché s’étend, en 1385, sur la place de la Fusterie, actuelle place des pénitents noirs