Koceïla
Chef berbère de la fin du 7ème siècle
Il est principalement connu pour avoir résisté à la conquête musulmane du Maghreb, dans la partie orientale de l’actuelle Algérie et la Tunisie moderne, de 683 à 688.
À la tête d’une coalition de troupes berbères [1] et byzantines [2], Koceïla parvient en 683, à détruire un corps expéditionnaire omeyyade [3] mené par le général arabe Oqba ibn Nafi, à Tahouda [4], expulser les occupants omeyyades de l’Est de l’Algérie et de la Tunisie actuelle, et prendre Kairouan [5]. Il meurt vers 688, battu lors d’une expédition punitive conduite par le général omeyyade Zouhaïr ibn Qaïs, à Mammès [6], qui reprend Kairouan.
Les historiens Ibn Khaldoun et Ibn Idhari du 14ème siècle, considèrent sa ville d’origine comme étant Tlemcen [7]. Cependant, ces récits datent de quelque 700 années après sa mort. L’historien Al-Maliki, plus proche de l’époque de la conquête musulmane du Maghreb, l’associe uniquement à la région des Aurès [8].
Tandis que l’historien Noé Villaverde Vega, indique qu’il est probablement un roi du royaume d’Altava [9]. Gabriel Camps est d’avis que Koceïla règne sur des territoires immenses, au point qu’il ne s’étonne guère de le voir, être présent dans toute l’Algérie moderne, de Tlemcen jusqu’aux Aurès, puis régner à Kairouan, en Tunisie actuelle.
Selon des sources arabes tardives, à l’époque où Abou al-Mouhajir Dinar gouverne la nouvelle province omeyyade d’Ifriqiya [10], vers 675, Koceïla est le chef de la tribu des Awerba [11], elle-même alors à la tête de la très vaste confédération des Branès [12], qui détient la suprématie sur les Berbères. Il est le fils de Lemezm ou Lemzem et aurait succédé et eut pour lieutenant un certain Sekerdid ibn Zoufi, parfois appelé Sekerdid ibn Roumi ibn Marezt. D’abord chrétien, Koceïla se convertit à l’Islam au début de la conquête musulmane.
En 678, l’émir omeyyade Abou al-Mouhajir Dinar invite Koceïla afin de le rencontrer dans son camp situé dans l’actuelle Tlemcen, alors connue sous le nom de Pomaria. Abou al-Mouhajir convainc Koceïla d’accepter l’Islam et de rejoindre son armée avec une promesse d’égalité complète avec les Arabes.
Abou al-Mouhajir est un diplomate talentueux et impressionne Koceïla, avec, non seulement sa piété, mais avec son sens élevé du respect. Koceïla incorpore ses troupes berbères Awerba et Sanhadja dans les armées omeyyades et participe à leurs campagnes, uniformément réussies sous Abou al-Mouhajir. En 681, pour des raisons obscures, cet émir est ensuite remplacé par Oqba Ibn Nafi, le fondateur de Kairouan, qui traite Koceïla et ses hommes avec dureté et mépris.
En 688, des renforts arabes menés par le général Zouhaïr ibn Qaïs sont arrivés. Koceïla les rencontre dans la plaine de Mammès, une place forte byzantine de Byzacène [13]. Après un combat long et indécis, l’armée byzantino-berbère est finalement vaincue, et Koceïla est tué. L’armée omeyyade victorieuse ne laisse toutefois qu’une simple garnison à Kairouan : surprise par des troupes byzantines débarquées à Barqa [14], cette garnison est massacrée sur le chemin du retour.
En 693, le calife Abd al-Malik envoie une puissante armée de 40 000 hommes commandée par Hassan ibn Numan en Cyrénaique [15] et Tripolitaine [16] afin d’éliminer la menace byzantine. Cette armée ne rencontre aucune opposition avant d’arriver dans l’actuelle Tunisie, où elle prend Carthage [17] en 698, et défait une troupe byzantino-berbère à Utique [18], près de l’actuelle Bizerte [19].
Après sa mort, les Berbères résistent à nouveau, avec cette fois-ci, une femme à leur tête, la reine Kahina.
Notes
[1] Les Berbères sont les membres d’un groupe ethnique autochtone d’Afrique du Nord. Connus dans l’Antiquité sous le nom de Libyens, les Berbères ont porté différents noms durant l’histoire, tels que Mazices, Maures, Numides, Gétules, Garamantes et autres. Ils sont répartis dans une zone s’étendant de l’océan Atlantique à l’oasis de Siwa en Égypte, et de la mer Méditerranée au fleuve Niger en Afrique de l’Ouest. Aujourd’hui, la majeure partie des Berbères vit en Afrique du Nord : on les retrouve au Maroc, en Algérie, en Tunisie, en Libye, au Niger, au Mali, en Mauritanie, au Burkina Faso, en Égypte, mais aussi aux Îles Canaries. De grandes diasporas vivent en France, en Belgique, aux Pays-Bas, en Allemagne, en Italie, au Canada et dans d’autres pays d’Europe
[2] L’Empire byzantin ou Empire romain d’Orient désigne l’État apparu vers le 4ème siècle dans la partie orientale de l’Empire romain, au moment où celui-ci se divise progressivement en deux. L’Empire byzantin se caractérise par sa longévité. Il puise ses origines dans la fondation même de Rome, et la datation de ses débuts change selon les critères choisis par chaque historien. La fondation de Constantinople, sa capitale, par Constantin 1er en 330, autant que la division d’un Empire romain de plus en plus difficile à gouverner et qui devient définitive en 395, sont parfois citées. Quoi qu’il en soit, plus dynamique qu’un monde romain occidental brisé par les invasions barbares, l’Empire d’Orient s’affirme progressivement comme une construction politique originale. Indubitablement romain, cet Empire est aussi chrétien et de langue principalement grecque. À la frontière entre l’Orient et l’Occident, mêlant des éléments provenant directement de l’Antiquité avec des aspects innovants dans un Moyen Âge parfois décrit comme grec, il devient le siège d’une culture originale qui déborde bien au-delà de ses frontières, lesquelles sont constamment assaillies par des peuples nouveaux. Tenant d’un universalisme romain, il parvient à s’étendre sous Justinien (empereur de 527 à 565), retrouvant une partie des antiques frontières impériales, avant de connaître une profonde rétractation. C’est à partir du 7ème siècle que de profonds bouleversements frappent l’Empire byzantin. Contraint de s’adapter à un monde nouveau dans lequel son autorité universelle est contestée, il rénove ses structures et parvient, au terme d’une crise iconoclaste, à connaître une nouvelle vague d’expansion qui atteint son apogée sous Basile II (qui règne de 976 à 1025). Les guerres civiles autant que l’apparition de nouvelles menaces forcent l’Empire à se transformer à nouveau sous l’impulsion des Comnènes avant d’être disloqué par la quatrième croisade lorsque les croisés s’emparent de Constantinople en 1204. S’il renaît en 1261, c’est sous une forme affaiblie qui ne peut résister aux envahisseurs ottomans et à la concurrence économique des républiques italiennes (Gênes et Venise). La chute de Constantinople en 1453 marque sa fin.
[3] Les Omeyyades, ou Umayyades sont une dynastie arabe de califes qui gouvernent le monde musulman de 661 à 750. Ils tiennent leur nom de leur ancêtre Umayya ibn Abd Shams, grand-oncle de Mahomet. Ils sont originaires de la tribu de Quraych, qui domine La Mecque au temps de Mahomet. À la suite de la guerre civile ayant opposé principalement Muʿāwiyah ibn ʾAbī Sufyān, gouverneur de Syrie, au calife ʿAlī ibn ʾAbī Ṭalib, et après l’assassinat de ce dernier, Muʿāwiyah fonde le Califat omeyyade en prenant Damas comme capitale, faisant de la Syrie la base d’un Califat qui fait suite au Califat bien guidé et qui devient, au fil des conquêtes, le plus grand État musulman de l’Histoire.
[4] près de l’actuelle Sidi Okba
[5] Kairouan, dont le nom signifie étymologiquement « campement », est une ville du centre de la Tunisie et le chef-lieu du gouvernorat du même nom. Elle se situe à 150 kilomètres au sud-ouest de Tunis et cinquante kilomètres à l’ouest de Sousse. Elle est souvent considérée comme la quatrième ville sainte de l’islam. Jusqu’au 11ème siècle, la ville a été un important centre islamique de l’Afrique du Nord musulmane, l’Ifriqiya. Avec sa médina et ses marchés organisés par corporations à la mode orientale, ses mosquées et autres édifices religieux
[6] La bataille de Mammès se déroule en 688, dans la plaine de Mammès, à l’Est de Timgad (dans l’actuelle Aurès, en Algérie), entre les armées du général omeyyade Zouhaïr ibn Qaïs et celles du chef berbère Koceïla. La bataille est remportée par les Omeyyades, Koceïla est tué et Kairouan est reconquise.
[7] Tlemcen est une commune de la wilaya de Tlemcen, dont elle est le chef-lieu. Elle est située au nord-ouest de l’Algérie, à 520 km à l’ouest d’Alger, à 140 km au sud-ouest d’Oran et, proche de la frontière du Maroc, à 76 km à l’est de la ville marocaine d’Oujda. La ville est érigée dans l’arrière-pays, est distante de 40 km de la mer Méditerranée. Ancienne capitale du Maghreb central, la ville mêle influences berbère, arabe, hispano-mauresque, ottomane et occidentales. De cette mosaïque d’influences, la ville tire le titre de capitale de l’art andalou en Algérie
[8] L’Aurès est une région en partie montagneuse située dans le Nord-Est de l’Algérie, caractérisée à la fois par sa riche histoire, son relief en partie montagneux et par son peuplement traditionnel, le groupe berbère des Chaouis.
[9] Le royaume d’Altava est un royaume berbère indépendant centré sur la ville d’Altava dans le nord de l’actuelle Algérie. Le royaume d’Altava est un état successeur de l’ancien royaume des Maures et des Romains qui contrôlait une grande partie de l’ancienne province romaine de Maurétanie césarienne. Ce royaume s’effondre à la suite des campagnes militaires des Byzantins visant à réduire son influence et son pouvoir après que le roi Garmul ait envahi l’exarchat d’Afrique. L’effondrement du royaume des Maures et des Romains entraîne la montée de plusieurs petits royaumes berbères dans la région, notamment le royaume d’Altava, qui est centré sur la capitale de l’ancien royaume. Le royaume continue probablement d’exister au Maghreb jusqu’à la conquête de la région par le califat omeyyade aux 7ème et 8ème siècles.
[10] actuelle Tunisie
[11] Les Awerba sont une tribu berbère du Maroc, faisant partie de la confédération des Branès. Ils sont principalement connus pour leur lutte contre la conquête musulmane du Maghreb au 7ème siècle, sous la direction de Koceïla. On les retrouvent dans le Maghreb al-Aqsa où ils participent alors à la constitution de l’État idrisside au 8ème siècle.
[12] Les Branès sont l’une des deux branches historiques qui composent le peuple berbère, l’autre étant le groupe des Botr, selon l’hypothèse généalogique de l’historien Ibn Khaldoun. D’après Ibn Khaldoun, les Branès constituent sept grandes tribus qui sont les Azdadja (dont font partie les Ghomaras) qui vivaient auparavant a Oran, les Masmouda du Haut Atlas , les Awerba de l’Aurès, les Adjica, les Kutama de la Kabylie , les Sanhadja et les Awrigha. Le généalogiste Sabec ibn Soleïman, ajoute à cette liste les Lemta (ou Lemtouna), les Heskoura et les Guezoula. Branès est le fils de Mazigh.
[13] La Byzacène est un ensemble régional correspondant à l’actuelle Tunisie mais qui peut correspondre à certains moments de son histoire à des entités administratives distinctes.
[14] Située sur la côte de l’actuelle Libye, non loin d’Al Marj, Barqa ou Barka, appelée Barké ou Barce dans l’Antiquité, est la seule fondation de la région par des Cyrénéens, conséquemment à une querelle dynastique entre le roi de Cyrène Arcésilas II et ses frères. Elle fut par la suite le chef-lieu de la province de Libye supérieure dans l’Empire romain tardif ou Empire byzantin, en Afrique du Nord. Elle a été conquise par les Arabes en 665.
[15] La Cyrénaïque est une région traditionnelle de Libye dont le nom provient de la Cyrénaïque antique, province romaine située autour de l’ancienne cité grecque de Cyrène. Ce territoire fait aujourd’hui partie de la Libye.
[16] La Tripolitaine est une région historique de la Libye dont le nom, qui signifie « trois villes » en grec ancien, vient de Oea, Leptis Magna et Sabratha, les trois villes les plus importantes de la région depuis l’Antiquité. La Tripolitaine a ensuite donné son nom à Tripoli, appellation moderne d’Oea.
[17] Carthage est une ville tunisienne située au nord-est de la capitale Tunis. L’ancienne cité punique, détruite puis reconstruite par les Romains qui en font la capitale de la province d’Afrique proconsulaire, est aujourd’hui l’une des municipalités les plus huppées du Grand Tunis, résidence officielle du président de la République, regroupant de nombreuses résidences d’ambassadeurs ou de richissimes fortunes tunisiennes et expatriées. La ville possède encore de nombreux sites archéologiques, romains pour la plupart avec quelques éléments puniques,
[18] Utique est un site archéologique localisé à l’emplacement d’une ancienne cité portuaire fondée par les Phéniciens dans l’Antiquité. Il est situé au nord de l’actuelle Tunisie, à une trentaine de kilomètres au nord-ouest de Carthage, dans le gouvernorat de Bizerte.
[19] Bizerte ou Banzart est une ville du nord de la Tunisie située entre la mer Méditerranée et le lac de Bizerte. Elle se trouve à une soixantaine de kilomètres au nord-ouest de Tunis, la capitale du pays, et à cinq kilomètres du cap Blanc, la pointe septentrionale de l’Afrique. La ville se situe à la pointe sud-est d’un isthme sur la rive nord du canal de Bizerte reliant la mer au lac de Bizerte. Petit comptoir fondé aux environs de 1100 av. jc par les Phéniciens sous le nom d’A’Kra, la ville passe sous l’influence de Carthage après la défaite d’Aghatocle pendant les guerres puniques. Elle est ensuite occupée par les Romains sous le nom d’Hippo, Hippo Accra, Hippo Diaritus ou Zaritus. Sa conquête efface d’un trait neuf siècles d’histoire punique. Démantelée, la ville voit son territoire passer sous la coupe d’Utique qui prend le parti de Rome.