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L’histoire pour le plaisir

Yeshe Tsogyal

jeudi 8 octobre 2020, par ljallamion

Yeshe Tsogyal

Considérée comme une dakini [1] du Tibet ou encore un bouddha du bouddhisme tibétain [2], importante en particulier dans la tradition nyingma [3]. Elle est aussi appelée Dame de Kharchen ou Reine du lac de Karchen.   Selon la tradition, elle aurait été une princesse de Karchen, épouse du roi du Tibet, Trisong Detsen, devenue parèdre [4] de Padmasambhava et dépositaire de son enseignement, grâce à son don de mémoire absolue. Elle fait partie de ses 25 grands disciples, distinguée dans l’ensemble pour sa capacité de ressusciter les morts. Elle est parfois considérée comme une réincarnation de la mère du Bouddha et assimilée à d’autres déités. Son nom évoque également celui de la Dame des Eaux de la religion populaire, d’origine prébouddhiste.

Bien que sa biographie la plus connue la décrive victorieuse en débat contre des partisans du bön [5], elle est au nombre des grandes figures féminines du tantrisme [6].

Dans la tradition nyingma [7], elle révèle en rêve ou en vision aux tertöns [8] les enseignements cachés de Padmasambhava. Les yoginis [9] tibétaines célèbres sont souvent considérées comme son émanation. Son personnage dans la littérature religieuse offre un modèle d’identification aux pratiquantes et incarne l’introduction du bouddhisme au Tibet.

Sa biographie, comme celle de Padmasambhava, présente une forte coloration légendaire. Son nom et celui de son clan, Karchen Za, sont absents de l’épigraphie et elle ne fait l’objet que de brèves mentions dans les textes historiques. Elle y apparaît comme une épouse royale n’exerçant pas de pouvoir politique mais se consacrant à la méditation, initiée au bouddhisme en même temps que le roi par Padmasambhava.

On a envisagé que son personnage soit entièrement fictif, mais la constance de certains détails de source à source rend son existence historique vraisemblable.

Son parcours est un exemple typique d’hagiographie [10] bouddhiste, avec naissance miraculeuse, épreuves, visites de lieux hors du monde et démonstration de pouvoirs extraordinaires, culminant dans son accession à l’état de bouddha [11] après celui de dakini. Une version lui donne comme parents Namkha Yeshe et Ge-wa Bum et la fait naître à Drongmoche. Toutes les sources en tout cas s’accordent pour la faire naître une année de l’oiseau dans le district de Sgrags au Tibet central. Lors de sa naissance, un mantra sanskrit résonna et un lac apparut magiquement à proximité. Malgré son origine princière, elle aurait eu des débuts difficiles, maltraitée par ses premiers prétendants, son père ou les ministres de ce dernier, pour préférer la méditation au mariage. Elle fut sauvée par le roi Trisong Detsen qui la prit comme épouse avant de la céder à Padmasambhava. C’est ainsi qu’elle devint sa parèdre et la dépositaire de ses enseignements tantriques, qu’elle coucha en écriture de dakini puis dissimula en attendant des temps plus propices à leur réception. Ainsi, elle écrivit Le Bardo Thodol [12]. Lorsque Padmasambhava quitta le Tibet, elle continua de transmettre ses pratiques.

P.-S.

Source : Cet article est partiellement ou en totalité issu du texte de Gyalwa Tchangtchoub et Namkhai Nyingpo La vie de Yéshé tsogyal, souveraine du Tibet Éditions Padmakara, 1995 (ISBN 2-906949-09-4)

Notes

[1] Une dakini ou khandroma est une divinité féminine du bouddhisme vajrayāna ou un « démon-femelle » dans l’hindouisme, importante dans les pratiques tantriques du bouddhisme tibétain.

[2] Le bouddhisme tibétain comporte les trois véhicules du bouddhisme, le hinayana, le mahayana et le véhicule tantrique du vajrayāna et s’est développée à partir du 7ème siècle au Tibet et se pratique actuellement en Chine principalement dans les régions autonomes du Tibet et de Mongolie-intérieure, dans les provinces de Qinghai, Gansu, Yunnan et Sichuan et dans la région du Nord-Est, ainsi que plus sporadiquement dans différentes villes comme Pékin (Temple de Yonghe, etc.) ou Xi’an (Temple Guangren), en Mongolie, dans certaines républiques de Russie (Tuva, Bouriatie, Kalmoukie), au Bhoutan, où il constitue la religion d’État, et dans certains pays et régions de l’Himalaya, dont le Népal septentrional, et quelques états d’Inde, en particulier l’Arunachal Pradesh, le Jammu-et-Cachemire (au Ladakh), le Sikkim, l’Himachal Pradesh (Dharamsala et le district de Lahaul et Spiti).

[3] Le courant nyingma ou nyingmapa est la plus ancienne des traditions du bouddhisme tibétain, adaptation à la culture tibétaine du vajrayana (ou bouddhisme tantrique). Elle reprend certains textes du chamanisme bön, religion traditionnelle tibétaine. Ses différentes lignées remontent à Padmasambhava, fondateur du vajrayana, qui selon une des traditions apporta le bouddhisme au Tibet, le « Pays des neiges », et se basent sur la première vague de traductions du sanskrit en tibétain des tantras et des sutras. Les autres courants (principalement kagyüpa, sakyapa et gelugpa), basés sur des traductions ultérieures, sont parfois regroupés sous le terme sarmapa (nouvelle tradition). Les nyingmapa sont parfois appelés bonnets rouges, terme qui peut aussi s’appliquer aux sakya et aux kagyu, les gelugpa étant les seuls à porter des bonnets jaunes. L’école nyingma est la branche la plus orientée vers les aspects ésotériques du tantrisme.

[4] épouse mystique

[5] Le terme bön, désigne trois traditions religieuses tibétaines distinctes, selon le tibétologue norvégien Per Kværne : - tout d’abord une religion tibétaine préexistant au bouddhisme et qui est supplantée par celui-ci aux 8ème siècle et 9ème siècle, lors de l’expansion de l’Empire tibétain fondé par Songtsen Gampo, sous l’influence du Népal et de la Chine ayair le bouddhisme comme devenir la foi dominante. L’interdiction du bouddhisme par le dernier empereur, Langdarma mène au retour au Bön comme religion d’état. Il sera assassiné par un moine bouddhiste, ce qui marquera la fin de l’Empire - ensuite une religion syncrétique qui apparaît au Tibet aux 10ème siècle 11ème siècle, lors de l’Ère de la fragmentation, pendant laquelle différents seigneurs de la guerre se livrèrent bataille pour le contrôle du territoire, époque où le bouddhisme se propagea de nouveau à partir de l’Inde pour devenir la foi dominante - enfin, le vaste corpus de croyances populaires, souvent mal définies, dont la divination, qui ne sont pas d’origine bouddhique et sont communes aux adeptes du bön ou bönpos et aux bouddhistes

[6] Le tantrisme, terme inventé au 19ème siècle en Occident et dérivé du mot tantra, désigne un ensemble de textes, de doctrines, de rituels et de méthodes initiatiques qui ont pénétré de façon diffuse la plupart des branches de l’hindouisme (y compris le jaïnisme). Sa définition exacte et son origine historique restent un sujet de discussion parmi les spécialistes. Il s’exprime à travers des pratiques yogiques et des rites, se basant sur des textes ou tantras révélés, selon la légende, par Shiva Lui-même spécialement pour l’homme déchu du dernier âge (kali yuga), selon la cosmologie de l’hindouisme. À partir du 6ème siècle, on rencontre des cultes tantriques dans les écoles shivaïtes ou shaktistes, dans le bouddhisme mahâyâna (pratiqué principalement en Chine, Corée, Japon et Viêt Nam) et dans le bouddhisme vajrayāna (bouddhisme adamantin ou bouddhisme de diamant, aussi nommé bouddhisme tantrique) pratiqué principalement au Tibet, en Mongolie et au Japon.

[7] Le courant nyingma ou nyingmapa est la plus ancienne des traditions du bouddhisme tibétain, adaptation à la culture tibétaine du vajrayana (ou bouddhisme tantrique). Elle reprend certains textes du chamanisme bön, religion traditionnelle tibétaine. Ses différentes lignées remontent à Padmasambhava, fondateur du vajrayana, qui selon une des traditions apporta le bouddhisme au Tibet, le « Pays des neiges », et se basent sur la première vague de traductions du sanskrit en tibétain des tantras et des sutras. Les autres courants (principalement kagyüpa, sakyapa et gelugpa), basés sur des traductions ultérieures, sont parfois regroupés sous le terme sarmapa (nouvelle tradition). Les nyingmapa sont parfois appelés bonnets rouges, terme qui peut aussi s’appliquer aux sakya et aux kagyu, les gelugpa étant les seuls à porter des bonnets jaunes. L’école nyingma est la branche la plus orientée vers les aspects ésotériques du tantrisme.

[8] Tertön est un mot tibétain signifiant « découvreur de trésors ». Dans le bouddhisme tibétain, un tertön est une personne qui découvre des enseignements ou des objets sacrés cachés à une certaine époque pour être redécouverts en temps utile. Padmasambhava avait prédit à certains de ces disciples, que dans les temps à venir, ils révéleraient ses enseignements, devenant des tertöns. À travers les siècles, de nombreuses personnes ont été reconnues comme tertöns. Cette pratique permit aussi à certains enseignements d’échapper aux persécutions religieuses. Les bouddhistes tibétains avaient pour coutume de cacher les termas en divers lieux du Tibet et des pays avoisinants. Les maîtres spirituels qui en font la découverte, les tertöns, sont plus particulièrement liés à l’école Nyingma et au Bön.

[9] Le yoga est l’une des six écoles orthodoxes de la philosophie indienne āstika dont le but est la libération (moksha) du cycle des renaissances (samsara) engendré par le karma individuel. C’est une discipline visant, par la méditation, l’ascèse morale et les exercices corporels, à réaliser l’unification de l’être humain dans ses aspects physique, psychique et spirituel.

[10] L’hagiographie est l’écriture de la vie et/ou de l’œuvre des saints. Pour un texte particulier, on ne parle que rarement d’« une hagiographie », mais plutôt d’un texte hagiographique ou tout simplement d’une vie de saint. Le texte hagiographique étant destiné à être lu, soit lors de l’office des moines soit en public dans le cadre de la prédication. Un texte hagiographique recouvre plusieurs genres littéraires ou artistiques parmi lesquels on compte en premier lieu la vita, c’est-à-dire le récit biographique de la vie du saint. Une fresque à épisode est également une hagiographie, de même qu’une simple notice résumant la vie du bienheureux. Par rapport à une biographie, l’hagiographie est un genre littéraire qui veut mettre en avant le caractère de sainteté du personnage dont on raconte la vie. L’écrivain, l’hagiographe n’a pas d’abord une démarche d’historien, surtout lorsque le genre hagiographique s’est déployé. Aussi les hagiographies anciennes sont parsemées de passages merveilleux à l’historicité douteuse. De plus, des typologies de saints existaient au Moyen Âge, ce qui a conduit les hagiographes à se conformer à ces modèles et à faire de nombreux emprunts à des récits antérieurs.

[11] Le titre de bouddha, désigne une personne ayant, notamment par sa sagesse (prajñā), réalisé l’éveil, c’est-à-dire atteint le nirvāna (selon le hīnayāna), ou transcendé la dualité samsara (Saṃsāra)/nirvana (nirvāņa) (selon le Mahāyāna). Il peut être désigné par d’autres qualificatifs : « Bienheureux », « Celui qui a vaincu », « Ainsi-Venu ». L’appellation de bouddha peut donc référer à plusieurs personnes. Le bouddha le plus connu demeure le fondateur du bouddhisme, Siddhārtha Gautama

[12] Le Livre des Morts Tibétain composé par Padmasambhava