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Ahmed al-Mansour ou Abou Abbas Ahmad al-Mansour dit Ad-Dhahbî

vendredi 11 mai 2018

Ahmed al-Mansour ou Abou Abbas Ahmad al-Mansour dit Ad-Dhahbî (mort en 1603)

Sixième sultan de la dynastie saadienne au Maroc de 1578 à sa mort

Il prend le pouvoir à la suite de la mort de son frère Abu Marwan Abd al-Malik mort à la bataille de l’Oued Makhazin [1] contre les Portugais et c’est après cette victoire qu’il est surnommé el-Mansour [2].

Sa fortune était telle qu’il fit construire le palais El Badi [3], dans lequel étaient utilisés les matériaux les plus précieux, venus d’Europe, d’Asie et d’Afrique. Dans ce palais des réceptions fastueuses qui reprenait le plan classique des résidences royales de l’Andalousie musulmane, le sultan recevait les ambassades venues principalement d’Espagne, d’Angleterre, de France et de Turquie.

Son règne correspond à une renaissance culturelle et artistique pour le Maroc, notamment Marrakech. Al-Mansur est également connu pour avoir modernisé l’armée marocaine et avoir introduit les nouveautés de l’art militaire ottoman, après son exil de jeunesse dans la Régence d’Alger puis à Istanbul alors capitale de l’Empire ottoman.

Sur le plan économique, de grandes plantations de canne à sucre sont mises en valeur dans la plaine du Haouz [4]. Le sucre marocain est exporté principalement vers l’Angleterre des derniers Tudors, et ne souffre pas encore de la concurrence des plantations coloniales du Brésil portugais et des Caraïbes.

Sur le plan de l’organisation politique, le sultanat saadien n’institue pas de grand-vizir comme la Sublime Porte ottomane, mais le "Wazir al Qalam" [5], chargé de gérer la correspondance de l’État, possède cependant une fonction équivalente. Quant au hajib [6], son rôle s’accroît au sein du Palais avec l’introduction d’un protocole sophistiqué d’origine turque inspiré par Topkapi [7].

Sur le plan administratif, le makhzen [8] saadien nomme des pachas et des beys à la tête des provinces.

À Fès [9], deuxième ville du pays, le sultan est représenté par un vice-roi auquel il délègue d’importants pouvoirs, le khalifa.

Les garnisons, composées d’éléments étrangers [10] et marocains ont la double mission de faire régner l’ordre et d’aider les gouverneurs à percevoir l’impôt.

Face à l’extension de l’Espagne et sa nouvelle richesse [11], le sultan cherche une autre source d’or et se tourne vers le Soudan occidental nigérien, fameux pour ses richesses connues grâce au pèlerinage à La Mecque de l’empereur du Mali [12] Mansa Kanga Moussa au 13ème siècle et celui de l’empereur de Gao [13] au début du 16ème siècle.

Al-Mansour prépare soigneusement la conquête et en octobre 1590, sous le commandement de Djouder , un eunuque espagnol converti, il lance 10 000 hommes, accompagnés de chevaux, de chameaux et surtout de canons à l’assaut de l’Empire de Gao.

En organisant cette expédition contre le Songhaï [14], le sultan de Marrakech compte contrôler les salines de Teghazza [15], prendre possession des réserves d’or du Soudan, et peut-être éloigner de sa capitale les chefs trop influents de son armée de mercenaires, composée d’Andalous et de Renégats européens. Les Andalous ou Morisques [16] sont les descendants des Arabes et des Berbères qui ont participé à la conquête de l’Espagne au 8ème siècle, ou des Hispaniques islamisés à cette époque-là, et qui ont quitté la péninsule Ibérique après la chute du sultanat nasride grenadin en 1492. Les Renégats, de toutes nationalités [17], sont des captifs vendus au sultan par les pirates barbaresques ou encore des aventuriers. Tous se convertissent à l’islam.

L’Empire songhaï est alors à son apogée et s’étend du Sénégal jusqu’à l’Aïr [18] sous la dynastie des Askias [19].

Après deux mois de traversée du Sahara, l’armée marocaine atteint près de Tombouctou [20] le fleuve Niger [21] en avril 1591. Les Marocains et les Songhaï se rencontrent donc en bord du fleuve entre Tombouctou et Gao dans la bataille de Tondibi [22]. Le vainqueur Djouder reçoit une proposition de paix refusée immédiatement par le sultan qui exige directement de l’or. L’armée marocaine pille tout ce qu’elle trouve et l’envoie au Maroc. D’innombrables gouverneurs règnent sur ce qui est devenu le pachalik du Soudan marocain [23] et occupent toute la moyenne vallée du Niger au nom de Marrakech pendant 80 ans.

L’autorité religieuse du califat saadien est reconnue alors jusqu’au Tchad par le royaume du Kanem-Bornou [24]. La civilisation songhaï décline peu à peu et l’Afrique de l’Ouest en sera durement pénalisée. Au Maroc, certains oulémas [25] s’insurgent de voir Al-Mansur organiser une expédition contre une région déjà islamisée quand d’autres y voient la renaissance du califat universel.

Plusieurs fils de l’Askia reprennent le flambeau, mais un seul, l’ Askia Nouhou résiste en choisissant de s’exiler dans le Dendi [26] plus au sud. Sa descendance maintiendra la résistance et un semblant d’État pendant un demi-siècle.

Le contrôle du Maroc sur la boucle du Niger se fera de plus en plus lâche voire inexistant jusqu’à la chute de la dynastie saadienne [27] et son remplacement par la dynastie alaouite [28].

P.-S.

Source : Cet article est partiellement ou en totalité issu de l’article de Nabil Mouline, Le Califat imaginaire d’Ahmad al-Mansûr. Pouvoir et diplomatie au Maroc au XVIe siècle, Paris, PUF, coll. « Proche-Orient »,‎ 20 mai 2009

Notes

[1] dite Bataille des trois rois

[2] le Victorieux

[3] Le palais El Badi est un ensemble architectural construit à la fin du 16ème siècle et situé à Marrakech au Maroc. Ancien palais, il fut édifié par le sultan saadien Ahmed al-Mansur Dhahbî pour célébrer la victoire sur l’armée portugaise, en 1578, dans la bataille des Trois Rois. Aujourd’hui, il ne reste qu’une immense esplanade creusée de jardins, plantée d’orangers et entourée de hauts murs. En effet, en 1696, le sultan alaouite Moulay Ismaïl a pris ce qu’il y avait de plus riche dans ce palais pour construire la ville impériale de Meknès.

[4] La province d’Al Haouz est une subdivision à dominante rurale de la région marocaine de Marrakech-Safi. Son chef-lieu est Tahannaout.

[5] ministre de la plume

[6] le chambellan

[7] Le palais de Topkapı est un palais d’Istanbul, en Turquie. De 1465 à 1853, il est la résidence urbaine, principale et officielle, du sultan ottoman. Le palais est construit sur l’emplacement de l’acropole de l’antique Byzance. Il domine la Corne d’Or, le Bosphore et la mer de Marmara. Le nom de « Topkapı Sarayı » signifie littéralement « palais de la porte des canons », d’après le nom d’une porte voisine aujourd’hui disparue. Il s’étend sur 700 000 m² (70 ha), et est entouré de cinq kilomètres de remparts. La construction commence en 1459, sous le sultan Mehmed II, conquérant de la Constantinople byzantine. Par la suite, le palais impérial connaît de nombreux agrandissements : la construction du harem au cours du 16ème siècle, ou les modifications après le séisme de 1509 et l’incendie de 1665. Le palais est un complexe architectural composé de quatre cours principales et de nombreux bâtiments annexes. Au plus fort de son existence comme résidence impériale, il abritait plus de 4 000 personnes et s’étendait sur une zone encore plus vaste. Le palais de Topkapı perd progressivement de son importance à partir de la fin du 17ème siècle, lorsque les sultans lui préfèrent un nouveau palais, le long du Bosphore.

[8] Le terme « makhzen » désigne, dans le langage courant et familier au Maroc, un système de népotisme, d’enrichissement et de privilège reposant sur la proximité avec le pouvoir monarchique. Avant le protectorat français, le Makhzen était l’appellation du gouvernement du sultan du Maroc et reposait exclusivement sur les grandes familles fassies. Depuis l’indépendance retrouvée et la construction de l’État marocain avec des institutions modernes (parlement, cour des comptes, justice), l’institution traditionnelle du makhzen a théoriquement cessé d’exister. Elle continue cependant de se maintenir de façon informelle.

[9] Fès, est une ville du Maroc central, située à 180 km à l’est de Rabat, entre le massif du Rif et le Moyen Atlas. Elle est la deuxième ville la plus peuplée du Maroc après Casablanca, et a été à plusieurs époques la capitale du pays. Sa fondation remonte à la fin du 8ème siècle, sous le règne de Moulay Idriss 1er.

[10] surtout renégats et andalous

[11] l’or et l’argent d’Amérique affluent en Espagne

[12] L’Empire du Mali est un État africain médiéval. Fondé au 13ème siècle par Soundiata Keita, il connut son apogée au 14ème siècle. Il serait à l’origine de la charte du Manden. La capitale de l’empire du Mali était Niani, actuellement un petit village situé en République de Guinée, plus précisément dans la préfecture de Siguiri dans l’extrême Nord-Est du pays.

[13] Gao est une ville et une commune du Mali, chef-lieu du cercle et de la région de Gao, située sur le fleuve Niger. Au 10ème siècle, la ville devient la capitale politique des Songhaï qui ont fondé l’empire de Gao, en lieu et place de Koukia, située plus en aval du fleuve, mais qui restera jusqu’au 16ème siècle la capitale spirituelle et religieuse des différentes constructions politiques songhaï (empire de Gao, empire songhaï des Sy et des Askias). Gao, excentrée par rapport aux grands axes du commerce caravanier transsaharien, garde un héritage animiste antéislamique plus fort que ses consœurs Djenné, Oualata et Tombouctou. L’empire du Mali a ensuite conquis Gao en 1325, tout en laissant s’appliquer les lois songhaï. Gao est ensuite en 1464 devenue le centre d’un empire, l’empire songhaï, sous l’action de Sonni Ali Ber. La ville de Gao est une capitale prospère de 70 000 personnes. L’invasion marocaine de 1591 a largement détruit la ville, qui est restée de taille relativement moyenne jusqu’à la période de colonisation française aux 19ème siècle et 20ème siècle.

[14] L’Empire songhaï, ou empire des Songhaï, est un État d’Afrique de l’Ouest ayant existé entre le 15ème et le 16ème siècle. L’Empire songhaï est initialement un petit royaume étendu le long du fleuve Niger. Au 7ème siècle, c’est le royaume de Gao, devenant par la suite vassal des empires du Ghana et du Mali. Il devient un empire durant le 15ème siècle. À son apogée l’Empire songhaï s’étend sur une partie du Niger, le Mali et une partie du Nigeria actuels.

[15] Teghazza est une ancienne ville de l’extrême nord du Mali, réputée au Moyen Âge pour ses salines. Elle se situait sur l’Azalaï, la route du sel, qui reliait par caravane chamelière Tombouctou à Taoudeni. Elle fait une partie de la prospérité de l’Empire songhaï de Tombouctou et de Gao. En 1584-1585, les Marocains de la dynastie des Saadiens enlèvent Teghazza à la dynastie des Askia de l’Empire songhaï finissant, qui transfèrent l’extraction du sel à Taoudeni, plus au sud. Le site de Teghazza est abandonné par la suite.

[16] Le terme « morisque » (de l’espagnol morisco) désigne les musulmans d’Espagne qui se sont convertis au catholicisme entre 1499 (campagne de conversions massives à Grenade) et 1526 (à la suite du décret d’expulsion des musulmans de la couronne d’Aragon). Il désigne également les descendants de ces convertis

[17] Italiens, Grecs, Arméniens, Français, Anglais, Espagnols

[18] les Touaregs paient alors tribut

[19] La dynastie des Askia a dirigé l’Empire songhaï à partir de 1493, lorsque Mamadou (Mohammed) Touré renverse le fils de Sonni Ali Ber (Ali le Grand) et prend le nom d’Askia Mohammed. La dynastie des Askia, originaire du Tekrour, donne à l’Empire songhaï le nom d’empire du Tekrour et désigne le vieux Songhaï par le nom de Dendi. Askia Mohammed a fait construire en 1495 à Gao, capitale de l’Empire songhaï, le tombeau des Askia

[20] Tombouctou est une commune du Mali, située sur le fleuve Niger et chef-lieu du cercle de Tombouctou et de la région de Tombouctou. Au 15ème siècle, la construction de la mosquée de Sankoré (qui comprend une medersa et est aux dimensions de la Kaaba) est à l’origine d’une université islamique d’une très grande renommée dans toute l’Afrique de l’ouest. Jusqu’à 25 000 étudiants fréquentent la ville sous le régime de Sonni Ali Ber (Sonni Ali le Grand). Tombouctou est prise par Sonni Ali Ber, l’empereur songhaï, en 1458. La ville construit sa prospérité sur les échanges commerciaux, dont l’esclavage, entre la zone soudanaise du Sahel africain et le Maghreb. Elle connaît son apogée au 16ème siècle, jusqu’à la chute en 1590 de l’Empire songhaï. La ville passe alors sous domination saadienne de Marrakech c’est le Pachalik de Tombouctou. En octobre 1591, se produit un soulèvement de la population, dont les plus illustres savants (incluant Ahmed Baba) sont exilés à Marrakech. Sa richesse décline lorsque les Européens ouvrent la voie maritime pour le commerce entre l’Afrique du Nord et l’Afrique noire. Le déclin de la ville commence au 17ème siècle avec l’instabilité politique et l’apparition de la traite négrière qui rapprochait cette activité des côtes. Le contrôle de Tombouctou par les Saadiens est effectif jusqu’en 1660

[21] Le Niger est un fleuve d’Afrique occidentale, le troisième du continent par sa longueur après le Nil et le Congo. Il prend sa source en Sierra Leone à 800 m d’altitude au pied des Monts Loma pour, après une grande boucle aux confins du Sahara, se jeter dans l’océan Atlantique, au Nigéria. Son cours traverse ou borde six États (la Sierra Leone, la Guinée, le Mali, le Niger, le Bénin et le Nigéria), parmi lesquels deux tirent leur nom directement du fleuve (le Niger et le Nigéria).

[22] La bataille de Tondibi (Mali) a lieu le 13 mars 1591. C’est une bataille capitale dans l’Histoire de l’Afrique de l’Ouest précoloniale. Elle oppose les armées de l’Empire songhaï des Askias, dont la capitale est Gao., commandées par l’askia Ishaq II et un corps expéditionnaire commandé par Djouder Pacha envoyé par le sultan saadien du Maroc Ahmed IV el-Mansour. L’artillerie marocaine concourt de manière décisive à la défaite des armées songhaïs, même si les dissensions internes de l’Empire songhaï à la fin du 16ème siècle permettent de comprendre comment une simple défaite se transforme en effondrement d’une civilisation. La défaite des armées songhaïs marque également la fin des grands empires multi-ethniques en Afrique de l’Ouest, entraîne l’atomisation politique du Soudan mais marque aussi le début de l’enracinement de l’Islam dans les couches rurales et populaires du bassin du fleuve Niger.

[23] Le pachalik de Tombouctou ou pachalik du Soudan est le territoire situé autour des villes de Tombouctou et de Gao, au Mali, qui devint une province marocaine après son annexion en 1591 et qui demeura gouverné par les Marocains jusqu’au début du 19ème siècle.

[24] Le royaume du Kanem est fondé vers le 8ème siècle par la dynastie Teda, population noire chamelière, originellement établie au Nord du Tchad. Sa capitale fut la ville de Njimi.

[25] Un ouléma ou uléma est un théologien, généralement sunnite, de l’islam. Il n’est pas l’équivalent d’islamologue. Dans le monde chiite, on parle plutôt de mollah.

[26] Le royaume de Dendi (1591-1901) était un État d’Afrique de l’Ouest, situé sur le territoire de l’actuel Niger, fondé par les Songhaï après la chute de leur empire. Il fut conquis par la France en 1901.

[27] Les Saadiens ou Zaydanides elle est l’une des 6 dynasties (Idrissides, Almoravides, Almohades, Mérinides, Alaouite) qui ont régné sur le Maroc et dont la capitale est Marrakech entre 1549 et 1660. Princes de Tagmadert à partir de 1509, ils gouvernent à partir de 1511 une principauté s’étendant sur le Souss, le Tafilalet et la vallée du Drâa.

[28] La dynastie alaouite (« descendant d’Ali » gendre du prophète musulman Mahomet) est une dynastie qui règne sur le Maroc depuis la seconde moitié du 17ème siècle. Venus de Syrie ils s’installent à Tafilalet, les Alaouites deviennent sultans du Maroc à la suite d’une période d’instabilité ayant suivi le décès du dernier sultan de la dynastie des Saadiens en 1659 et durant laquelle le pays est morcelé en plusieurs états indépendants, l’autorité centrale échouant aux mains des Dilaïtes. Rachid ben cherif, troisième prince alaouite du Tafilalet, réunifie le pays entre 1664 et 1669 et réinstaure un pouvoir central, marquant ainsi le début de la dynastie alaouite du Maroc, qui est toujours à la tête du royaume de nos jours.