Il succède à son frère Abû al-Abbâs as-Saffah . Considéré comme le véritable fondateur du Califat abbasside, Al-Mansur est né à al-Humaymah. Son père était Muhammad, petit-fils de Abbas et sa mère berbère. Bien qu’ayant été désigné par son frère Abû al-`Abbâs comme son successeur, Abû Ja`far al-Mansûr fut contesté par certains de ceux qui avaient mis son frère au pouvoir. Abû Muslim aida Al-Mansûr à se défaire de ses adversaires.
Après la prise de pouvoir en Espagne par Abd al-Rahman, rescapé du massacre des Omeyyades par les Abbassides, Al-Mansûr décida d’envoyer une ambassade auprès du roi des Francs, Pépin le Bref, qui resta plusieurs années en Gaule avant de revenir. La demande d’attaquer Abd ar-Rahman n’ayant pas été reçue, ils auraient obtenu que le roi des Francs s’oppose à une action directe des Omeyyades contre les Abbassides.
Al-Mansûr, soucieux de la solidité de l’empire et sans doute jaloux des succès d’Abû Muslim, fit assassiner celui qui avait pourtant été à la source de la victoire abbasside sur les Omeyyades. Al-Mansûr avait nommé ce dernier gouverneur de l’Égypte, un moyen de l’éloigner de ses partisans du Khorasan [1], et avait nommé l’un des principaux lieutenants de Abû Muslim dans cette province, une façon de lui faire payer sa trahison. Abû Muslim refusa sa nomination, mais à cause de la trahison des siens il ne pouvait plus combattre et se résolut à aller à la rencontre d’Al-Mansûr. Le calife fit mine de vouloir l’honorer en le recevant avec faste. Au cours d’une dernière rencontre, Al-Mansûr fit tuer à coups de sabre Abû Muslim en sa présence, l’appelant à cette occasion “Abû Mujrim”.
Après la mort d’Abû Muslim, un de ses amis habitant Nichapur [2] voulu le venger en envahissant l’Irak. Arrivée à Ray [3], cette armée fut défaite par l’armée abbasside.
Al-Mansûr pensait que le pouvoir des Abbassides ne devait pas être contesté. En cumulant les fonctions religieuse et royale, il reproduisait le schéma du pouvoir omeyyade s’aliénant ainsi les chiites qui avaient pourtant été les instruments de la prise de pouvoir par Abû al-Abbâs et réclamaient le califat pour leurs imams.
En 758, Al-Mansûr dut faire face à une révolte kharijite [4] dans la région de Bassora [5]. Employant de nouveau le même stratagème de la fausse réception de réconciliation, il put isoler ses adversaires et les faire exécuter.
Al-Mansûr surnomma « al-Mahdî » son fils Muhammad et l’envoya lutter contre les opposants chiites dans le Khorasan. Il avait réussi à arrêter l’imam Ali Zayn al-Âbidîn , en 758 lors de son pèlerinage à La Mecque, mais depuis il recherchait vainement les deux fils d’Abd Allah ben al-Hasan : Muhammad et Ibrâhîm. Le second avait pris surnom de Hadî et Muhammad celui de Mahdî. Ainsi le fils de l’imam était-il « Muhammad al-Mahdî de la famille de Alî », et le fils de Al-Mansûr « Muhammad al-Mahdî de la famille du prophète ».
Pour plus de sécurité les deux fils d’Abd Allah ben al-Hasan, Muhammad et Ibrâhîm se séparèrent. Ibrâhîm s’est réfugié à Bassora. Muhammad continua à parcourir le Hedjaz [6] et son fils Alî partit pour l’Égypte. Al-Mansûr fit arrêter Alî et son grand-père Abd Allah ainsi que d’autres membres de la famille vers 761. Un an après, Alî et Abd Allah furent mis à mort
En 762, Muhammad fit savoir à Ibrâhîm qu’il allait brandir l’étendard de la révolte contre Al-Mansûr. Ibrâhîm tomba malade ce qui l’empêcha de rejoindre son frère à La Mecque. Muhammad fit prisonnier le gouverneur de Médine [7]. Pendant ce temps Al-Mansûr était dans les environs de Bagdad qu’il commençait à faire construire. Apprenant la capture du gouverneur de Médine, Al-Mansûr alla à Koufa [8] ; De là il y eut un échange de lettres. Le 4 décembre 762, Les armées du calife arrivèrent à Médine. La petite troupe de Muhammad ne put résister et Muhammad fut tué d’un coup de sabre. Sa tête fut envoyée à Al-Mansûr.
Ibrâhîm qui était à Bassora, recrutait des troupes pour soutenir son frère. Le gouverneur de Bassora cherchait à l’arrêter ainsi que ses partisans, aussi Ibrâhîm quitta Bassora. Il se rendit vers Ahvaz [9] au Khuzestân [10]. Al-Mansûr envoya une armée venant de Syrie qui fut battue par les troupes d’Ibrâhîm. Il y avait aussi des insurgés à Koufa et à Mossoul [11]. Ces derniers voulaient rejoindre Bassora au moyen de bateaux sur le Tigre. Ce projet fut déjoué par les soldats d’Al-Mansûr qui détruisirent la flotte et tuèrent les partisans d’Ibrâhîm. Al-Mansûr était très inquiet, il ne prenait plus part aux plaisirs de la cour et du harem.
Une bataille eut lieu aux environs de Koufa. Ce fut une victoire pour les troupes d’Ibrâhîm. À midi, l’armée d’Al-Mansûr ne comptait plus que 500 des 18 000 combattants du départ. Une armée de renfort envoyée de Bassora prit les troupes d’Ibrâhîm à revers. Les fuyards du premier combat furent arrêtés par un canal qu’ils ne pouvaient franchir, ainsi Ibrâhîm se trouva encerclé et fut tué par une flèche. On lui trancha la tête.
Al-Mansûr était à ce moment-là à Koufa et s’apprêtait à partir vers Ray pour s’y réfugier car il venait d’apprendre la déroute subie par ses armées dans la matinée. C’est alors qu’on lui apporta la tête d’Ibrâhîm placée sur un bouclier. Alors Al-mansûr changea de vêtements et reprit ses plaisirs
Pour arrêter les fils de Alî Zayn al-Âbidîn, le calife fera plusieurs campagnes au Khorasan et à Médine, toujours vainement.
Le gouverneur du Khorasan était peu sûr. Prétextant du besoin de combattre les Turcs aux frontières, Al-Mansûr fit une campagne au Khorasan en se débarrassant de son gouverneur. Dans le même temps le Tabaristan [12] se rebellait, il fut conquis en 760.
Il eut aussi à combattre son neveu Isâ qui prétendait à la succession malgré son grand âge. Al-Mansûr demanda conseil à Khâlid de la famille barmécide [13]. Il le chargea d’interroger Isâ sur ses intentions avec trois autres hommes de confiance. Malgré la réponse négative de Isâ, ils dirent à Al-Mansûr que celui-ci était prêt à renoncer publiquement à ses droits. Quand Isâ vint voir Al-Mansûr, il nia avoir accepté de renoncer ; ce fut l’occasion de l’accuser de parjure. Isâ, discrédité, renonça finalement à son droit de succession et Al-Mahdî devint le successeur désigné vers 765.
La tolérance des Abbassides envers les populations non arabes permit l’expression des arts. En Perse, un mouvement contre la prééminence arabe se développa, “la chu`ûbîya” proclamant la supériorité de la culture persane sur la culture arabe.
Beaucoup de non arabes se convertissaient à l’islam, bien que le califat ne l’encourageât pas car c’était une perte de recettes fiscales : les musulmans ne payaient pas l’impôt personnel [14] auquel étaient soumis les dhimmis [15]. Au cours du règne de Al-Mansûr la proportion de musulmans dans la population doubla presque, passant de 8 % à 15 %.
Il construisit Bagdad et en fit sa capitale. Il fut le premier souverain arabe à s’intéresser aux sciences.