Fils d’un notaire royal de Sablé-sur-Sarthe [1], Grandier fut, après son noviciat, nommé à 27 ans curé de l’Église Saint-Pierre-du-Marché et chanoine de l’Église Sainte-Croix de Loudun [2], dans le diocèse de Poitiers [3], en juillet 1617.
Cultivé, ses sermons du dimanche marqués par sa liberté de penser faisaient déplacer les foules. Il avait acquis une réputation de séducteur et eut plusieurs relations sexuelles et affectives avec des femmes. Il mit enceinte la fille du procureur du roi Louis Trincant, élève de 15 ans à qui il enseignait le latin, puis l’abandonna pour se mettre en ménage avec Madeleine de Brou, orpheline issue de la haute noblesse dont il avait la charge spirituelle et qu’il devait préparer à prendre le voile. Comme ils étaient amoureux l’un de l’autre, Madeleine de Brou réclama le mariage. Grandier construisit tout un argumentaire dans un pamphlet, le Traité contre le célibat des prêtres, alors que l’Église catholique menait sa Contre-réforme, pour pouvoir l’épouser secrètement en tenant le rôle du marié, du prêtre officiant et du témoin. Arrêté pour débauche, Grandier gagna son premier procès et revint à Loudun.
La supérieure mère Jeanne de Belcier dite Jeanne des Anges , du couvent des Ursulines [4] de Loudun, lui proposa peu après de devenir confesseur de sa communauté. Grandier se récusant, la mère supérieure porta son choix sur le chanoine Mignon, ennemi de Grandier qui réprouvait sa conduite. Pendant 10 ans, le père Mignon et des notables de Loudun menèrent une cabale contre le prêtre, enchaînant les procédures judiciaires pour mauvaise vie, impiété. Les historiens s’interrogent sur l’influence du cardinal de Richelieu dans cette affaire.
Loudun était une cité où cohabitaient réformés et catholiques, Richelieu voulait abattre son château, ce à quoi s’opposa Grandier. Enfin la ville de Loudun fut frappée par une épidémie de peste début 1632.
Des religieuses de ce couvent l’accusèrent en septembre 1632 de les avoir ensorcelées, en leur envoyant, entre autres, le démon Asmodée , pour les amener à commettre des actes impudiques avec lui. Grandier fut arrêté, interrogé et jugé par un tribunal ecclésiastique, qui l’acquitta.
Malheureusement pour lui, Grandier s’était, pour l’avoir publiquement attaqué en paroles, attiré l’hostilité du puissant cardinal de Richelieu qui ordonna un nouveau procès, qu’il confia à un homme spécialement envoyé par lui : Jean Martin de Laubardemont, un parent de la mère supérieure.
La procédure extraordinaire imposée par Richelieu ne donna pas le droit à Grandier, arrêté de nouveau à Angers [5], de faire appel au Parlement de Paris [6]. Interrogées une deuxième fois, les nonnes et jusqu’à la mère supérieure ne répétèrent pas leurs accusations, mais cela ne changea rien au procès où tout était décidé d’avance.
Après avoir torturé Grandier aux brodequins [7], les juges produisirent des documents prétendument signés par le prêtre et plusieurs démons comme preuve qu’il avait passé un pacte diabolique.
Malgré la défense de son ami Claude Quillet , Grandier fut reconnu coupable et condamné à mort. Les juges ordonnèrent sa mise à la question extraordinaire [8].
Malgré la torture, Grandier refusa d’avouer ce dont on l’accusait. Il fut brûlé vif