Avant-propos : Bonaparte a fini victorieusement sa campagne d’Italie, mais l’Autriche malgré sa défaite italienne n’est pas encore à genoux, elle dispose d’une armée très puissante en Allemagne, cette armée peut si elle le désire envahir la France.
Bonaparte devenu premier consul de France, remet le commandement de l’armée d’Allemagne au général Moreau , celui-ci n’écoute pas les plans de Bonaparte, et se fit uniquement à son instinct, son but est clair, battre l’Autriche chez elle et l’abattre pour de bon . Objectif : destruction de l’armée autrichienne et menacer Vienne [1].
Pour cela, il dispose d’une armée de 96 929 fantassins partagés en 123 bataillons, 15 478 cavaliers en 137 escadrons et 6830 artilleurs servant 116 pièces et groupés en 61 compagnies. Kray , lui, dispose de 98 000 fantassins, 25 000 cavaliers et 7500 artilleurs. Les deux armées disposent donc de forces égales.
Moreau et ses excellents lieutenants Lecourbe , Gouvion-St-Cyr , Decaen , Richepanse , Ney , vont remporter d’éclatantes victoires à Stockach [2], Menningen [3], Hochstadt, Nordlingen [4], Engen, Maskirch [5], et enfin Hohenlinden, le triomphe final.
Moreau, dont le but était d’agir toujours sur la gauche de Kray, afin de le rejeter au-delà du Danube [6], de l’éloigner du Tyrol [7] et de s’assurer la paisible possession de la Bavière [8], crut devoir lui porter un coup encore plus vigoureux avant que les généraux Michael Kienmayer et Starray , qui s’avançaient en hâte, ne fussent arrivés en ligne.
Le 4 mai, il se mit en mouvement sur Moeskirch, après avoir rendu à Lecourbe la division Lorges, à laquelle il joignit la cavalerie d’ Hautpoul . L’aile droite, qui était la plus avancée, précéda l’armée sur Moeskirch, la réserve suivait en seconde ligne. Saint-Cyr, avec le centre, dut marcher sur Siptingen, s’étendant par sa gauche jusqu’à Tuttlingen [9].
Kray avait envoyé au prince Fernidand l’ordre de le rejoindre en hâte, pour former avec Rosemberg la droite de l’armée. Son centre, aux ordres du général Nauendorf , était postée derrière le village de Neudorf. Les plateaux de Moeskirch étaient occupés par la gauche, commandée par le prince de Lorraine.
Cette position, couverte par un grand ravin, est élevée et d’un accès difficile ; il y fallait arriver par la chaussée de Krumbach [10], resserrée entre deux bois très épais et battue par les feux croisés de 25 pièces de gros calibre.
Cette batterie démonta, le 5 mai au matin, en quelques instants, une batterie française de 18 pièces qu’on voulut lui opposer pour protéger le débouché de la division Montrichard qui marchait en tête du corps de Lecourbe.
La division Montrichard était flanquée par celle de Vandamme, qui fut dirigée de Bodorf sur Galmansweiler et détacha par Klosterwad une brigade pour couper la communication entre Moeskirch et Pfullendorf [11]. La gauche de Lecourbe fut portée dans la direction de Nenhausen sur le flanc droit de l’ennemi.
La droite de Moreau allait donc se trouver seule engagée par suite de l’éloignement de la réserve. Lorsque Montrichard jugea les mouvements des colonnes de droite et de gauche suffisamment avancés, il revint à la charge sur la chaussée de Krumbach, et suivant à droite et à gauche la lisère des bois qu’il n’avait pas pu traverser, il marcha droit et à découvert sur la position, et l’emporta en rejetant sur Moeskirch la partie de la ligne qui lui était opposée.
Dans le même moment, la division de gauche attaquait Heurdorf, qu’on pouvait regarder comme la clef de la grande position. On s’y battit avec fureur. Le village fut pris et repris plusieurs fois. Les français débordés par 8 bataillons, allaient cependant être enveloppés, quand la division Delmas , de la réserve, arriva à leur secours et rétablit le combat.
Pendant qu’une partie de la division Vandamme, qui avait filé par Klosterwald, menaçait les derrières de Moeskirch, l’aile gauche de Kray fut forcée de plier devant une attaque du général Gabriel Molitor menée à la baïonnette, combinée par une attaque de Montrichard.
L’ennemi ne s’opiniâtra point à conserver la plateau. Depuis 2 heures que durait le combat acharné, il avait reçu successivement plusieurs renforts, et il venait d’être joint enfin par les dernières troupes de l’archiduc Fernidand, lorsqu’il se décida à exécuter un changement de front par sa droite, en suivant l’escarpement du ravin qui descend vers Krumbach.
Cette nouvelle position, parallèle au Danube, lui donnait un grand avantage par les colonnes françaises qui continuaient à l’attaquer obliquement par la chaussée de Krumbach. Déjà la division Delmas allait être forcée, quand la division Leclerc , en ce moment aux ordres de Bastoul , vint se former à gauche.
Kray, avec ses réserves, chargea lui-même plusieurs fois la ligne française, espérant peut-être enlever le village de Krumbach qui se trouvait derrière, et gagner ainsi la chaussée de Stokach où étaient entassés les équipages de l’armée républicaine. Bastoul et Delmas repoussèrent les efforts des autrichiens, mais sans succès décisif ; enfin l’arrivée de Richepanse à Krumbach décida la victoire française.
Richepanse détacha aussitôt une de ses brigades pour soutenir Bastoul et Delmas, et se porta avec le reste de ses forces par Boll, sur la droite de l’ennemi. Kray ne crut pas devoir attendre l’effet de cette manœuvre ; il profita de la nuit déjà commencée pour effectuer sa retraite sur les hauteurs de Bucheim et de Rhordorf. L’armée française passa la nuit sur le champ de bataille.
La bataille de Moeskirch fut aussi meurtrière pour les français que pour les autrichiens. Son principal résultat fut d’obliger Kray à passer le Danube, ce que sa droite fit vers Hausen, et son centre vers Sigmaringen [12]. La gauche se replia par la rive droite sur Mengen.
La conduite de Saint-Cyr, qui, avec le tiers de l’armée, resta à peu près inactif pendant cette affaire, est inexplicable.
Ce général campa le même soir entre Liptingen et Neuhausen. Gilles Joseph Martin Bruneteau vicomte de Sainte-Susanne , filant toujours sur la rive gauche du Danube, où Moreau avait cru devoir le porter, vint se mettre en ligne avec Saint-Cyr, vers Geisengen.