Bienvenue sur mon site historique. Bon surf

L’histoire pour le plaisir

Accueil du site > Histoire du 17ème siècle > Moulay Rachid ou Moulay Rachid Ben Chérif

Moulay Rachid ou Moulay Rachid Ben Chérif

dimanche 11 juin 2023, par lucien jallamion

Moulay Rachid ou Moulay Rachid Ben Chérif (1631-1672)

Sultan du Maroc de 1667 à 1672

Septième fils de Moulay Chérif, fondateur de la dynastie alaouite [1], il se révolte à la suite de la mort de son père contre son frère Mohammed ben Cherif , qui est à la tête de la dynastie qui contrôle alors l’est et le nord du Maroc. Il réussit à le tuer puis lui succède en tant que souverain alaouite contrôlant un vaste territoire. Il s’empare ensuite de Fès [2] le 27 mai 1667, se proclame sultan, et devient le premier sultan alaouite.

Il installe son frère, le futur sultan Ismaïl ben Chérif, comme khalifa [3] à Fès et part renforcer son pouvoir au sud. Il met 2 ans pour mater les rebelles de Marrakech [4] qui contestent son autorité et pénètre dans la ville en 1669. Jusqu’à sa mort en avril 1672 des suites d’une chute de cheval à Marrakech, Rachid ben Chérif se partage entre Marrakech, Fès et Rabat [5] et reconstruit un pouvoir central. À sa mort, son frère Ismail ben Cherif lui succède à la tête du pays.

Après sa victoire contre son frère Moulay Mohammed, Rachid devient souverain de la dynastie alaouite. Il s’attaque ensuite en août 1664, à la kasbah [6] d’Aaron Ibn Mechaal, gouverneur juif et très riche de Taza [7], dans le territoire des Béni-Snassen [8]. Il exécute ce dernier, puis s’empare de tous ses biens et y enterre son frère. Il partage le butin avec les Béni-Snassen et les tribus Arabes aux alentours, puis il s’empare en 1665 de la ville de Taza sous le contrôle des Dilaïtes [9], et en fait sa capitale, puis retourne ensuite à Oujda [10], pour y recruter des hommes, organiser son armée et recevoir les serments d’obéissances et les présents des tribus.

En apprenant les massives soumissions des tribus envers Moulay Rachid, les habitants de Fès se réunissent aux côtés des Hayâïna [11], et des habitants du Houz. Ils s’engagent ainsi à ne pas prêter serment à Moulay Rachid et à le combattre. Moulay Rachid prend connaissance de tous ces faits seulement après son retour à Taza. Pendant ce temps, Mohammed Ben Mohammed Chérif, le fils de son défunt frère, se révolte à Sijilmassa [12]. Moulay Rachid se lance à l’attaque de celle-ci, puis l’assiège pendant 9 mois avant que Mohammed ne prenne la fuite. Moulay Rachid s’empare ainsi de la ville, y restaure ses remparts et organise sa défense, puis retourne à Taza.

Lorsque les habitants de Fès et leurs alliés apprennent la nouvelle, ils s’organisent et décident de s’attaquer à Taza en avril 1666. Les coalisés qui atteignent Taza et qui se retrouvent en face de l’armée de Moulay Rachid, prennent la fuite sans combattre. Rachid les poursuit jusqu’au fleuve du Sebou [13]. Une paix est demandée par les habitants de Fès que Moulay Rachid refuse finalement.

En août, Moulay Rachid assiège la ville de Fès. Après de violents combats qui ont duré 3 jours, les Alaouites se retirent. Moulay Rachid est touché par une balle à l’oreille. Le mois suivant, Moulay Rachid décide de reprendre le siège de Fès, il le lève quelque temps après. En plein mois de Ramadan, Il se dirige vers le nord et met fin à une révolte dans le Rif* dont il s’empare.

En avril, Moulay Rachid campe pour la 3ème fois sous les murs de Fès. Le siège reprend. Après de violents combats, le 26 mai 1667, l’armée de Moulay Rachid réussit à entrer dans Fès, grâce à une brèche pratiquée dans les remparts, provoquant la fuite du gouverneur de la ville Elddoraïdi. Dans la nuit du 27, les Alaouites s’attaquent à Fès el Bali [14], et en prennent le contrôle. Ibn Seghir, le chef des Lemthiens, et son fils prennent la fuite et se réfugient dans le bastion de Bab el-Djisa, tandis qu’Ibn Salah, le chef des Andalous, s’échappe de la ville le matin du 28. À la fin des combats, Moulay Rachid se proclame sultan, les habitants de la ville lui prêtent finalement serment de fidélité et le reconnaissent comme sultan.

Il prend le contrôle du palais du gouverneur, et n’exerce aucune violence envers les habitants de la ville. . Une fois reconnue souverain par les habitants de Fès, sans perdre de temps, Moulay Rachid lance des espions à la recherche des chefs fugitifs. Ibn Salah est capturé en premier dans la banlieue de Fès, avec ses compagnons. Certains d’entre eux sont exécutés, puis le reste au côté d’Ibn Salah sont enfermés à la prison de Bab Dâr Ben Chegra. Ibn Seghir et son fils, sont ensuite également attrapés au sein de la tribu Hayâïna, au nord de Fès. Ils sont eux aussi emprisonnés à Bab Dâr Ben Chegra. Moulay Rachid décide finalement d’en finir avec eux, et 7 jours plus tard, ils sont exécutés.

Rachid ben Chérif contrôle donc grâce à cette victoire toutes les régions orientales, et les environs de Fès. Mais avant de s’attaquer au sud-ouest du Maroc et principalement à Marrakech, Rachid décide d’en finir avec Khadir Ghaïlan, et de s’emparer de la province du Gharb sous son contrôle. Cependant celui-ci a contracté une alliance avec les Anglais, par l’intermédiaire du gouverneur de Tanger [15], le baron John Belasyse , respectée par le gouverneur lui succédant, le colonel Henry Norwood . Rachid met donc en place une expédition depuis Fès, et lève une grande armée en direction de la province du Gharb. Il est renforcé par les massives défections au sein de l’armée de Khadir Ghaïlan, dont la trahison du gouverneur des Beni Arous, El-Hassan El-Fetouh, qui lui livre l’important passage des montagnes qui protégeait les possessions de Ghaïlan. En apprenant le désastre, Khadir Ghaïlan prend fuite et se dirige en direction de Ksar El Kébir [16] poursuivi par Moulay Rachid. Celui-ci arrivé dans les lieux, s’attaque à la ville provoquant une importante bataille en juillet 1668.

Après un long combat de 5 heures, finalement favorable à Moulay Rachid, Ghaïlan prend la fuite en direction de Assilah [17] et s’y enferme. Rachid abandonne Ksar El Kébir, et poursuit Ghaïlan avec le reste de toute son armée, mais ne réussit finalement pas à prendre le contrôle d’Assilah, repoussé par l’artillerie anglaise arrivé au secours de Ghaïlan.

Il retourne ensuite assiéger Ksar El Kébir, dont les habitants lui ont fermé les portes de la ville, qui avait été pourtant reprise, mais qui avait dû être abandonné pour se lancer à la poursuite de Ghaïlan. Il en reprend le contrôle.

Par la suite, Rachid lance une expédition contre les Ait Ouallal, tribu qui soutient la Zaouïa de Dila [18]. Il les surprend et leur infligent une lourde défaite. À peine de retour à Fès, Muhammad al-Hajj ad-Dila’i lève une armée composée de plusieurs tribus berbères dont se trouvent les Ait Ouallal, et campe à Bab Meroura, non loin de Fès. Moulay Rachid engage le combat avec les Dilaïtes, avant qu’ils ne fassent retraite après 3 jours d’affrontements. Moulay Rachid soumet par la suite les Beni Zerouâl du Rif, puis s’empare de Tétouan [19], et capture le chef de la ville Ahmed Ennaqsis ainsi qu’un grand nombre de notables qu’il emprisonnent à Fès. À partir de là, il repart vers le Rif, et mate une révolte des Béni-Snassen, puis marche avec son armée en direction de la localité de Guigou, dans la tribu des Aït Yousi, puis oblige ses habitants à payer ses impôts.

En 1672, Moulay Mohamed, neveu de Sultan, alors Vice-roi de Marrakech, veut se rendre indépendant. Moulay Rachid marche alors sur Marrakech avec son armée pour rétablir l’ordre et exile son neveu dans la région de Tafilelt. Moulay Rachid veut célébrer la victoire par une fête publique et un repas magnifique. Il a coutume de boire du vin à ces occasions. Suite au repas, il va se promener à cheval dans le Jardin du Palais et par accident se casse la tête en chutant. Il meurt quelques jours plus tard.

P.-S.

Source : Cet article est partiellement ou en totalité issu de l’article de David Bensoussan, Il était une fois le Maroc : Témoignages du passé judéo-marocain, iUniverse,‎ 2012

Notes

[1] La dynastie alaouite (« descendant d’Ali » gendre du prophète musulman Mahomet) est une dynastie qui règne sur le Maroc depuis la seconde moitié du 17ème siècle. Venus de Syrie ils s’installent à Tafilalet, les Alaouites deviennent sultans du Maroc à la suite d’une période d’instabilité ayant suivi le décès du dernier sultan de la dynastie des Saadiens en 1659 et durant laquelle le pays est morcelé en plusieurs états indépendants, l’autorité centrale échouant aux mains des Dilaïtes. Rachid ben cherif, troisième prince alaouite du Tafilalet, réunifie le pays entre 1664 et 1669 et réinstaure un pouvoir central, marquant ainsi le début de la dynastie alaouite du Maroc, qui est toujours à la tête du royaume de nos jours.

[2] Fès, est une ville du Maroc central, située à 180 km à l’est de Rabat, entre le massif du Rif et le Moyen Atlas. Elle est la deuxième ville la plus peuplée du Maroc après Casablanca, et a été à plusieurs époques la capitale du pays. Sa fondation remonte à la fin du 8ème siècle, sous le règne de Moulay Idriss 1er.

[3] vice roi

[4] Marrakech est une ville située dans le centre du Maroc au pied des montagnes de l’Atlas. Marrakech est surnommée « la ville rouge » 1ou la « ville ocre » en référence à la couleur rouge d’une grande partie de ses immeubles et ses maisons. Marrakech fut la capitale du Maroc pendant près de 350 ans, sous les dynasties Almoravide, Almohade, Saâdienne, ainsi que sous le règne de Mohammed ben Abdallah de l’actuelle dynastie alaouite (régnant de 1757 à 1790).

[5] Rabat est la capitale du Maroc. La ville est située au bord de l’Atlantique au nord-ouest du Maroc, à 40 km au sud de Kénitra et 240 km au sud-ouest de Tanger et du détroit de Gibraltar, et à 87 km au nord-est de Casablanca. Elle est séparée de la ville de Salé au niveau de l’embouchure du Bouregreg, d’où leur surnom de « villes jumelles ». Fondée au 12ème siècle par les Almohades, qui y édifièrent une citadelle (devenue la kasbah des Oudayas), une mosquée et une résidence. C’était alors ce qu’on appelle un ribat (« forteresse »). Le nom actuel vient de Ribat Al Fath, « le Camp de la Victoire ». Plus tard, le petit-fils d’Al-Mūmin Ya’qub al-Mansūr agrandit et compléta la ville, l’entourant notamment de murailles. Par la suite, elle servit de base aux expéditions almohades en Andalousie.

[6] Une kasbah est une citadelle, telles la casbah d’Alger, kasbah des Oudayas à Rabat, ou la kasbah de Tunis, qui étaient à l’origine des fortifications militaires. Par extension, le mot désigne également le cœur historique – fortifié ou non – d’une ville d’Afrique du Nord. Dans cette seconde acception, le mot est plus ou moins synonyme de « médina ».

[7] Taza est une ville du nord-est du Maroc, chef-lieu de la province de Taza. Taza est située à 230 km d’Oujda, 120 km de Fès et 160 km d’Al Hoceïma, dans le « couloir de Taza » qui sépare le Rif du Moyen Atlas.

[8] Les Béni-Snassen ou Aït-Iznassen sont une confédération tribale, principalement berbérophone, établie au nord-est du Maroc.

[9] Le mouvement dilaïte émerge au sein de la tribu sanhajienne des Aït Mejjat, installée primitivement sur le cours supérieur de la Moulouya et ayant migré au début du 15ème siècle vers le piémont occidental de l’Atlas.

[10] Oujda est une ville frontalière du Maroc, située à l’extrême nord-est du pays, à la limite de la région du Rif oriental, chef-lieu de la préfecture d’Oujda-Angad, dans la région de l’Oriental.

[11] Hyayna est une confédération tribale arabophone marocaine dont le territoire historique se situe au nord-est de Fès, représentant l’une des plus importantes ethnies de la région prérifaine. Elle est formée de trois tribus : les Oulad Amrane, les Oulad Aliane et les Oulad Riab.

[12] Sijilmassa ou Sidjilmassa était une ancienne ville importante du point vue commercial au Moyen Âge, la ville se trouvait à l’emplacement actuel de la ville de Rissani au sud d’Errachidia, à 40 km au nord des célèbres dunes de Merzouga, dans la région de Tafilalet au Maroc. Sijilmassa était une cité marchande pré-saharienne où faisaient halte les grandes caravanes amenant du Bilad el Sudan (Afrique sahélienne, correspondant aux pays inclus entre le Sénégal et le Soudan actuels) et notamment de l’Empire du Ghana, de la poudre d’or, de l’ivoire, des plumes d’autruche, et des esclaves. Elle constituait en outre un centre important des Berbères zénètes

[13] Le Sebou est un fleuve marocain qui prend ses sources dans le Moyen Atlas.

[14] Fès el-Bali est le plus vieux quartier de Fès fondé entre 789 et 808 par les Idrissides. Il renferme quelques-uns des plus beaux édifices du Maroc dont les deux monuments édifiés au 9ème siècle que sont la mosquée des Andalous et la mosquée Quaraouiyine. L’immense médina de Fès a gardé ses structures médiévales.

[15] Tanger est une ville du Nord du Maroc, dans le Rif occidental. Située à l’extrémité du nord-ouest du pays sur le détroit de Gibraltar, la ville se trouve à 24 kilomètres de la côte espagnole. Le général musulman Moussa Ibn Noçaïr, gouverneur du Maghreb au service des Omeyyades de Damas, s’intéresse à Tanger pour sa position stratégique et c’est donc de là qu’en 711, commence la conquête de l’Espagne par les troupes de Tariq ibn Ziyad un lieutenant d’Ibn Noçaïr, à qui Gibraltar doit son nom (Djebel Tarik, la « montagne de Tarik »). Pendant les 5 siècles qui suivent, des dynasties différentes se disputent la souveraineté de Tanger. Les Idrisides de Fès, les Omeyyades de Cordoue, s’affrontent pour sa domination pendant plus d’un siècle. Au milieu du 10ème siècle, les Ifrénides, Maghraouas, Fatimides et Zirides y étendent leur autorité. En 1075, les Almoravides en deviennent maîtres jusqu’en 1149, date à laquelle la ville passe aux Almohades. Elle s’inféode aux Hafsides de Tunis avant de devenir Mérinide en 1274.

[16] Ksar El Kébir était à l’origine connue sous le nom de Kasr el Rif, est une ville du Maroc située dans la région de Tanger-Tétouan-Al Hoceïma, au nord du pays. C’est la ville la plus peuplée de la province de Larache

[17] Assilah, Arzila ou Arcila est une ville au nord-ouest du Maroc située à une quarantaine de kilomètres de Tanger, dans la préfecture de Tanger-Assilah, région de Tanger-Tétouan-Al Hoceïma.

[18] La zaouïa de Dila est une confrérie soufie marocaine fondée vers 1566 et qui joue un rôle prépondérant dans la vie politique et religieuse marocaine au 17ème siècle. Tenant son espace d’origine et d’accroissement au sein des tribus berbères du Moyen Atlas, la zaouïa de Dila atteint son apogée vers 1659, en contrôlant une grande partie du nord du Maroc et en ayant son leader, Muhammad al-Hajj ad-Dila’i, proclamé sultan à Fès.

[19] Tétouan est une ville du Maroc, située dans le nord du pays, dans le Rif occidental, aussi appelé pays Jbala. La ville est située à environ 60 km au sud-est de la ville de Tanger et à proximité du détroit de Gibraltar, dans une vallée (la cluse de Tétouan) creusée par l’oued Mhannech dans les montagnes de la chaîne calcaire du Rif au nord et au sud. Tétouan est considérée comme "la ville la plus andalouse du Maroc". De par son histoire et sa situation géographique celle-ci a toujours eu un lien très fort avec l’Espagne et l’Andalousie en particulier.