Clément d’Ohrid (vers 840-916)
Moine et écrivain de l’Empire bulgare-Évêque d’Ohrid
Il était le plus illustre disciple de Cyrille et Méthode et il est souvent associé à la création, et surtout la propagation, des alphabets glagolitique [1] et cyrillique [2]. Il est considéré comme le premier évêque de l’Église orthodoxe bulgare [3], l’un des 7 apôtres de l’Empire bulgare [4] et comme le saint patron de la Macédoine du Nord [5] et de l’Église orthodoxe macédonienne [6].
Selon Théophylacte d’Ohrid , il serait né dans le Sud-Ouest du Premier État bulgare.
Clément fut lié très jeune à Cyrille et Méthode : selon Théophylacte, il s’attacha dès son plus jeune âge à Méthode, qui devint son modèle probablement dès 856, quand Méthode entra dans un monastère sur le mont Olympe de Bithynie [7].
Il accompagna les deux frères en 863 dans leur mission en Grande Moravie [8], et en 868 à Rome, où il fut ordonné prêtre. Après la mort de Cyrille à Rome, Clément accompagne Méthode lors de son voyage de Rome à la Pannonie [9] et la Grande-Moravie. Après la mort de Méthode en 885, ses disciples sont persécutés par le prince morave Sphentoluk ainsi que par l’évêque germanique Wiching car ils refusaient le Filioque [10].
Il est emprisonné, laissé à des soldats barbares puis expulsé de Moravie après de nombreuses tribulations, il se rend alors en Bulgarie en 885 ou 886, avec Naum et Angelar , tous anciens disciples de Cyrille et Méthode. Ils sont envoyés à Pliska [11], la capitale bulgare d’alors, où Boris 1er leur demande d’éduquer le futur clergé bulgare en vieux-slave. Sava Sedmotchislenik , un autre disciple y contribue également.
Après l’adoption du christianisme en 865, les cérémonies religieuses en Bulgarie étaient tenues en grec par des religieux envoyés par l’Empire byzantin [12]. Craignant l’influence byzantine grandissante et l’affaiblissement de son État, Boris 1er voyait l’adoption du vieux-slave en tant que langue liturgique comme un moyen de conserver son indépendance politique. Sous son impulsion, deux écoles de vieux-slave sont ouvertes, la première à Preslav [13] et la deuxième à Ohrid [14].
Alors que Naum reste à Pliska, Clément est envoyé dans sa région natale, à Ohrid. Pendant 7 ans, de 886 à 893, il y forme quelque 3 500 disciples en vieux-slave et avec l’alphabet glagolitique. Puis il va poursuivre le travail de traduction en cyrillique. En 893, il est ordonné archevêque. À sa mort, il est enterré au monastère Saint-Pantaleimon d’Ohrid [15].
Saint Clément d’Ohrid est l’un des auteurs en vieux-slave les plus prolifiques et les plus importants. On lui attribue l’hagiographie de Cyrille et Méthode, la traduction de chants religieux et l’écriture de deux services liturgiques.
Notes
[1] L’alphabet glagolitique est le plus ancien alphabet slave. Il était utilisé dans la Grande-Moravie mais il a été inventé par les frères Cyrille et Méthode au monastère de Polychron. Il tire son nom du vieux mot slave glagoljati qui signifie dire. Il est couramment utilisé, au Moyen Âge, en Croatie, en Bulgarie ou au Monténégro, sporadiquement au Royaume de Bohême. Au cours du 10ème siècle, l’alphabet cyrillique a progressivement remplacé l’alphabet glagolitique par substitution aux lettres glagolitiques des lettres grecques correspondantes.
[2] L’alphabet cyrillique est un alphabet permettant l’écriture de nombreuses langues d’Europe de l’Est et d’Asie centrale, principalement dans l’ex-URSS. Il est créé vers la fin du 9ème siècle dans l’Empire bulgare, dans l’actuelle Bulgarie ou dans l’actuelle Macédoine du Nord, par des disciples du frère Cyrille ou peut-être Clément d’Ohrid (premier évêque de l’Église orthodoxe bulgare), à partir de l’alphabet grec dans sa graphie onciale et de l’alphabet glagolitique.
[3] L’Église orthodoxe bulgare, officiellement le patriarcat de Bulgarie, est une juridiction autocéphale de la communion orthodoxe en Bulgarie. Elle occupe le huitième rang honorifique parmi les Églises autocéphales. Le primat de l’Église porte le titre de métropolite de Sofia et patriarche de toute la Bulgarie, avec résidence à Sofia
[4] Le Premier Empire bulgare désigne un État médiéval chrétien et multiethnique qui succéda au 9ème siècle, à la suite de la conversion au christianisme du Khan Boris, au Khanat bulgare du Danube, fondé dans le bassin du bas Danube. Le Premier Empire bulgare disparut en 1018, son territoire au sud du Danube étant réintégré dans l’Empire byzantin. À son apogée, il s’étendait de l’actuelle Budapest à la mer Noire, et du Dniepr à l’Adriatique. Après sa disparition, un Second Empire bulgare renaquit en 1187.
[5] La Macédoine du Nord, est un pays d’Europe du Sud situé dans la partie centrale de la péninsule des Balkans. Sans accès à la mer, la Macédoine du Nord partage des frontières avec la Grèce, la Bulgarie, la Serbie, le Kosovob et l’Albanie. Elle occupe approximativement la moitié nord de la Macédoine géographique, qui s’étend aussi en Grèce et en Bulgarie. Le pays est principalement montagneux et compte une cinquantaine de lacs.
[6] L’Église orthodoxe macédonienne ou Église orthodoxe macédonienne est la principale Église orthodoxe en Macédoine du Nord. Elle regroupe les chrétiens macédoniens sous l’autorité de l’archevêque d’Ohrid et exerce sa juridiction dans le pays et parmi la diaspora macédonienne. En mai et juin 2022, l’Église est reconnue comme autocéphale, légitime et membre de la communion orthodoxe par le Patriarcat de Serbie et le Patriarcat œcuménique.
[7] L’Uludağ en français grande montagne ou Olympe de Bithynie est la plus haute montagne de l’Ouest de la Turquie (2 543 mètres d’altitude). Il se situe à environ 30 km au sud de la ville de Bursa et marque la frontière de la province du même nom. Elle consiste en une longue formation d’environ 15 kilomètres de long par 3 kilomètres de large. Son sommet le plus élevé se nomme Kartaltepe (littéralement la colline de l’aigle). Dans l’Antiquité, l’Uludağ est appelé Olympe de Mysie. Sous l’Empire romain, le nom Olympe de Bithynie s’impose et c’est l’appellation que continuent à utiliser les populations hellénophones de l’Orient méditerranéen. À partir des 6 et 7ème siècles, la montagne est occupée par de nombreux moines chrétiens établis soit dans de grands monastères, soit dans des cellules isolées. Antoine le Jeune y vit en ascète quelques années. Entre 727 et 843, la montagne monastique de Bithynie est le principal foyer de résistance aux empereurs iconoclastes.
[8] La Grande-Moravie était un royaume slave. De 833 jusqu’au début du 10ème siècle, il s’étendit sur les territoires des actuelles Tchéquie, Allemagne orientale, Slovaquie et Hongrie nord-occidentale, le sud de la Pologne avec la région de Cracovie et l’ouest de l’Ukraine avec la Galicie. Le premier usage du terme « Grande-Moravie » remonte à l’ouvrage de Constantin VII Porphyrogénète De Administrando Imperio (écrit vers 950). Le terme « Moravia » renvoyait non seulement à la région correspondant à l’actuelle Moravie mais aussi aux territoires autour de la rivière Morava ou de sa capitale appelée Morava, dont l’emplacement reste actuellement inconnu (peut-être se trouve-t-elle sous une grande ville actuelle telle Brno, Nitra ou Bratislava).
[9] La Pannonie est une ancienne région de l’Europe centrale, limitée au Nord par le Danube et située à l’emplacement de l’actuelle Hongrie, et partiellement de la Croatie et de la Serbie. Les habitants originaux sont les Pannoniens, qui sont envahis par les Celtes et les Boïens au 4ème siècle av. jc. Vers 105 apr. jc, Trajan divise la province en Pannonie supérieure à l’ouest et Pannonie inférieure à l’est. Ces qualificatifs ne sont pas seulement déterminés par le sens du cours du Danube, mais aussi par l’éloignement par rapport à Rome en suivant les itinéraires routiers : le voyageur venant d’Italie rencontre d’abord la Pannonie supérieure, puis la Pannonie inférieure. Le Pannonien Maximien est associé au pouvoir en 285. Les tétrarques réorganisent les provinces pour en améliorer l’administration et la défense : la Pannonie inférieure est divisée en deux : au nord la Valeria, du nom de famille de Dioclétien, avec pour capitale Aquincum ; au sud, la Pannonia Secunda, avec pour capitale Sirmium
[10] La querelle du Filioque est un débat théologique qui, à partir du 8ème siècle a lieu entre l’Église romaine et l’Église grecque, à propos du dogme de la Trinité. Cette querelle est un des facteurs qui conduisent au Grand Schisme d’Orient de 1054, séparant l’Église catholique de l’Église orthodoxe.
[11] Pliska est le nom de la première capitale de Bulgarie entre 681 et 893. À cette date, elle fut remplacée comme capitale par Preslav. L’ancienne capitale, après sa disparition, a laissé la place, durant plusieurs siècles, à un village nommé Aboba.
[12] L’Empire byzantin ou Empire romain d’Orient désigne l’État apparu vers le 4ème siècle dans la partie orientale de l’Empire romain, au moment où celui-ci se divise progressivement en deux. L’Empire byzantin se caractérise par sa longévité. Il puise ses origines dans la fondation même de Rome, et la datation de ses débuts change selon les critères choisis par chaque historien. La fondation de Constantinople, sa capitale, par Constantin 1er en 330, autant que la division d’un Empire romain de plus en plus difficile à gouverner et qui devient définitive en 395, sont parfois citées. Quoi qu’il en soit, plus dynamique qu’un monde romain occidental brisé par les invasions barbares, l’Empire d’Orient s’affirme progressivement comme une construction politique originale. Indubitablement romain, cet Empire est aussi chrétien et de langue principalement grecque. À la frontière entre l’Orient et l’Occident, mêlant des éléments provenant directement de l’Antiquité avec des aspects innovants dans un Moyen Âge parfois décrit comme grec, il devient le siège d’une culture originale qui déborde bien au-delà de ses frontières, lesquelles sont constamment assaillies par des peuples nouveaux. Tenant d’un universalisme romain, il parvient à s’étendre sous Justinien (empereur de 527 à 565), retrouvant une partie des antiques frontières impériales, avant de connaître une profonde rétractation. C’est à partir du 7ème siècle que de profonds bouleversements frappent l’Empire byzantin. Contraint de s’adapter à un monde nouveau dans lequel son autorité universelle est contestée, il rénove ses structures et parvient, au terme d’une crise iconoclaste, à connaître une nouvelle vague d’expansion qui atteint son apogée sous Basile II (qui règne de 976 à 1025). Les guerres civiles autant que l’apparition de nouvelles menaces forcent l’Empire à se transformer à nouveau sous l’impulsion des Comnènes avant d’être disloqué par la quatrième croisade lorsque les croisés s’emparent de Constantinople en 1204. S’il renaît en 1261, c’est sous une forme affaiblie qui ne peut résister aux envahisseurs ottomans et à la concurrence économique des républiques italiennes (Gênes et Venise). La chute de Constantinople en 1453 marque sa fin.
[13] Preslav, ou Véliki Preslav (Preslav la Grande) est une cité médiévale de Bulgarie qui fut la seconde capitale du Premier Empire Bulgare (après Pliska) de 893 à 971. Sous le Second Empire Bulgare (1185-1393), si elle fut remplacée comme capitale par Veliko Tarnovo, elle n’en resta pas moins une ville importante. Ses ruines sont situées à 20 km au sud-ouest de la ville de Shoumen, et constituent actuellement une Réserve Archéologique Nationale. Un village situé à environ deux kilomètres au nord de l’ancien site a repris le nom de Preslav en 1878
[14] Ohrid est une municipalité et une ville du sud-ouest de la Macédoine du Nord, située sur le lac du même nom. La ville d’Ohrid est née pendant l’Antiquité, elle s’appelait alors Lychnidos et possédait un théâtre antique et une acropole. Après les invasions slaves du début du Moyen Âge, la ville devient au 9ème siècle un grand centre religieux et culturel. Saint Clément d’Ohrid y fonde alors un grand monastère et participe à l’établissement de l’alphabet cyrillique et de la culture macédonienne. Un siècle plus tard, Samuel 1er fait d’Ohrid la capitale de son empire.
[15] Le monastère Saint-Pantaleimon d’Ohrid, autrefois appelé monastère Saint-Clément, est un ancien monastère byzantin construit au 10ème siècle à Ohrid, ville du sud-ouest de la Macédoine du Nord. Il se trouve sur le site de Plaochnik. Il a connu plusieurs rénovations au cours des siècles et fut converti en mosquée par les Turcs au 15ème siècle. Pendant la seconde moitié du 20ème siècle, il fut l’objet de nombreuses fouilles archéologiques, puis son église fut reconstruite en 2002. Le site de Plaochnik pourrait être l’endroit où l’alphabet glagolitique puis cyrillique ont été enseignés pour la première fois.