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Agnès Sorel

mardi 16 avril 2024, par lucien jallamion (Date de rédaction antérieure : 7 octobre 2012).

Agnès Sorel (1422-1450)

Agnès Sorel

Née à Fromenteau en Touraine [1], fille de Jean Sorel, gentilhomme tourangeau, Agnès Sorel devient à 17 ans la dernière demoiselle d’honneur de la reine de Sicile Isabelle de Lorraine épouse du roi René 1er le Bon qui la rémunère 10 livres par an, même pas de quoi acheter un mauvais cheval.

Elle se réfugie à la cour de France avant même l’éviction définitive du roi René de Naples. Nouvelle, elle est cependant au premier rang et le roi Charles VII la remarque. Pierre de Brézé, le favori qui a noté le regard de son souverain, s’arrange pour lui présenter la petite nouvelle. Charles VII fait d’Agnès sa maîtresse, elle est nommée demoiselle d’honneur de la reine et vient vivre au château.

Très vite elle impose son art de vivre. En quelques mois elle devient la meilleure cliente du célèbre Jacques Coeur, marchand international et grand argentier du roi. Ses “queues” de robe atteignent 8 mètres de long, elle consomme des quantités astronomiques de tissus, toutes les femmes l’imitent.

Ce qu’elle dilapide en bas, elle le rattrape en haut, en inventant le décolleté épaules nues, si nues qu’un chroniqueur hypocrite mais pas aveugle déplore “cette ribaudise et dissolution”. En un an le roi lui offre 20 600 écus de bijoux dont le premier diamant taillé connu à ce jour, la fait châtelaine de Loches [2], dame de Beauté sur Marne [3] et comtesse de Penthièvre [4].

Intelligente, belle et féconde, Agnès Sorel donne 3 filles à Charles VII qu’il légitimera. Les moralistes Thomas Basin ou Juvénal des Ursins, la rendent responsable du “réveil” sensuel de Charles VII. Ils jugent sévèrement sa liberté de mœurs et l’accusent de faire de ce roi chaste un roi débauché entièrement livré à ses maîtresses.

Le dauphin, futur Louis XI, pendant quelques mois tente bien de faire des efforts lui offrant même des tapisseries prises au comte d’Armagnac, mais un jour, ne supportant plus que cette reine des cœurs prenne la place de sa propre mère, il laisse éclater sa rancœur et poursuit l’infortunée, l’épée à la main, dans les pièces de la maison royale. Pour sauver sa vie, elle doit se réfugier dans le lit du roi, ce que précisément le dauphin voulait éviter. Charles VII, courroucé par tant d’impertinence, chasse son fils de la Cour et l’envoie gouverner le Dauphiné [5].

Le roi doit réorganiser ses finances et sa belle le pousse à achever la conquête de son royaume en reprenant la Guyenne [6] et la Normandie [7] aux Anglais. Mais elle ne verra pas la belle victoire de Formigny [8]. Se languissant de son royal amant, elle part en plein hiver le rejoindre à Jumièges [9] près de Rouen. Enceinte de 6 mois, Agnès est la proie d’une dysenterie et meurt si rapidement le 11 février 1450 que l’on croit à un empoisonnement. On accusera tout d’abord Jacques Cœur, sans doute plus qu’un ami et un protégé, mais celui-ci fut lavé de ce chef d’inculpation. Les soupçons se portèrent alors sur le dauphin, le futur Louis XI, ennemi du parti qu’elle soutenait.

Éploré, le roi commande deux magnifiques tombeaux de marbre, l’un contenant son cœur à Jumièges, l’autre son corps à Loches. Il est à noter qu’Agnès Sorel a été la première maîtresse officielle d’un roi de France.

P.-S.

Source : Cet article est partiellement ou en totalité issu du texte de Philippe Contamine, Charles VII : une vie, une politique, Paris, Perrin, 2017, 560 p. (ISBN 978-2262-03975-2)

Notes

[1] La Touraine est une des anciennes provinces de France héritière de la civitas turonensis ou cité des Turones, dont elle tire son nom. Les comtes d’Anjou et de Blois, maîtres politiques de la Touraine, sont longtemps plus puissants que les rois capétiens, mais la généralisation de la seigneurie franco-flamande et son besoin de garantie de paix réhabilitent le pouvoir central longtemps oublié. Au terme d’une reprise capétienne séculaire, Philippe Auguste s’impose face à la prestigieuse dynastie Plantagenêt après 1216. Toute la Touraine (et pas seulement la portion de la ville de Saint Martin de Tours) et quelques places fortes est sous l’égide de la maison royale de France.

[2] Loches est une commune française située dans le département d’Indre-et-Loire. Au 15ème siècle, Agnès Sorel, favorite de Charles VII, habite souvent dans les châteaux aménagés de Loches et de Beaulieu de 1444 à 1449. Elle abandonne la cour de Chinon, où le Dauphin (futur Louis XI) lui a créé bien des difficultés. En effet, ce dernier ne supporte pas la relation d’Agnès avec son père le roi Charles VII. Il estime que sa mère est bafouée et a de plus en plus de mal à l’accepter. Un jour il laisse éclater sa rancœur et poursuit, l’épée à la main, l’infortunée Agnès dans les pièces de la maison royale. Agnès Sorel se réfugie à Loches et Charles VII, courroucé par tant d’impertinence, chasse son fils de la cour et l’envoie gouverner le Dauphiné. Après avoir servi de résidence royale, le château de Loches devient une prison d’État sous Louis XI. Le clergé séculier, du diocèse de Tours, fonde à Loches, un collège en 1576. Vers 1640, ce collège est repris par les Barnabites.

[3] d’où son nom de Dame de Beauté

[4] Le Penthièvre est un pays traditionnel de la Bretagne, situé à l’est et au sud de Saint-Brieuc dans l’Est des Côtes-d’Armor actuelles. Il composait, avec le Goëlo, un des deux archidiaconés du diocèse de Saint-Brieuc et son titulaire était appelé « le Grand Archidiacre ».

[5] Le Dauphiné est une entité historique et culturelle. Elle occupe l’ancienne province Viennoise située dans le quart sud-est de la France actuelle. Le Dauphiné de Viennois fut un État, sous l’autorité des comtes d’Albon, qui prirent le titre de dauphins, ce dernier terme ayant donné au Dauphiné son nom. Cette entité apparaît dans l’ancienne Provence, et était une subdivision du Saint Empire romain germanique, de ses origines admises au 11ème siècle, jusqu’à son rattachement en 1349 au royaume de France. Le Dauphiné de Viennois devient alors la province du Dauphiné, et conserve une certaine autonomie jusqu’en 1457.

[6] La Guyenne est une ancienne province, située dans le sud-ouest de la France. Ses limites ont fluctué au cours de l’histoire sur une partie des territoires des régions françaises Nouvelle-Aquitaine et Occitanie. Portant le titre de duché, la Guyenne avait pour capitale Bordeaux. Son nom est apparu au 13ème siècle en remplacement du terme d’« Aquitaine ». Sous l’Ancien régime, la Guyenne était l’une des plus grandes provinces de France et regroupait divers pays et provinces plus petites comme le Périgord, l’Agenais, le Quercy et le Rouergue. Le terme de « Guyenne propre » correspondait à la région de Bordeaux, également appelée le Bordelais. La Guyenne était couramment associée avec la Gascogne dont la capitale était Auch et qui regroupait notamment l’Armagnac, le Bigorre, le Labourd, la Soule et le Comminges. Guyenne et Gascogne partageaient ainsi le même gouvernement général militaire.

[7] Le duché de Normandie est un état féodal qui a existé de 911 à 1469, d’abord comme principauté largement autonome, puis, après sa conquête par le roi de France en 1204, comme partie du domaine royal ou comme apanage. Louis XI supprime le duché en 1469. Toutefois, il subsiste pour sa partie insulaire (les îles Anglo-Normandes) comme dépendance de la couronne britannique. Le duché de Normandie fait partie, comme l’Aquitaine, la Flandre ou la Catalogne, de ces principautés qui émergent au milieu du Moyen Âge avec l’affaiblissement du pouvoir royal carolingien. En 911, débordé par les raids des Vikings, le roi des Francs Charles le Simple confie à l’un de leurs chefs, Rollon, les pays autour de la Basse-Seine. Cette concession est l’embryon du duché de Normandie.

[8] La bataille de Formigny est une bataille de la guerre de Cent Ans qui s’est déroulée le 15 avril 1450 à Formigny en Normandie entre les Anglais, les Français et les Bretons.

[9] L’abbaye Saint-Pierre de Jumièges en Seine-Maritime fut fondée par saint Philibert, fils d’un comte franc de Vasconie vers 654 sur un domaine du fisc royal à Jumièges.