Jawhar al-Siqilli dit Jawhar le Sicilien (911-992)
Général fatimide d’origine sicilienne
Au service du calife [1] fatimide [2] Al-Muizz li-Dîn Allah , il étend à son maximum les frontières de l’Empire fatimide, en conquérant le Maghreb oriental, l’Égypte et la Syrie [3]. Il fonda aussi la ville de al-Qahirah [4] et la grande mosquée al-Azhar( [5]).
On ne connaît pas ses ancêtres à l’exception du nom de son père Abdullah. La raison en est que Jawhar était lié à un groupe de Mawâli [6] siciliens qui avaient été portés en esclavage de l’Émirat de Sicile à la ville tunisienne de Kairouan [7], qui à cette époque était la capitale du califat fatimide en Afrique du Nord-Ouest. Ses ancêtres étaient des chrétiens byzantins [8].
En 953, Jawhar est libéré par l’émir al-Mu’izz, qui cette année succéda à son prédécesseur Al-Mansur , et bientôt il prit de l’importance. Il est nommé secrétaire d’al-Mu’izz.
Jawhar à la tête de l’armée Fatimide composée par les tribus Berbères Maghraouas [9] et Kutama [10] prit M’Sila [11]. Il essaya de pénétrer au Maghreb al-Aqsa [12]. Sur son chemin, il rencontre Yala Ibn Mohamed , chef des Banou Ifren [13], pour négocier.
Yala Ibn Mohamed se met au côté des Fatimides. Mais après, Jawhar ordonne à ses soldats de tuer Yala Ibn Mohamed. Les Banou Ifren ripostent contre cette décision. Par la suite, la guerre éclate entre les Banou Ifren et les Fatimides.
En 959 il est nommé Vizir et commandant en chef de l’armée. La même année, il entreprend, et réussit la conquête de nombreux territoires au Maghreb. Il résida et gouverna le pays pendant des années.
Après une longue convalescence, de février 969, Jawhar, qui était désormais considéré comme irremplaçable par l’émir al-Mu’izz est chargé de conquérir l’Égypte. Un peu plus tard il prendra la ville d’Alexandrie [14] sans grands problèmes, et il se dirige vers la ville de Fostat [15] qui immédiatement donne sa reddition.
Tout de suite après la victoire, il devient gouverneur d’Égypte et il se distingue en évitant que ses soldats se livrent au pillage et à la prise de butins de guerre, en leur donnant de grandes récompenses et des honneurs. Son gouvernement sera tolérant, bénévole et positif.
Le même jour de la conquête, le 6 juillet 969, Jawhar trace le dessin de la nouvelle ville et procède à la fondation, sur 136 hectares, d’al-Qahirah [16] et à la construction du son château [17].
En 970, il commence la construction de la mosquée et université théologique al-Azhar de la nouvelle ville, centre de la propagande chiite [18] sur l’Égypte. Elle fut inaugurée 2 ans plus tard.
Les contingents de l’armée, d’origine Berbère, furent installés par cantonnements, qui devinrent rapidement des quartiers. Jawhar fit aussi construire un palais [19] pour accueillir le calife. Le 22 juin 972 la mosquée fut consacrée et ouverte au culte et le 10 juin 973, tout était prêt pour accueillir le calife Al-Muizz li-Dîn Allah, qui y transféra sa capitale.
Dans l’année 970 il avait envoyé ses hommes à la conquête de la Syrie avec succès. Mais la situation avait changé quand les Qarmates [20] intervinrent au côté des Syriens. En 972 les Syriens et les forces Qarmates attaquèrent l’Égypte, mais Jawhar en prenant le commandement de ses hommes réussit à les vaincre. De cette façon la Syrie fut reprise de manière stable.
Il mourut au Caire le 28 janvier 992 à plus de 80 ans.
Notes
[1] Le terme calife, est une romanisation de l’arabe khalîfa, littéralement « successeur » (sous-entendu du prophète), titre porté par les successeurs de Mahomet après sa mort en 632 et, pour les sunnites, jusqu’à l’abolition de cette fonction par Mustafa Kemal Atatürk en 1924. Les ibadites ne reconnaissent plus aucun calife depuis 657. L’autorité d’un calife s’étend sur un califat. Il porte aussi le titre de commandeur des croyants, titre aboli chez les chiites après la mort d’Ali. Les critères de choix sont différents entre les chiites et les sunnites mais le porteur du titre a pour rôle de garder l’unité de l’islam et tout musulman lui doit obéissance : c’est le dirigeant de l’oumma, la communauté des musulmans.
[2] Les Fatimides (également appelés Obeydides ou Banu Ubayd depuis le manifeste de Bagdad ont formé une dynastie califale arabe chiite ismaélienne d’ascendance alide qui régna, depuis l’Ifriqiya (entre 909 et 969) puis depuis l’Égypte (entre 969 et 1171), sur un empire qui englobait une grande partie de l’Afrique du Nord, la Sicile et une partie du Moyen-Orient. Issus de la branche religieuse chiite des ismaéliens pour laquelle le calife doit être choisi parmi les descendants d’Ali, cousin et gendre du prophète de l’islam Mahomet, les Fatimides considèrent les Abbassides sunnites comme des usurpateurs de ce titre. L’établissement de leur califat débute au Maghreb, grâce à l’appui des Berbères Kutama, grande tribu qui était établie à l’est de l’actuelle Algérie qui vont renverser le pouvoir local aghlabide. Après un intermède en Ifriqiya, ils finiront par s’établir dans la ville du Caire qui pendant leur règne prendra un essor considérable.
[3] La Syrie fut occupée successivement par les Cananéens, les Phéniciens, les Hébreux, les Araméens, les Assyriens, les Babyloniens, les Perses, les Grecs, les Arméniens, les Romains, les Nabatéens, les Byzantins, les Arabes, et partiellement par les Croisés, par les Turcs Ottomans et enfin par les Français à qui la SDN confia un protectorat provisoire pour mettre en place, ainsi qu’au Liban, les conditions d’une future indépendance politique.
[4] Le Caire
[5] qui est la seconde plus vieille université du monde
[6] non-arabes
[7] Kairouan, dont le nom signifie étymologiquement « campement », est une ville du centre de la Tunisie et le chef-lieu du gouvernorat du même nom. Elle se situe à 150 kilomètres au sud-ouest de Tunis et cinquante kilomètres à l’ouest de Sousse. Elle est souvent considérée comme la quatrième ville sainte de l’islam. Jusqu’au 11ème siècle, la ville a été un important centre islamique de l’Afrique du Nord musulmane, l’Ifriqiya. Avec sa médina et ses marchés organisés par corporations à la mode orientale, ses mosquées et autres édifices religieux
[8] L’Empire byzantin ou Empire romain d’Orient désigne l’État apparu vers le 4ème siècle dans la partie orientale de l’Empire romain, au moment où celui-ci se divise progressivement en deux. L’Empire byzantin se caractérise par sa longévité. Il puise ses origines dans la fondation même de Rome, et la datation de ses débuts change selon les critères choisis par chaque historien. La fondation de Constantinople, sa capitale, par Constantin 1er en 330, autant que la division d’un Empire romain de plus en plus difficile à gouverner et qui devient définitive en 395, sont parfois citées. Quoi qu’il en soit, plus dynamique qu’un monde romain occidental brisé par les invasions barbares, l’Empire d’Orient s’affirme progressivement comme une construction politique originale. Indubitablement romain, cet Empire est aussi chrétien et de langue principalement grecque. À la frontière entre l’Orient et l’Occident, mêlant des éléments provenant directement de l’Antiquité avec des aspects innovants dans un Moyen Âge parfois décrit comme grec, il devient le siège d’une culture originale qui déborde bien au-delà de ses frontières, lesquelles sont constamment assaillies par des peuples nouveaux. Tenant d’un universalisme romain, il parvient à s’étendre sous Justinien (empereur de 527 à 565), retrouvant une partie des antiques frontières impériales, avant de connaître une profonde rétractation. C’est à partir du 7ème siècle que de profonds bouleversements frappent l’Empire byzantin. Contraint de s’adapter à un monde nouveau dans lequel son autorité universelle est contestée, il rénove ses structures et parvient, au terme d’une crise iconoclaste, à connaître une nouvelle vague d’expansion qui atteint son apogée sous Basile II (qui règne de 976 à 1025). Les guerres civiles autant que l’apparition de nouvelles menaces forcent l’Empire à se transformer à nouveau sous l’impulsion des Comnènes avant d’être disloqué par la quatrième croisade lorsque les croisés s’emparent de Constantinople en 1204. S’il renaît en 1261, c’est sous une forme affaiblie qui ne peut résister aux envahisseurs ottomans et à la concurrence économique des républiques italiennes (Gênes et Venise). La chute de Constantinople en 1453 marque sa fin.
[9] Les Maghraouas ou Imgharen sont une tribu berbère médiévale zénète originaire des Aurès au Maghreb central (Algérie). De nombreuses tribus zénètes du Maroc à la Libye sont issues des Maghraouas.
[10] Les Kutamas, ou Ketamas, sont une tribu berbère originaire de l’actuel Nord-Constantinois et la Petite Kabylie, en Algérie. Ils sont attestés historiquement dès le début du 2ème siècle par le géographe grec Ptolémée. Au 3ème siècle, ils sont classés dans la confédération des Bavares qui se soulève contre l’Empire romain. Ils sont principalement connus pour avoir été les fondateurs du califat fatimide (909-1171), qui renversa les Aghlabides qui contrôlaient alors l’Ifriqiya (actuelle Tunisie), et conquis ensuite l’actuelle Égypte et le sud du Levant en 969-975.
[11] M’Sila, est une commune algérienne de la wilaya de M’Sila, dont elle est le chef-lieu. Située au contact du Tell et du bassin du Hodna, la ville est fondée durant la période fatimide au 10ème siècle.
[12] partie occidentale du Maghreb
[13] Les Banou Ifren, Aït Ifren ou Beni Ifren sont un des trois groupes berbère zénètes. Selon Ibn Khaldoun, ils font partie des quatre « grandes familles » qui commandaient les Zénètes au moment de la conquête arabe. Au 8ème siècle, ils se mobilisent autour du dogme kharidjite pour se révolter contre le pouvoir arabe. Ils ont créé au 8ème siècle dans le Maghreb central, un royaume sufrite dont la capitale était Tlemcen. Ensuite, ils créent une dynastie au 10ème siècle, Yala Ibn Mohamed en fondant la ville de Ifghan (l’actuelle Frenda) s’est attribué une ascendance d’homme pieux de la tribu pour asseoir son pouvoir . Les Banou Ifren se sont alliés aux Omeyyades de Cordoue pour affronter les Fatimides. Après avoir menacé le califat fatimide, les Ifrenides sont battus par le ziride Bologhine ibn Ziri passent en Andalousie, où ils prennent les villes de Malaga, Jaén et Ronda en 955. Une partie plus nombreuse s’implante dans le Maghreb al-Aqsa et s’empare du Tadla d’où ils contribuent à la destruction des hérétiques berghouatas. Des princes des Beni Ifren fondent un royaume à Chala, (actuel Rabat) ; leur pouvoir s’étendant sur une partie du Tadla, au sud. Les Ifrenides de Tlemcen sont tous tués lors de la prise de la ville par les Almoravides. En 1039, les Banou Ifren forment dans la péninsule ibérique la Taïfa de Ronda.
[14] Alexandrie est une ville en Égypte. Elle fut fondée par Alexandre le Grand en -331 av. jc. Dans l’Antiquité, elle a été la capitale du pays, un grand centre de commerce (port d’Égypte) et un des plus grands foyers culturels hellénistiques de la mer Méditerranée centré sur la fameuse bibliothèque, qui fonda sa notoriété. La ville d’Alexandrie est située à l’ouest du delta du Nil, entre le lac Maréotis et l’île de Pharos. Cette dernière était rattachée à la création de la ville par l’Heptastade, sorte de digue servant aussi d’aqueduc, qui a permis non seulement l’extension de la ville mais aussi la création de deux ports maritimes.
[15] Fostat, aussi appelée Fustat ou al-Fustat fut la première capitale arabe de l’Égypte. La ville fut fondée par le général Amru ben al-As à la suite de la conquête de l’Égypte par les Arabes en 641. C’est là que la première mosquée du pays et de l’Afrique fut bâtie. La ville-camp de Fostat est fondée sur l’emplacement d’une ancienne forteresse byzantine, appelée Babylone. Fostat était aux temps des dynasties omeyyades (661-750) et abbassides (750-1050) un camp fortifié, misr. Misr al-Fustat ou Fustat-Misr Elle connut son apogée au 12ème siècle. La ville était le centre du pouvoir administratif de l’Égypte jusqu’en 1168, lorsqu’elle fut incendiée par son propre vizir, Shawar, qui voulait empêcher les croisés de piller ses richesses. Ce qui subsistait de la ville fut alors incorporé au Caire voisin.
[16] la moderne ville du Caire
[17] Qasaral
[18] Le chiisme constitue l’une des deux principales branches de l’islam, l’autre étant le sunnisme. Il regroupe environ 10 à 15 % des musulmans, dont 90 % de la population iranienne]. Il pensait que les Perses étaient favorables aux Hachémites[[La dynastie des Hachémites désigne les descendants de Hachim ibn Abd Manaf, de la tribu des Quraychites. Les Hachémites ont longtemps été les gardiens de la ville sainte de La Mecque, ils sont aujourd’hui la famille royale régnant en Jordanie, et ont régné sur le Royaume d’Irak jusqu’à la révolution républicaine de 1958.
[19] le palais de l’Est
[20] Les Qarmates sont un courant dissident du chiisme ismaélien refusant de reconnaître le fatimide Ubayd Allah al-Mahdî comme imam, actifs surtout au 10ème siècle en Irak, Syrie, Palestine et dans la région de Bahreïn où ils fondèrent un état aux prétentions égalitaires mais néanmoins esclavagiste, qui contrôla pendant un siècle la côte d’Oman. Il y eut des Qarmates dans toutes les régions atteintes par les missions ismaélites : Yémen, Sind, Khorasan, Transoxiane. Ils entreprirent contre les Abbassides, puis contre les Fatimides, des excursions militaires (dont le sac de la Mecque et Médine en 930) qui leur valurent une réputation de guerriers cruels et sanguinaires.