C’est le 14 décembre 1215 que le pape Innocent III ouvre le quatrième concile du Latran Ce concile marque l’apogée de la chrétienté médiévale et de la papauté après l’effort de renouveau inauguré par Grégoire VII 150 ans plus tôt.
Il constitue l’apothéose d’Innocent III. Systématisant l’idée répandue depuis Grégoire VII, il affirme en une synthèse solidement charpentée la suprématie du pouvoir spirituel sur le temporel et le droit du pape d’intervenir dans la vie intérieure des États pour y faire respecter la loi divine. Il s’efforcera sans trêve d’imposer cette théocratie au monde chrétien. Ce concile prononcera la déchéance de Raymond VI dont les domaines sont attribués à Simon de Montfort, nouveau comte de Toulouse.
Révolution des mœurs
Le concile de Latran IV réglemente la confession. Il établit l’obligation de se confesser et de communier au moins une fois l’an, à Pâques. La religion catholique confirme ainsi son emprise sur les populations d’Europe occidentale. Il introduit la publication des bans à l’occasion des mariages. Il n’est désormais plus possible de convoler dans la clandestinité. Cette mesure est destinée à lutter contre les unions consanguines, entre cousins et parents proches, que l’église et le corps social tiennent en horreur, ces unions débouchant sur une dégénérescence génétique et, dans le meilleur des cas, sur un repli communautaire.
Les évêques conciliaires accomplissent un acte révolutionnaire en n’autorisant que les mariages pour lesquels les 2 conjoints, l’homme et la femme, auront publiquement exprimé leur consentement. Ainsi, pour la première fois dans l’Histoire de l’humanité, la société accorde aux femmes le droit de disposer d’elles-mêmes. Les femmes ne sont plus des mineures, comme sous l’Antiquité ou des marchandises que le père cède contre une dot, ainsi qu’il en va encore dans maintes sociétés. Bien entendu, il faudra beaucoup de temps avant que les femmes puissent pleinement choisir et accepter leur conjoint. Elles seront longtemps encore soumises à la pression de leur entourage mais, avec l’appui de l’église, leur liberté progressera régulièrement. L’Église médiévale, assidue à limiter la brutalité des guerriers, a aussi à cœur de freiner la brutalité des maris. C’est ainsi qu’elle réglemente à tour de bras les pratiques sexuelles et condamne tout ce qui pourrait ressembler à un viol conjugal.
L’époque du concile coïncide aussi avec la construction des plus belles cathédrales gothiques comme celle de Chartre de 1260 -1294.
Les sculpteurs et les peintres commencent à exalter la beauté du corps féminin, qui revêt au choix l’apparence de la vierge Marie ou d’Ève, la première femme. Dans les églises se répand le culte de Marie tandis que dans les cours seigneuriales ou royales, les troubadours et les poètes chantent l’amour érotique. Les femmes de haut lignage prennent part à l’art poétique et participent à l’exercice du pouvoir, à l’égal de leur mari ou en remplacement de celui-ci. Les exemples les plus connus sont ceux d’Aliénor d’Aquitaine et de son arrière-petite-fille Blanche de Castille, mère de saint Louis et régente du royaume de France.
Le concile de Latran IV ne s’en tient hélas pas au droit du mariage et au statut de la femme, il impose aussi aux Juifs et aux musulmans le port d’un insigne distinctif. Il condamne enfin les doctrines vaudoise et cathare qui sanctifient la pauvreté et le renoncement aux valeurs matérielles. Mais ces valeurs évangéliques retrouveront toutefois leur place dans l’église officielle grâce aux Ordres mendiants de Saint François d’Assise et de Saint Dominique de Guzman qui s’épanouissent à cette époque.
Une église triomphante
Dès son élection à la papauté, le 8 janvier 1198, à l’âge de 37 ans, Innocent III a entrepris de soumettre les rois à sa volonté en revendiquant la primauté de l’église sur la société séculière. Il excommunie l’empereur d’Allemagne Othon IV de Brunswick et fait élire à sa place Frédéric II de Hohenstaufen. Il excommunie également Jean sans Terre, roi d’Angleterre, en conflit avec l’archevêque de Canterbury. Il encourage enfin le roi de France, Philippe II Auguste, qui doit affronter l’empereur d’Allemagne Othon IV de Brunswick, les comtes de Flandre et de Boulogne et l’ineffable Jean sans Terre. La victoire de Philippe Auguste à Bouvines consolide la monarchie capétienne et conduit Jean sans Terre à concéder la Grande Charte* aux barons anglais. Mais déjà, les nationalités s’affirment plus fortes que la chrétienté oecuménique.