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L’histoire pour le plaisir

Scipione Maffei

vendredi 14 mai 2021, par lucien jallamion

Scipione Maffei (1675-1755)

Marquis italien-Écrivain et critique d’art italien

Auteur de nombreux articles et pièces de théâtre. Sa famille est originaire de Bologne [1]. Maffei étudie pendant 5 années au collège jésuite pour nobles de Parme [2]. Il est reçu en 1698 à l’académie romaine des Arcades [3], dont il fonde la colonie de Vérone.

En 1709, à Padoue [4], il fait paraître avec Apostolo Zeno et Antonio Vallisneri “le Giornale dei letterati d’Italia”, une éphémère revue savante, qui voulait réparer le tort que les étrangers, particulièrement l’équipe du Dictionnaire de Trévoux [5], causaient à l’Italie en ignorant ses poètes, ses érudits et ses savants.

Il y publie un article sur le nouvel instrument de musique inventé par Bartolomeo Cristofori , le piano-forte [6], écrit à partir des informations directement obtenues du facteur.

Il acquiert une grande réputation avec sa “Scienza cavalleresca”, publiée en 1710 ; il y fait l’éloge du peuple romain, peuple juste et civil, et dénonce l’héritage du Moyen Âge, issu des invasions barbares, qui a abouti à une fausse conception de l’honneur nobiliaire. Il s’attaque aussi aux préjugés, combat la croyance à la magie, défend l’art du théâtre et défend le prêt à intérêt.

En 1713, il découvrit “le Sacramentarium Leonianum” [7] dans une bibliothèque de Vérone qui restent jusqu’ici un des livres liturgiques les plus anciens du rite romain réservés aux célébrants.

Il écrit plusieurs tragédies, notamment Mérope [8] en 1713. Celle-ci est jouée pour la première fois en 1714 en Italie et le fait connaître dans toute l’Europe. Il est également l’auteur du livret de “La fida ninfa”, opéra de Antonio Vivaldi représenté en 1732 au Teatro Filarmonico de Vérone [9].

Par la suite, il publie une comédie, “Cerimonie”, décrite comme une mauvaise imitation des “Fâcheux de Molière”, dans laquelle il ridiculise les étrangers qui tendent à répandre en Italie une fausse étiquette. Il revient sur ce sujet dans “Raguet”, où il s’attaque aux barbarismes de langage.

À partir de 1718, il s’intéresse à l’archéologie de sa ville natale, et ses recherches lui permettent de publier un ouvrage intitulé “Verona illustrata”. Il effectue ensuite un voyage de 4 années en France, en Angleterre, aux Pays-Bas et en Allemagne. Il s’intéresse aussi à l’épigraphie et publie avec son ami, le chanoine Jean-François Séguier un recueil d’inscriptions latines et grecques en 1732.

Au cours de son voyage à travers la France, il se documente sur les antiquités romaines et publie 22 lettres qui seront recueillies et publiées en volume à Paris sous le titre “Galliae antiquitates quaedam selectae atque in plures epistolas distributae” en 1733. Cet ouvrage est réédité à Vérone en 1734 avec deux lettres supplémentaires, auxquelles l’auteur ajoute aussi une lettre sur les amphithéâtres de France, qui lui a été adressée par G. Polenius de l’Université de Padoue [10], une autre de M. Bouhier, ancien président à mortier au parlement de Dijon et enfin une lettre d’un groupe de docteurs en Sorbonne [11]. Cet ouvrage contient de nombreuses inscriptions épigraphiques, qui sont analysées et commentées, ainsi que des descriptions de monuments et de pièces de monnaie. Les lettres sont écrites en latin, en italien ou en français.

Lors de son séjour à Paris, il prend parti en faveur de la bulle Unigenitus [12], à laquelle s’opposaient alors les jansénistes [13].

À son retour, il fait construire un musée, auquel il fait don de ses collections archéologiques et artistiques personnelles.

À la fin de sa vie, il s’intéresse également à l’astronomie et à la physique, et fait construire un observatoire.

P.-S.

Source : Cet article est partiellement ou en totalité issu du texte de Gian Paolo Marchi, Un Italiano in Europa. Scipione Maffei tra passione antiquaria e impegno civile, Vérone, Libreria Universitaria Editrice, 1992.

Notes

[1] Bologne est une ville italienne située dans le nord-est du pays, entre le Pô et les Apennins. C’est le chef-lieu de la région d’Émilie-Romagne (plaine du Pô) et de la province de même nom et l’une des principales villes d’Italie. Elle est considérée comme le siège de la plus ancienne université du monde occidental puisqu’elle a été fondée en 1088. Plus de 900 ans après sa fondation, l’université est encore aujourd’hui le cœur de la ville

[2] L’ancien Collège Marie-Louise (aujourd’hui, en italien Convitto nazionale Maria-Luigia) était un établissement d’enseignement scolaire et supérieur de la ville de Parme en Italie. Fondé en 1601 et confié aux jésuites en 1604 il offrait comme ’Collège des Nobles’ (Collegium nobilium convittorum) un programme allant jusqu’aux ’Lettres’, ’Philosophie’ et ’Théologie’. Les jésuites sont expulsés de Parme en 1767. Après fusion avec le ’collegio Lalatta’ au 19ème siècle il est confié, en 1833 aux pères Barnabites qui le quittent lorsque le collège est nationalisé en 1872.

[3] L’Académie d’Arcadie ou Académie des Arcades de Rome, l’Accademia dell’Arcadia en italien, fut fondée à Rome le 5 octobre 1690 par des poètes qui avaient appartenu à l’entourage de la reine Christine de Suède.

[4] Padoue est une ville italienne de la région de la Vénétie, située au nord de la péninsule dans la plaine du Pô, à 40 kilomètres de Venise, sur la rivière Bacchiglione. À partir de 1405 la ville fut sous la domination vénitienne. Durant une brève période, pendant la guerre de la Ligue de Cambrai en 1509, la ville changea de mains. Le 10 décembre 1508, les représentants de la papauté, de la France, du Saint Empire romain germanique et de Ferdinand II d’Aragon conclurent une alliance (la Ligue de Cambrai) contre la République. L’accord prévoyait le démembrement complet du territoire de Venise en Italie et son partage entre les signataires : l’empereur Maximilien 1er de Habsbourg devait recevoir Padoue, en plus de Vérone et d’autres territoires. En 1509, Padoue passa pendant quelques semaines sous le contrôle des partisans de l’Empire. Les troupes vénitiennes récupérèrent rapidement la ville qui fut défendue avec succès durant le siège de Padoue par les troupes impériales en 1509. Entre 1507 et 1544, Venise construisit à Padoue de nouveaux murs, agrémentés d’une série de portes monumentales.

[5] Le Dictionnaire de Trévoux est un ouvrage historique synthétisant les dictionnaires français du 17ème siècle rédigé sous la direction des Jésuites entre 1704 et 1771. À la suite de la révocation de l’Édit de Nantes, les protestants diffusent leurs idées dans des gazettes imprimées hors du royaume de France, dans les pays du nord de l’Europe. Par réaction, les jansénistes lancent le Journal des Savants auquel les jésuites veulent répondre. Moins bien placés que les jansénistes auprès du roi de France, ils impriment leurs ouvrages à partir de 1701, les Mémoires de Trévoux dans la principauté de Dombes alors indépendante et sous la protection du fils légitimé de Louis XIV, Louis Auguste de Bourbon, duc de Maine. Dans les années 1730, à la suite de querelles à la cour, le duc de Maine enlève ce privilège aux jésuites qui iront l’imprimer à Lyon, puis à Paris mais garderont le même titre.

[6] Le piano-forte et le forte-piano sont des instruments de musique polyphoniques, à clavier, de la famille des cordes frappées, instruments intermédiaires entre le clavicorde et le piano du 19ème siècle. Les deux termes sont interchangeables, bien que de nos jours le nom forte-piano, dans les principales langues de la musique européenne, tende à désigner les premiers pianos, fabriqués avant 1830, tandis que piano-forte, abrégé en piano, désigne le piano moderne. Cette distinction terminologique se retrouve, avec des nuances, en anglais, allemand et italien. En français, si piano peut désigner plus généralement n’importe quel instrument conçu depuis Bartolomeo Cristofori, on utilise le terme complet piano-forte pour l’instrument de conception ancienne (jusqu’au début du 19e siècle), construit à l’époque ou de facture contemporaine mais selon un modèle ancien.

[7] Le Sacramentarium Leonianum (ou sacramentaire léonien) est un recueil de prières liturgiques du 5ème siècle, copié au 6ème siècle. Le manuscrit original de ce sacramentaire fut découvert à la bibliothèque du chapitre de la cathédrale de Vérone par le marquis Scipione Maffei. Sa publication eut lieu en 1735 par Giuseppe Bianchini dans son ouvrage intitulé Anastasius Bibliothecarius en quatre volumes. Il est nommé, par Bianchini, Sacramentarium Leonianum, d’après Léon le Grand, pape de 440 à 461, à l’époque de cette liturgie. Le sacramentaire est actuellement conservé à la bibliothèque capituraire de Vérone

[8] Mérope est une pièce de théâtre de Scipione Maffei, représentée pour la première fois moyennant paiement sur le théâtre de l’Hôtel de Bourgogne le 11 mai 1717. Elle fut d’abord jouée « gratis » devant un certain nombre de personnes. Maffei la composa à l’âge de 38 ans en 1713. C’est une tragédie en cinq actes et en vers. Elle est l’une des plus importantes pièces du théâtre italien du 18ème siècle, jouée durablement et avec un grand succès.

[9] Vérone est une très ancienne ville italienne, dans la région de Vénétie (plaine du Pô), sur les rives de l’Adige, à proximité du lac de Garde.

[10] L’université de Padoue est une université italienne dont le siège est à Padoue. L’université de Padoue est une des plus anciennes universités du monde. Elle a été fondée le 29 septembre 1222 par des professeurs et des étudiants ayant fui l’université de Bologne, du fait de l’atteinte aux libertés universitaires et aux privilèges qui avaient pourtant été garantis aux enseignants et à leurs élèves. L’université de Padoue fut créé en réponse à un besoin, induit par des conditions sociales et culturelles spécifiques, contrairement à la plupart des universités qui doivent leur fondation à une charte avec le pape. Elle s’installe en 1493 dans le Palazzo Bo, ce qui lui donnera son surnom de « il Bô »

[11] La Sorbonne est un bâtiment du Quartier latin dans le 5e arrondissement, c’est une propriété de la ville de Paris. Il tire son nom du théologien et chapelain de Saint Louis, du 13ème siècle, Robert de Sorbon, le fondateur du collège de Sorbonne de l’Université de Paris, collège consacré à la théologie dont il définit ainsi le projet : « Vivre en bonne société, collégialement, moralement et studieusement ». Ce terme de Sorbonne est aussi utilisé par métonymie pour désigner l’ancienne Université de Paris, sous l’Ancien Régime de 1200 à 1793, puis de 1896 à 1971, ainsi que les anciennes facultés des sciences (1811) et des lettres de Paris (1808) au cours du 19ème siècle.

[12] La bulle Unigenitus ou Unigenitus Dei Filius est la bulle que le pape Clément XI fulmine en septembre 1713 pour dénoncer le jansénisme. Elle vise plus particulièrement l’oratorien Pasquier Quesnel et condamne comme fausses et hérétiques cent une propositions extraites des Réflexions morales, son ouvrage paru en 1692 et qui continue d’asseoir son succès. Loin de mettre fin aux divisions de l’Église, cette bulle provoque la coalition, voire la fusion de plusieurs oppositions : gallicane, richériste et janséniste. Face au refus du parlement de Paris de l’enregistrer et aux réticences de certains évêques, Louis XIV cherche à l’imposer par la force. L’opposition à la bulle se réveille lors de la Régence et en appelle à un concile général. Fleury qui arrive au pouvoir la fait devenir loi du royaume par le lit de justice royal du 24 mars 1730 et continue une épuration du clergé, ce qui attise les oppositions (clergé, parlement). Dès lors, le jansénisme se construit en opposition aux proclamations de la bulle.

[13] Le jansénisme est un mouvement religieux, puis politique, qui se développe aux 17ème et 18ème siècles, principalement en France, en réaction à certaines évolutions de l’Église catholique, et à l’absolutisme royal. Les jansénistes se distinguent aussi par leur rigorisme spirituel et leur hostilité envers la compagnie de Jésus et sa casuistique, comme envers un pouvoir trop puissant du Saint-Siège. Dès la fin du 17ème siècle, ce courant spirituel se double d’un aspect politique, les opposants à l’absolutisme royal étant largement identifiés aux jansénistes. Le jansénisme naît au cœur de la réforme catholique. Il doit son nom à l’évêque d’Ypres, Cornélius Jansen, auteur de son texte fondateur l’Augustinus, publié en 1640. Cette œuvre est l’aboutissement de débats sur la grâce remontants à plusieurs dizaines d’années, coïncidant avec l’hostilité grandissante d’une partie du clergé catholique envers la compagnie de Jésus ; il prétend établir la position réelle de Saint Augustin sur le sujet, qui serait opposée à celle des jésuites, ceux-ci donnant une importance trop grande à la liberté humaine