Il déplace puis sédentarise son peuple pendant la période tardive des Grandes invasions en Europe orientale. Selon les sources historiques, dont une chronique bulgare listant les premiers chefs de ce peuple son règne a duré 61 ans et il serait mort en 701. Les sources byzantines font d’Asparoukh le troisième fils du khan [1] Koubrat, fondateur de l’Onogourie [2]. Il est issu de la tribu des Doulo [3], régnant depuis 628 sur le territoire de l’Onogourie. À la mort de Koubrat, Asaproukh reconnaît l’autorité de son frère aîné Batbayan à la tête des Doulo. Mais quand l’Onogourie se disloque sous les coups du khanat khazar [4] lors de l’invasion en 671, une partie de la population franchit le Dniepr [5] et émigre vers l’ouest, sous la direction d’Asparoukh ; un de ses frères au moins quittera aussi l’Onogourie à ce moment-là avec une partie des Doulo pour des terres plus sûres. Asparoukh et ceux qui l’ont suivi s’installent dans un premier temps en 671/680 dans la région située entre le Dniepr et les Carpates [6], mais aussi sur une partie de la Valachie [7] ; Asparoukh s’établit dans le delta du Danube [8], un endroit stratégique pour repousser les assauts répétés des Khazars. Durant ces 9 années, les Bulgares lancent régulièrement des raids sur les territoires au sud du Danube, soit la Mésie [9] peuplée de tribus slaves et la Thrace [10] sous contrôle byzantin [11]. La tradition attribue d’ailleurs à Asparoukh la fondation de la ville de Drastar [12], à l’endroit même où il aurait franchi le Danube pour établir son pouvoir au sud du fleuve. Un raid particulièrement important est organisé en 679, qui se termine par la bataille d’Andrinople [13] où l’armée byzantine bat les Bulgares.
Cependant, l’installation des Bulgares sur les rives du Danube et leurs fréquentes incursions au sud du fleuve provoquent l’inquiétude à Byzance où l’on considérait les territoires au sud du Danube faisaient partie intrinsèque de l’empire et que le contrôle n’en était donc perdu que momentanément. À cela s’ajoute la crainte que les Slaves, établis au sud du Danube depuis 600-610 seulement, ne s’allient aux Bulgares. L’empereur Constantin IV en personne vient donc à la rencontre des Bulgares en 680. On peut considérer que la guerre a commencé en 672 déjà, mais durant 7 ans, les Bulgares ne rencontrent aucune résistance byzantine, le pouvoir central mettant toute son énergie dans le conflit l’opposant au califat arabe qui atteint son paroxysme entre 674 et 678. Après avoir réglé ce problème, l’empereur Constantin IV peut alors porter toute son attention sur sa frontière septentrionale pour en éloigner la menace bulgare. La première action véritable de la guerre est donc la bataille d’Andrinople qui permet de repousser le danger pesant sur la Thrace. L’empereur décide alors de porter la guerre au-delà du Danube, dans la région du delta. Une armée byzantine forte de 40 000 hommes franchit donc le fleuve au printemps 680, mais sa méconnaissance d’un terrain que les militaires impériaux n’ont plus fréquenté depuis plus de 80 ans et la présence d’une population slave de plus en plus inamicale la mettent rapidement en difficultés et prouvent l’erreur stratégique de Constantin IV. Le départ de ce dernier à Messembria [14] pour "soigner son arthrite" achève d’abattre le moral des troupes qui sont battues à plate couture par les guerriers bulgares. Durant l’été et l’automne 680, les Bulgares envahissent peu à peu la Thrace, et Byzance [15] n’a plus d’autre choix que de chercher la paix. En 681, les deux parties concluent donc un traité qui cède aux Bulgares la Mésie jusqu’à la rivière Iskar [16] mais à l’exception d’Odessos [17]. Cette cession est en réalité purement formelle, l’autorité byzantine étant absente depuis longtemps de la Mésie. Quant aux Bulgares, ils s’engagent à ne plus lancer d’offensives au-delà de la chaîne des Balkans [18]. Des liens commerciaux s’établissent entre les deux pays et Byzance aurait par ailleurs payé un tribut aux Bulgares pour éviter d’autres attaques. Asparoukh s’installe alors à Pliska [19] qui devient sa capitale. Asparoukh participait personnellement à certaines batailles, et il a perdu la vie en 701 sur les bords du Dniepr, lors d’un affrontement contre les Khazars. Il est enterré sur la rive, près du village de Voznesenka* ( [20]). Le tombeau porte une inscription en caractères runiques qui dit : « Vainqueur céleste ». Son fils Tervel lui succédera à la tête du khanat bulgare. Asparoukh a été une personnalité historique qui a vécu à une époque de crise et de menaces pour les Bulgares, et il a réussi à repousser les dangers extérieurs, à élargir le territoire sous son contrôle, à renforcer le rôle de son peuple sur la scène régionale. Son armée comptait quelque 50 000 combattants et a souvent mené des actions militaires énergiques sur deux fronts à la fois. Généralement, Asparoukh est considéré comme le facteur fondamental de la stabilisation et du renforcement de la Bulgarie et son influence a joué un grand rôle pendant les 1300 années qui suivirent en affirmant l’identité nationale. Du temps d’Asparoukh, la Bulgarie est une force avec laquelle il faut compter dans l’Europe du Sud-Est, surpassée dans la région seulement par Byzance et la Khazarie.