En 820, Bera 1er est destitué par Louis le Pieux au profit de son demi-frère Bernard de Septimanie qui en tant que marquis de la Marche d’Espagne [1] a l’autorité sur les différents comtés dirigés précédemment par son demi-frère.
Des généalogies tardives le donnent pour fils de Guillaume de Gellone, comte de Toulouse [2] et cousin de Charlemagne et de Cunégonde, sa première épouse.
Depuis 796, Barcelone était gouvernée par Sa’dun al-Ruayni , opposé à l’émir de Cordoue [3]. En avril 797, il se présenta à Aix-la-Chapelle [4] et offrit à Charlemagne de lui soumettre la cité en échange de son maintien au pouvoir et d’une aide dans sa lutte contre Cordoue [5]. Charlemagne convoqua une assemblée à Toulouse au printemps de 800 ; il y décida l’envoi vers Barcelone de son fils Louis le Pieux ; une armée sous le commandement de plusieurs nobles, dont le comte Rostan de Gérone, Ademar de Narbonne, Leibulf de Provence et Guillaume de Toulouse, partit dans la région en espérant la soumission de la cité et sa prise de contrôle, mais Sa’dun trahit sa promesse, se refusant à remettre la cité ; les Francs furent contraints d’assiéger la ville. Il y eut un long siège, probablement commencé pendant l’automne 800. Sa’dun essaya de s’échapper vers Cordoue pour demander de l’aide mais fut capturé. Harun prit sa place.
La population était affectée par la faim et les souffrances du siège et les goths [6] chrétiens, finalement, décidèrent de livrer Harun et de remettre la cité, probablement le samedi 3 avril 801 ; Louis le Pieux entra le jour suivant dans Barcelone. Peu de temps après, Berà, qui avait participé à la conquête avec son père, était investi comte de Barcelone, avec également le titre de marquis pour pouvoir gouverner ce pays frontalier.
On pense que Berà avait pris la tête de la tendance partisane d’une paix avec les musulmans, tendance qui devait être majoritaire parmi les goths influents de Barcelone. Sans doute a-t-il été obligé de participer aux expéditions que les Francs entreprirent vers le sud afin d’établir les limites du comté sur l’Èbre* qui aurait ainsi constitué une défense naturelle. Ces expéditions, dont la chronologie est douteuse, ont pu avoir lieu en 804, 808 et 809.
La première expédition fut dirigée par Louis le Pieux qui alors gouvernait l’Aquitaine [7]. Elle arriva à Tarragone [8] où, à Santa Coloma ou l’armée se divisa en deux troupes. Une, commandée par Louis le Pieux, s’est dirigée vers Tortosa [9]. L’autre, sous la direction de Berà, comte de Barcelone, Borrell, comte d’Osona [10], et Adhemar de Narbonne, couvrit le flanc occidental et devait attaquer Tortosa depuis le sud. La troupe de Berà traversa l’Èbre [11], près de la confluence avec le Cinca [12], mais arrivant jusqu’à Vila Rubea, les attaques des musulmans les obligèrent à se retirer jusqu’à Vallis Ibana (peut-être Vallibona), près de Morella [13]. Là, il retrouva Louis et, durant 8 jours, ils assaillirent Tortosa sans obtenir de résultat, et tous les deux s’en retournèrent vers le nord.
La seconde expédition à laquelle participa Berà se produisit en 808. Charlemagne envoya son légat Ingobert à Toulouse afin que son fils Louis le Pieux, qui résidait en Aquitaine, le mit à la tête d’une expédition au sud de Barcelone. Ingobert employa la même tactique qu’en 804 ; il divisa l’armée ; le corps qu’il dirigeait, marcha contre Tortosa, et l’autre, commandé par Berà devait la contourner et attaquer par le sud.
La troisième expédition eut lieu l’année suivante 809. Louis le Pieux reprit le commandement de la même armée, accompagné par divers propriétaires terriens francs et des forces locales. Les machines de siège furent transportées jusqu’à Tortosa et, durant 40 jours, on assiégea la cité, siège qu’il dut lever à l’arrivée d’une armée cordouane commandée par Abd al-Rahman II, fils de l’émir Al-Hakam 1er .
Après cet échec qui confirmait les deux précédents, les propositions pacifistes de Berà eurent un écho à la cour. Finalement, Charlemagne les accepta en 812, pour une durée de 3 ans.
À la mort de son père, en 812, les comtés de Razès [14] et de Conflent [15], qu’il gouvernait déjà par délégation paternelle, revinrent à Berà. Cette même année, Berà se rendit à la cour d’Aix-le-Chapelle avec les autres comtes. Ils devaient rendre compte à l’empereur parce qu’un groupe de propriétaires terriens hispaniques avaient porté plainte contre eux. Ces propriétaires se plaignaient de ce qu’on leur imposait sur leurs terres des tributs et des charges injustes. Charlemagne donna raison aux plaignants.
En 815, la trêve terminée, la guerre contre les musulmans reprit. Sous les ordres de Ubayd Allah, oncle de l’émir Al-Hakam 1er, les musulmans attaquèrent Barcelone, mais au moment où ils allaient donner l’assaut, une armée, probablement recrutée parmi les Goths du pays, se présenta devant la cité et obligea les assaillants à se retirer. Cette victoire accrut le prestige de Berà, dont les relations avec la noblesse goth locale devaient être très bonnes.
En novembre 816, le wali [16] de Saragosse [17] alla à Aix-le-Chapelle et négocia une nouvelle trêve qui, finalement, fut accordée en février 817, pour 3 ans de plus. Durant cette trêve, la politique des Francs connut de graves échecs à Pampelune [18]. Cette ville fut dominée jusqu’en 817 par le parti basque nationaliste allié aux musulmans Banu Qasi [19] de la vallée de l’Èbre et de l’Aragon [20] où García Galíndez dit le Mauvais , jusque vers 820, obligea la fuite du comte Aznar 1er Galíndez , vassal des Francs, et s’allia avec Pampelune. Ces échecs furent mis à profit par les ennemis politiques et personnels de Berà, pour l’accuser d’en être responsable, qualifiant la trêve de contraire aux intérêts nationaux. Le parti belliciste était emmené par les deux frères, le comte Gaucelme du Roussillon et le comte Bernard de Septimanie, tous deux fils de Guillaume de Gellone.
En février 820, une assemblée générale fut convoquée à Aix-la-Chapelle, à laquelle se rendit le comte Berà. Gaucelme du Roussillon y envoya son lieutenant Sanila, qui formula contre le comte de Barcelone une accusation d’infidélité et de trahison. Le litige, comme il était habituel à l’époque, se régla par un duel judiciaire dans le palais lui-même. Berà fut battu par Sanila. Le système de lutte employé se faisait à cheval, avec des javelots et des armes légères. Ce système utilisé par les Goths, était totalement inconnu des Francs.
Bien que Berà eusse accepté le défi car s’il voulait être considéré comme le leader du parti goth il n’avait pas d’autre option, il ne fut pas aussi habile que son rival. Sa défaite entraîna la reconnaissance des charges dont il était accusé et, par conséquent, la peine de mort. L’empereur Louis le Pieux, qui ne considérait pas le comte comme un traître, commua la peine de mort et l’envoyant en exil à Rouen. Berà résida dans cette ville jusqu’à sa mort vers 844.
Ses domaines furent divisés : Barcelone, Gérone, Ausone et Besalú [21], furent confiés au franc Rampon, qui n’était lié à aucun des deux partis qui venaient de s’affronter, mais sous l’autorité du marquis Bernard de Septimanie. Le Razès et le Conflent restèrent aux mains de ses fils Argila et Bera II.