Le 28 floréal an XII [1], Napoléon créa la Garde impériale. Il ne se contenta pas de changer le nom de son ancienne Garde consulaire [2], mais fit de sa garde un corps d’armée de tout premier ordre, d’un effectif double et totalement dévoué à sa personne. Seules les divisions principales de la Garde consulaire furent conservées.
De cette armée, l’Empereur veilla toujours jalousement à ce que rien ne fût imprimé. Même le journal militaire officiel ne publia jamais une seule ligne sur la Garde impériale. Ainsi, l’ennemi ne saurait jamais par quels moyens le petit caporal s’attachait ces soldats d’élite !
Les guerres incessantes entraînèrent une augmentation constante des effectifs, particulièrement après le désastre de 1812. Forte de 9.775 hommes en 1804, la Garde devait théoriquement compter 23.924 combattants en 1809 et, se développant sans cesse, atteindre 126.850 hommes en 1815. En fait, elle ne comptait que 17.498 soldats en janvier 1814 !
Etat-major général
Corps des grenadiers à pied : 1o Grenadiers à pied (Vieille Garde). 20 Fusiliers grenadiers (Moyenne Garde). 30 Tirailleurs grenadiers (Jeune Garde). 40 Conscrits grenadiers (Jeune Garde). 50 Flanqueurs grenadiers (Jeune Garde). 60 Vétérans (Vielle Garde).
Corps des chasseurs à pied : 10 Chasseurs à Pied (Vielle Garde). 20 Fusiliers chasseurs (Moyenne Garde). 30Tirailleurs chasseurs puis voltigeurs (Jeune Garde). 40 Conscrits chasseurs (Jeune Garde). 50 Flanqueurs chasseurs (Jeune Garde). 60 Gardes nationaux (Jeune Garde). Bataillon d’instruction de Fontainebleau. Pupilles.
Cavalerie : 10 Grenadiers à cheval. 20 chasseurs à cheval. 30 Mamelouks. 40 Chevau-légers lanciers. 50 Dragons. 60 Eclaireurs. Gendarmes d’élite et d’ordonnance. Artillerie. Génie. Train d’artillerie, des parcs et des équipages, ouvriers. Marins. Gardes d’honneur.
Quels qu’aient été les accroissements numériques de la Garde impériale, les deux corps d’infanterie, celui des grenadiers et celui des chasseurs, existèrent toujours, presque constamment calqués l’un sur l’autre.
Les Corps des grenadiers à pied
Le décret du 10 thermidor [3] réorganisa le régiment des grenadiers de la Garde consulaire et prescrivit qu’il serait désormais composé d’un état-major, de 2 bataillons de grenadiers et d’un bataillon de vélites [4].
Ils étaient mêlés à leurs aînés dans les marches et dans les combats et portaient leur uniforme. Chaque vélite devait avoir un revenu annuel de 200 francs au moins.
Un bataillon de grenadiers se subdivisait en 8 compagnies, un bataillon de vélites en 5 seulement.
Une compagnie de grenadiers était composée de : 1 capitaine, 1 lieutenant en premier, 2 lieutenants en second, 1 sergent-major, 4 sergents, 1 fourrier, 8 caporaux, 2 sapeurs (caporaux), 80 grenadiers et 2 tambours.
Une compagnie de vélites comptait : 1 lieutenant, 1 lieutenant en second, 1 sergent-major, 4 sergents, 1 fourrier, 8 caporaux, 172 vélites et 2 tambours.
Le 18 mai 1811, un deuxième régiment de grenadiers à pied fut créé par décret impérial ; il était de 1.600 hommes.
Pour entrer dans les grenadiers à pied, il fallait être sous-officier ou soldat dans l’infanterie de ligne ou légère, avoir la taille de 5 pieds 5 pouces [5], 5 ans de service, s’être distingué tant sur le plan moral que militaire et avoir fait 2 campagnes au moins.
Entrer dans la Garde était un honneur fort recherché, mais n’y entrait pas qui voulait !
Ces grenadiers qui se taillèrent une gloire immortelle furent dispersés après Waterloo [6]. Quelques-uns prirent du service dans la Garde royale, d’autres s’expatrièrent en Turquie, en Grèce ou en Amérique. La plupart rentrèrent chez eux, ou ils durent subir avec plus ou moins de résignation les brimades et les vexations des autorités constituées.
Les Grenadiers hollandais
A la suite de la réunion de la Hollande à la France en 1810, Napoléon décréta que le régiment des gardes de son frère Louis entrerait dans la Garde impériale pour y former un 2ème régiment de grenadiers à pied. On les appela communément grenadiers hollandais qui prit le numéro 3 en mai 1811.
Ce régiment participa à la campagne de Russie, où il fut presque entièrement fait prisonnier en novembre 1812. Les rescapés furent, après la suppression du régiment en 1813, incorporés dans les deux régiments de grenadiers français.
Les Fusiliers grenadiers
Par un décret impérial daté de Saint-Cloud [7], le 19 septembre 1806, fut créé un régiment qui prit la dénomination de fusiliers grenadiers. Ce régiment de 1.600 hommes venait immédiatement après la Vieille Garde et devait, avec le régiment des fusiliers chasseurs, composer ce qu’on appela plus tard la Moyenne Garde.
Il fut formé avec les bataillons de vélites grenadiers. Afin d’atteindre l’effectif prescrit d’un régiment de grenadiers, soit 4 bataillons de 4 compagnies de 120 hommes chacune, on combla les vides à l’aide des compagnies de réserve des départements et par la conscription.
Organisés comme les régiments de la Vieille Garde, les fusiliers grenadiers ne leur étaient inférieurs ni en bravoure ni en discipline, toujours et partout ils partagèrent la gloire de leurs aînés.
Les Tirailleurs grenadiers
De Valladolid [8], le 16 janvier 1809, l’Empereur ordonna la création de nouveaux régiments destinés à former ce que l’on appela la Jeune Garde. Ils furent composés de conscrits robuste et sachant lire et écrire. Au premier régiment s’adjoignit, le 25 avril suivant, un deuxième. Un troisième et un quatrième furent encore mis sur pied le 10 février 1811, suivis bientôt par un cinquième et un sixième au mois d’août. Augmentant sans cesse, le nombre des régiments de tirailleurs grenadiers monta à 13 en 1813 et à 19 en 1814. En 1815, il ne restait plus que 6 régiments qui constituaient à eux seuls toute le Jeune Garde du corps des grenadiers.
Les Conscrits grenadiers
Autres unités de la Jeune Garde, deux régiments de conscrits grenadiers furent formés par les décrets des 29 et 31 mars 1809. Solides et sachant, eux aussi, lire et écrire, les conscrits avaient le même traitement que la ligne. Ces régiments devinrent tirailleurs grenadiers en 1810, à la suite de deux régiments de tirailleurs déjà existants.
Les Flanqueurs grenadiers
Le 4 septembre 1811 naquit le régiment des flanqueurs de la Garde, recruté parmi les fils de gardes généraux et de gardes forestiers.
Les Vétérans
Fondée le 8 mars 1812 et adaptée à la Garde impériale le 29 juillet 1804, la compagnie des vétérans accueillait dans ses rangs les soldats de la Garde que les blessures ou les infirmités rendaient inaptes au service actif.
Forte de 100 hommes, elle fut portée à 200 cents. Tous devaient avoir servi 3 ans au moins dans la Garde. Les vétérans occupaient le château de Versailles [9].
Corps des chasseurs à pied
Les chasseurs à pied
A part de légères différences, le corps des chasseurs à pied connut les mêmes phases évolutives.
Primitivement fixée à 5 pieds 5 pouces [10], la taille des postulants fut ramenée à 5 pieds 2 pouces [11]. Il fallait en outre avoir 5 ans de service dans l’infanterie légère et fait 2 campagnes. Le décret d’organisation de la Garde impériale du 29 juillet 1804, créant le 1er régiment de chasseurs à pied, ordonna qu’il serait exactement composé comme celui des grenadiers, avec un même état-major, 2 bataillons de chasseurs et 1 de vélites.
Un 2e régiment tout semblable au premier s’y ajouta le 15 avril 1806. Devenus, pour un temps très court, Corps royal des chasseurs à pied de France lors de la première Restauration de 1814, ils furent, au retour de l’Empereur de l’île d’Elbe en 1815, réorganisés en 4 régiments.
Après le désastre de Waterloo, ils furent ramenés derrière la Loire et licenciés.
Fusiliers chasseurs
Créé par décret impérial du 15 décembre 1806, le régiment de fusiliers chasseurs fut formé des 2 bataillons de vélites chasseurs. Il constitua avec le régiment de fusiliers grenadiers ce qu’on nommerait plus tard la Moyenne Garde.
Pour amener l’effectif du régiment au chiffre prévu, soit 4 bataillons de 4 compagnies fortes de 120 hommes chacune, on fit appel aux compagnies de réserve départementales et à la conscription. En 1813, le régiment fut grossi de deux compagnies par bataillon.
Tirailleurs chasseurs
Ils furent organisés en 2 régiments au même moment et avec la même constitution que les tirailleurs grenadiers. Le 30 décembre 1810, les régiments de tirailleurs chasseurs prirent la dénomination de voltigeurs.
Conscrits chasseurs
Ce régiment, qui prit naissance le 23 mars 1813, fut incorporé dans la Jeune Garde le 26 décembre suivant et porté à 6 compagnies par bataillon. Licencié l’année suivante, il fut incorporé dans l’infanterie de ligne.
Flanqueurs chasseurs
Ce régiment, qui prit naissance le 23 mars 1813, fut incorporé dans la Jeune Garde le 26 décembre suivant et porté à 6 compagnies par bataillon. Licencié l’année suivante, il fut incorporé dans l’infanterie de ligne.
Voltigeurs
Un décret impérial du 30 décembre 1810 donna aux 1er et 2ème régiments de tirailleurs chasseurs le nom de 1er et 2ème régiments de voltigeurs. En même temps, les 1er et 2ème régiments de conscrits chasseurs devenaient 3ème et 4ème régiments de voltigeurs. Les régiments ne subirent aucune modification dans leurs effectifs, seul l’uniforme changea.
Un 5ème et un 6ème régiment firent leur apparition en 1811, respectivement le 18 mai et le 28 août. Le 15 février 1813, le régiment des gardes nationaux de la Garde forma le 7ème régiment. Le 8ème apparut le 25 mars, puis le 3 avril 5 nouveaux régiments furent formés sous les numéros 9, 10, 11, 12, 13. Enfin, le 21 janvier 1814, six autres régiments vinrent encore s’ajouter aux précédents avec les numéros 14, 15, 16, 17, 18, 19.
Gardes nationaux
Ces soldats étaient recrutés pour la Garde, en un régiment de 4 bataillons, parmi les gardes nationaux qui avaient défendu les côtes de Flandre [12] et la Manche en 1809. Napoléon avait ainsi récompensé la bravoure d’hommes originaires des départements du Nord.
Le bataillon d’instruction de Fontainebleau
Ce bataillon, formé à la fin de l’année 1812, était destiné à fournir des sous-officiers expérimentés aux régiments de la Jeune Garde. Les terribles pertes de 1812 et 1813 ne pouvant être compensées par les promotions de Saint-Cyr, les hommes du bataillon d’instruction fournirent des sous-lieutenants à toute l’armée.
Les pupilles de la Garde Impériale
En Hollande, sous le règne de Louis Bonaparte, avaient été créés 2 bataillons de vélites royaux qui se recrutaient parmi les membres d’un corps de pupilles [13].
Lors de la réunion de la Hollande à l’Empire français, en 1811, Napoléon décida que les petits Hollandais entreraient dans sa Garde sous le titre de pupilles de la Garde impériale. Ce régiment fut communément appelé Garde de Roi de Rome. Il comptait un moment 9.000 hommes [14].
La taille imposée n’excédait pas 5 pieds ; il fallait avoir 10 ans au moins et 16 ans au plus, les moustaches n’étaient pas obligatoires.
La première Restauration dispersa le régiment, la plupart de ces petits soldats préférant rentrer chez eux que de servir un autre maître.
Les armes de la Garde Impériale
Les armes de la Garde impériale provenaient pour la plupart de la célèbre manufacture de Versailles dirigée par Boudet. De principe identique à celles de la ligne, elles s’en différenciaient par une qualité et un fini très supérieurs.
Parmi les plus remarquables se trouvaient le fusil dit modèle courant de la Garde, long de 1,44 m, et le mousqueton des chasseurs à cheval avec sa baïonnette longue de 0,50 m. Les épées et les sabres de toutes formes et de toutes longueurs étaient chez les officiers d’un richesse et d’une beauté impressionnantes.
La cavalerie de la Garde Impériale
Grenadiers à cheval
Les grenadiers à cheval jouissaient, avec les grenadiers à pied, de leur prestige d’anciens de Marengo. Les conditions d’admission étaient tout aussi rigoureuses que pour les grenadiers à pied. Passant de l’ex-Garde consulaire dans la Garde impériale le 29 juillet 1804, le régiment fut composé d’un état-major et de 4 escadrons de 2 compagnies chacun, soit 1.018 cavaliers. Un décret impérial du 15 avril 1806 lui adjoignit un escadron de vélites dotés d’une taille de 1,76 m au moins et d’un revenu annuel assuré de 300 francs.
Instruits à part en temps de paix, les vélites n’étaient mêlés aux grenadiers que pour les marches ou la guerre ; en cette dernière circonstance, l’unité se dédoublait en deux régiments commandés chacun par un major sous les ordres du colonel.
Chasseurs à cheval
Ce régiment avait été formé en grande partie par les guides de Bonaparte. Il avait une composition identique à celle du régiment des grenadiers à cheval, exception faite pour la taille des vélites, qui était légèrement inférieure : 1,73 m.
C’est par décret du 29 juillet 1804 que le régiment des guides de la Garde consulaire devint celui des chasseurs de la Garde, à 4 escadrons de 2 compagnies chacun.
Casernés à l’Ecole militaire de Paris [15], les chasseurs avaient le privilège envié de fournir un escadron pour le service de la résidence impériale ou se trouvait l’Empereur. En campagne, les chasseurs à cheval de cet escadron étaient en quelque sorte les gardes du corps de Napoléon.
La première personne que voyait l’Empereur à la sortie de son appartement était l’officier de l’escorte. C’était un poste d’honneur et d’extrême confiance.
Cette troupe avait le plus grand dévouement pour son Empereur. Elle en était d’ailleurs parfaitement récompensée. Il y avait 4 chasseurs par compagnie de chaque régiment de Vieille Garde qui, outre la croix d’honneur et souvent la Couronne de fer, avec un revenu de 250 francs, étaient dotés de rentes sur les canaux ou sur le mont Napoléon de Milan [16] ; ce qui leur rapportait de 500 à 800 francs.
Le 10 janvier 1813, le régiment fut porté à 8 escadrons de 250 hommes, et le 6 mars suivant un 9ème escadron fut ajouté à la composition du corps. Ces escadrons furent qualifiés escadrons de Jeune Garde et portèrent un uniforme distinct.
A son retour de l’île d’Elbe [17], Napoléon, satisfait des excellentes qualités montrées par les nouveaux arrivés, leur accorda la dénomination de 2ème régiment de chasseurs à cheval de la Jeune Garde.
Le rôle des chasseurs ne se limita bien entendu pas au service d’honneur. On les vit maintes fois charger aux côtés des grenadiers à cheval.