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L’histoire pour le plaisir

Juste Lipse

vendredi 22 mars 2024, par lucien jallamion

Juste Lipse (1547-1606)

Philologue et humaniste

Il s’efforça, notamment avec la composition de son essai “De Constantia”, de promouvoir un stoïcisme [1] chrétien renouvelé du stoïcisme ancien. Par là, il devait influencer nombre de ses contemporains, donnant naissance au courant du Néo-stoïcisme [2]. Il enseigna dans les universités d’Iéna [3], Leyde [4] et Louvain [5].

Ses idées sur le citoyen idéal, comme individu responsable, dont le comportement est dicté par la Raison, qui reste maître de ses émotions, et est prêt à combattre pour le service de la Cité, firent de nombreux adeptes dans les temps troublés de la Réforme. L’idéal citoyen de Juste-Lipse, transposé à la politique, se traduit concrètement par une rationalisation de l’État et de ses organes exécutifs, un gouvernement autoritaire du prince, l’éducation des citoyens à la discipline, et une militarisation importante de la Société. Ces principes sont à la base du concept d’État moderne, tel qu’il se développa dans la République des Provinces-Unies [6].

Petit-neveu de l’érudit Martin Lipse, mort en 1555, Juste Lipse fit ses études à Bruxelles [7], à Ath [8] et au collège des Jésuites de Cologne [9] d’où ses parents le retirèrent, de crainte qu’il n’entrât chez les jésuites [10], pour l’envoyer faire son droit à Louvain, mais il préféra s’orienter vers les belles-lettres. Il suivit, comme secrétaire, Antoine Perrenot de Granvelle cardinal de Granvelle à Rome où il suivit les cours de Marc-Antoine Muret avec qui sa prodigieuse mémoire lui permit bientôt de rivaliser.

Il rentra à Louvain et voyagea, partageant sa vie entre les études, l’enseignement et les plaisirs. Il se convertit au luthéranisme [11], mais ses ouvrages Considérations politiques et surtout “De una religione”, dans lequel il prêchait la nécessité d’une religion unique et exclusive, semblèrent des avances faites au parti catholique et le rendirent suspect aux yeux des réformés. Il résolut alors de quitter la Hollande, et sous prétexte de maladie, il se rendit à Spa [12], d’où il envoya sa démission de l’université de Leyde. En 1591, il fit publiquement acte d’adhésion à la religion catholique.

Malgré les nombreuses offres de postes d’enseignant arrivant de toute l’Europe, il préféra la ville de Louvain. Il devint également historiographe de Philippe II d’Espagne et conseiller de l’archiduc Albert d’Autriche . Il publia de nombreux ouvrages sur des sujets très divers, religion, politique, philosophie, antiquité. Il a laissé également une très vaste correspondance.

On dit qu’il avait, au quotidien, un caractère agréable, malgré des accès de mélancolie. Il détestait la musique, mais aimait beaucoup les chiens et les fleurs, principalement les tulipes. C’est pourquoi, dans un portrait de groupe Rubens l’a représenté avec des tulipes derrière lui et son chien Mopsulus à ses pieds.

Il mourut d’une maladie du foie.

P.-S.

Source : Cet article est partiellement ou en totalité issu du texte de Christian Mouchel, Juste Lipse (1547-1606) en son temps : Actes du colloque de Strasbourg, 1994, Paris, H. Champion ; Genève, Slatkine, 1996

Notes

[1] Le stoïcisme est un courant philosophique occidental issu de l’école du Portique fondée en 301 av.jc à Athènes, par Zénon de Cition. Le stoïcisme a par la suite traversé les siècles, subi des transformations notamment avec Chrysippe de Soles en Grèce et à Rome avec Cicéron, Sénèque, Épictète, Marc Aurèle, puis exercé diverses influences, allant de la période classique en Europe en particulier au 17ème siècle, chez René Descartes jusqu’à nos jours. Un des points qui distingue le stoïcisme des autres courants philosophiques issus de l’époque hellénistique est sa psychologie qui est à la base des thérapies cognitivo-comportementales modernes

[2] Le néo-stoïcisme (ou néostoïcisme) est un mouvement philosophique, fondé par Juste Lipse, qui reprend les éléments de la philosophie stoïcienne et les éléments du christianisme. Lipsius a publié deux ouvrages importants : De Constantia (1583) et Politica (1589). Ce mouvement ne doit pas être confondu avec le stoïcisme moderne, un mouvement similaire du début du 21ème siècle.

[3] L’université d’Iéna, baptisée du nom de Friedrich Schiller, (en allemand, Friedrich-Schiller-Universität Jena) est une université allemande située à Iéna en Thuringe. Plus de 130 cursus sont possibles. L’université d’Iéna compte 10 facultés (Théologie, de droit, d’économie, de sciences humaines, des sciences sociales, de Mathématiques/Informatique, de Physique/Astronomie, Chimie/Géographie, Biologie/Pharmacie, Médecine) elles-mêmes divisées en différents instituts. 1558 est considérée comme l’année officielle de création de l’université. Elle a reçu, à l’initiative du Gauleiter nazi de Thuringe Fritz Sauckel, le nom de Friedrich Schiller en 1934.

[4] L’université de Leyde est la plus ancienne des universités néerlandaises. Située à Leyde, elle est très réputée et a été fréquentée par plusieurs membres de la famille royale des Pays-Bas.

[5] Louvain, ville au riche passé universitaire qui fut le siège de quatre universités différentes : d’abord le Studium Generale Lovaniense (1425-1797) et le Collegium Trilingue fondé en 1517, ensuite l’université d’État de Louvain (1817-1831). L’université de Louvain, fut le grand centre culturel et de transmission du savoir dans les Pays-Bas du Sud, de sa fondation en 1425 à sa suppression en 1797. Son fondateur fut le duc Jean IV de Brabant. Cette fondation fut confirmée par une bulle papale de Martin V.

[6] Les Provinces-Unies, officiellement la république des sept Provinces-Unies des Pays-Bas étaient un État prédécesseur de l’actuel royaume des Pays-Bas et le premier État-nation néerlandais entièrement souverain. L’État naquit en 1579, au cours de la révolte des Pays-Bas contre Philippe II et disparut en 1795, lors de la révolution batave. Il trouve ses origines lorsque la majorité des Dix-Sept Provinces des Pays-Bas espagnols se sont révoltées contre Philippe II (par ailleurs roi d’Espagne). Elles formèrent une alliance mutuelle contre leur monarque en 1579 avec l’union d’Utrecht et la république fut établi par l’acte de La Haye, en 1581. Elle constitua une décision des États généraux de l’union de déposer Philippe II de ses droits sur les Pays-Bas, qu’il détenait en tant qu’héritier des ducs de Bourgogne, notamment de Charles le Téméraire

[7] Bruxelles, est une ville et une agglomération de Belgique. Celle-ci s’étend au-delà des limites administratives de la Région de Bruxelles-Capitale pour englober des parties du Brabant flamand et du Brabant wallon. En son centre se trouve la commune de Bruxelles proprement dite, dont le nom utilisé par la constitution belge est ville de Bruxelles. À l’aube des guerres de Religion, Bruxelles est secouée par le conflit qui oppose la noblesse des Pays-Bas (Hollande et Belgique) et les États généraux, d’une part, au roi d’Espagne Philippe II, fils de Charles-Quint, de l’autre. Il est reproché à Philippe II de ne pas respecter les libertés des divers états qui avaient été octroyées, au fil des siècles, par les ducs de Brabant et leurs successeurs de Bourgogne. S’y ajoute le conflit né de l’expansion du protestantisme auquel s’oppose Philippe II. L’exécution capitale à Bruxelles des chefs de l’opposition, les comtes d’Egmont et de Hornes, ainsi que de nombreux opposants, déclenche un soulèvement qui s’étend à tous les Pays-Bas jusqu’au nord de la Hollande. C’est la guerre de Quatre-Vingts Ans au cours de laquelle Bruxelles devient même une ville dominée par les protestants et subit un siège d’un an. La victoire des Espagnols sur la ville insurgée inaugure la Contre-Réforme catholique qui multiplie les édifices religieux de style baroque. Au 17ème siècle, la ville est capitale de l’industrie de la dentelle.

[8] Ath est une ville francophone de Belgique située en Wallonie, chef-lieu d’arrondissement en province de Hainaut.

[9] La ville doit son nom de Cologne à l’impératrice romaine Agrippine, épouse de l’empereur Claude, qui éleva son lieu de naissance au rang de colonie en l’an 50, sous le nom de Colonia Claudia Ara Agrippinensium. Les Romains y tenaient une garnison et des axes routiers convergeaient vers un pont de bateaux sur lequel transitait un important commerce avec toutes les régions de la Germanie. En raison de son importance stratégique sur le limes du Rhin et de la présence de l’armée et de la clientèle germanique, l’endroit attira de nombreux marchands et devint un foyer d’artisanat et de commerce. Centre militaire, la ville fut la résidence de l’empereur gaulois Postume de 260 à 268, et le lieu de l’usurpation éphémère de Silvanus en 355. Les Romains introduisirent le christianisme à Cologne, qui devint siège épiscopal à partir du 4ème siècle. Des Francs se sont regroupés au cours de la seconde moitié du 5ème siècle pour fonder un royaume à Cologne, qui est intégré dans le royaume franc de Clovis. À partir du 7ème siècle, ils sont désignés sous le nom de Francs ripuaires.

[10] La Compagnie de Jésus est un ordre religieux catholique masculin dont les membres sont des clercs réguliers appelés « jésuites ». La Compagnie est fondée par Ignace de Loyola et les premiers compagnons en 1539 et approuvée en 1540 par le pape Paul III.

[11] Le luthéranisme est la théologie qui trouve son origine dans la pensée et les écrits du théologien et moine augustin allemand Martin Luther, à partir de 1517. Ce courant de pensée a favorisé plus généralement l’émergence d’une théologie protestante et d’églises protestantes au cours du 16ème siècle, tout en restant la référence dogmatique principale du courant théologique d’églises protestantes luthériennes, notamment en Allemagne et dans les pays scandinaves. Du fait des circonstances historico-politiques, d’importantes églises luthériennes se sont constituées dans d’autres régions ou pays, en Alsace et Lorraine, à Madagascar, en Pologne, dans les pays baltes notamment. Le luthéranisme concerne à la fois la foi d’individus se revendiquant protestants luthériens, les Églises luthériennes et un corpus théologique et ecclésiologique. La théologie de Luther est le bien commun de l’ensemble de la Réforme protestante. Le luthéranisme est ainsi une branche du protestantisme, qui est lui-même un courant du christianisme.

[12] Spa est une ville francophone de Belgique située dans la province de Liège en Région wallonne. Elle est connue pour ses eaux thermales. Spa était une destination de villégiature thermale particulièrement fréquentée dans la deuxième moitié du 18ème siècle par toute la noblesse européenne. C’est Joseph II, empereur du Saint-Empire romain germanique, qui en séjour à Spa à partir du 19 juillet 1781 déclara la ville Café de l’Europe. On retient qu’il s’accorda en toute simplicité un menuet aux abords du pouhon de la Géronstère où il venait de prendre les eaux.