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Des scientifiques bien en cour

samedi 27 juillet 2013, par lucien jallamion

Des scientifiques bien en cour

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Laboratoire d’Antoine Lavoisier au Musée des arts et métiers.

C’est sous Louis XVI que naît la chimie moderne et que se développe la méthode expérimentale, grâce à des savants français tels que Berthollet et Lavoisier.

En 1774, Diderot et d’Alembert viennent de publier l’ Encyclopédie et Priestley de découvrir l’oxygène, mais la chimie en est encore réduite, comme sous Aristote, à la théorie des quatre éléments. La terre, l’eau, l’air et le feu. Lavoisier va tout changer.

Fermier général, Lavoisier doit son esprit de précision et sa rigueur à sa formation de juriste et de financier : chaque fois qu’il fait des expériences sur l’eau, l’air, la chaleur ou la respiration, il traite les bilans d’échange de gaz comme des bilans comptables. Chargé également de la régie des Poudres et Salpêtres, il bénéficie d’une résidence de fonction à l’Arsenal de Paris, où il fait aménager dans les combles un laboratoire unique pour l’époque. Outre les pompes, ballons, thermomètres, cornues, alambics et fourneaux, il commande à d’habiles artisans des balances de grande précision, deux gazomètres et deux calorimètres, visibles de nos jours au musée des Arts et Métiers.

Sa femme l’aide dans ses recherches, tient à jour ses registres et dessine les planches illustrées de ses ouvrages. Une fois par semaine, elle organise des réunions savantes, où sont conviés quelques amis éclairés, Monge, Laplace, Fourcroy, Guyton de Morveau et Berthollet. Cette école de pensée communie dans la recherche des réactions chimiques et de leurs causes et remplace la foi en Dieu par la croyance au progrès. Lavoisier a pourtant du mal à persuader ses amis que le feu, au lieu d’être une substance élémentaire le prétendu phlogistique n’est que l’effet de la combustion de substances inflammables en présence de l’air vital, l’oxygène.

Or, en juin 1783, deux hommes réussissent à lancer un ballon dans les airs et à l’y maintenir quelque temps. Les frères Joseph et Etienne Montgolfier ont gonflé à l’air chaud une sphère en papier d’emballage et l’ont lâchée au-dessus de la petite ville d’Annonay. Deux mois plus tard, un concurrent, Charles, réédite l’exploit avec un ballon gonflé cette fois à l’air inflammable, l’hydrogène, beaucoup plus léger que l’air. Les Montgolfier réagissent en renouvelant leur expérience en présence du roi et ajoutent une attraction inédite, un panier où ils placent un coq, un canard, et un mouton. En voyant les animaux redescendre sains et saufs, on comprend que le rêve d’Icare est enfin à la portée de l’homme. En novembre, deux gentilshommes, Pilâtre de Rozier et le marquis d’Arlandes, réalisent la première ascension humaine devant des milliers de personnes.

Dix jours plus tard, Charles s’envole à son tour des Tuileries. Une querelle s’élève alors entre partisans des charlières et ceux des montgolfières, si bien que Louis XVI charge l’Académie des sciences de les départager. Huit académiciens sont consultés, dont Berthollet et Lavoisier. Ce dernier donne la priorité à la recherche d’un moyen fiable et économique de produire l’hydrogène de la charlière. Apprenant qu’en mélangeant en vase clos air inflammable et air vital (hydrogène et oxygène), un chimiste anglais, Cavendish, a obtenu de l’eau, Lavoisier fait une double expérience, d’abord de décomposition, puis de recomposition de l’eau. Preuve éclatante que l’eau n’est pas un corps simple, comme on l’a toujours cru, mais un composé d’oxygène et d’hydrogène. Ainsi une invention de portée limitée, l’aérostation, débouche-t-elle sur une découverte moins spectaculaire, mais fondamentale, celle de la composition de l’eau.

Médecin, Berthollet devient, en 1784, directeur des teintures aux Gobelins.

Aussitôt, il s’intéresse aux fibres de lin et de coton, qui prennent après la récolte une couleur brune particulièrement tenace qui ne disparaît qu’après plusieurs mois de lessive et d’exposition à l’air et au soleil. Devinant que, sous l’action du rayonnement solaire, l’oxygène de l’air se combine lentement aux matières sales et les détache du linge, Berthollet recherche un moyen d’imiter la nature en fixant plus rapidement l’oxygène sur les matières organiques. En mélangeant l’oxyde de manganèse au sel marin et à une solution d’acide sulfurique, il obtient du chlore. Après l’avoir dissous dans l’eau, il remarque que cette nouvelle solution a le même pouvoir décolorant que le gaz. Intrigué, il montre ses éprouvettes à Alban et Vallet, qui viennent d’établir à Javel une manufacture de soude, de savon et d’acide sulfurique. C’est un endroit champêtre, à une lieue de Paris, en bord de Seine, près des pêcheurs, des baigneurs et des lavandières. Les deux directeurs ajoutent du carbonate de potassium à l’eau chlorée afin de dissiper son odeur âcre.

Berthollet alterne bains d’eau chlorée et bains bouillants de soude caustique puis il savonne le tissu et le rince dans une solution d’acide sulfurique. Ce procédé permet de blanchir le lin et le chanvre quatre fois plus vite et le coton onze fois plus vite qu’avec la méthode traditionnelle. On obtient un blanc plus beau et, en utilisant moins de lessive, on épargne ainsi les étoffes. Les directeurs de la manufacture de Javel sont ravis et préfèrent baptiser cette eau chlorée du nom bucolique d’eau de Javel.

Newcomen et Watt ont considérablement perfectionné la machine à vapeur de Denis Papin, mais elle ne sert encore qu’à pomper l’eau dans les mines de sel et de charbon. On l’appelle d’ailleurs la pompe à feu. Un jeune officier, Jouffroy d’Abbans, a l’idée de l’appliquer à un bateau.

Malheureusement, les cylindres du moteur, mal usinés, laissent échapper la vapeur, et la mécanique transmet mal le mouvement aux volets à charnières qu’il a montés en guise de rames. Après avoir dilapidé le plus clair de sa fortune en essais infructueux sur le Doubs, Jouffroy défie une dernière fois la chance. Il fait alors connaissance d’un Lyonnais expert dans le travail du cuivre. Ce Frerejean s’est acquis une réputation en doublant avec ce métal la carène des vaisseaux de guerre pour empêcher le taret, le capricorne des mers, d’y creuser des galeries dévastatrices. Non seulement il usine à la perfection chacun des cinq cylindres du moteur de Jouffroy, mais il remplace les volets mobiles par des roues à aubes et surtout il munit le bateau d’une transmission à double crémaillère qu’il emprunte à un dessin de Léonard de Vinci.

Le 15 juillet 1780, des milliers de Lyonnais se massent le long de la Saône, à hauteur du palais de l’Archevêché. Le bateau, qu’il appelle « pyroscaphe », est à quai, brillant de tous ses cuivres, décoré de drapeaux et de guirlandes de feuillage. Quatre hommes montent à bord, puis Jouffroy prend place sur le pont. Dans sa poche, il glisse un pistolet. “Si j’échoue, murmure-t-il, je serai ruiné et déconsidéré. Il ne me restera plus qu’à me brûler la cervelle.” Un dernier coup de sifflet annonce le départ. Aussitôt, un frémissement secoue le bateau. Les roues tournent quelques secondes, paraissent hésiter et s’arrêtent, pour la plus grande joie des incrédules. Soudain la cheminée lâche un panache de fumée, les roues repartent doucement, puis battent l’eau avec force et rapidité. Le bateau remonte gaillardement la Saône, s’éloigne du quai de Vaise et gagne l’île Barbe en un quart d’heure, laissant loin derrière lui les rameurs qui s’étaient promis de donner une leçon au téméraire qui oserait marier l’eau avec le feu.

P.-S.

Source : Monique Hermite Historia mensuel - 01/01/2006 - N° 709, Hérodote, Dictionnaire le Petit mourre, encyclopédie Imago Mundi, Wikipédia, Louis XV de François Bluche....