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Flavius Nevitta

dimanche 26 novembre 2023, par lucien jallamion

Flavius Nevitta

Général et politicien de l’Empire romain du 4ème siècle d’origine barbare

Blason empire RomainIl servit l’empereur Julien et fut nommé par lui consul en 362.

Il participe en 363 à la campagne de Julien en Perse [1]. Après la mort de Julien, il s’oppose avec d’autres officiers ayant servi Julien en Gaule aux anciens partisans de Constance II pour désigner un nouvel empereur.

Selon des analyses contemporaines, il pourrait être identifié à l’un des rédacteurs de la loi salique [2] mentionnés par un prologue rédigé au 6ème siècle.


Nevitta serait né dans une famille gothique [3] ou franque. Ammien Marcellin, qui ne mentionne que son origine barbare, affirme que Nevitta n’est pas issu d’un milieu noble. L’historien, qui fut membre de la garde rapprochée de l’empereur Julien, les protecteurs domestiques, le décrit comme un individu qui manquait d’éducation, un être quasi inculte, cruel et sans expérience politique.

Ammien ne dit rien de la religion qu’il professait, mais sa proximité avec Julien pourrait donner à penser qu’il partageait son paganisme.


Les conditions de l’engagement de Nevitta dans l’armée romaine ne sont pas connues mais des campagnes de recrutement menées auprès de tribus barbares et l’incorporation de prisonniers de guerre dans les troupes impériales sont établies historiquement. Nevitta, qui ne semble pas avoir été dans ce dernier cas, aurait pu rejoindre la militia armata par intérêt pour la condition de mercenaire à l’instar d’autres officiers d’origine barbare comme Flavius Arbitio ou Gaïnas.

Ammien relate avec précision la carrière de Nevitta. Celui-ci sert d’abord comme “praepositus” de cavalerie en Rhétie [4] en 358 lors de la campagne contre les Alamans [5]. L’historien mentionne sa belle conduite sous les ordres de Barbatio ou Barbation , malgré le peu d’estime qu’il lui porte.


Nevitta est membre de l’état-major de Julien avec d’autres officiers d’origine barbare. En 360, l’élévation à la pourpre de Julien par ses troupes à Lutèce [6], et le refus de Constance II de le reconnaître comme Auguste, provoque les prémisses d’une guerre civile. Lorsque Julien décide de faire marcher ses troupes à la rencontre de celle de l’empereur à l’Est, il confie à Nevitta le commandement d’un contingent de 10 000 hommes chargé de longer les Alpes et de traverser la Rhétie et le Norique [7]. Ses troupes s’emparent de Sirmium [8], puis s’établissent en garnison au pas de Sucques [9].

Après la mort impromptue de Constance à Tarse [10] en novembre 361, Julien devient l’unique souverain de tout l’Empire. Il cherche à verrouiller les postes de pouvoir en plaçant ses plus fidèles partisans aux postes à responsabilité. Nevitta profite de cette situation et connaît une ascension rapide. Il est promu au rang de magister equitum [11] fonction qu’il occupe jusqu’en 363/364, puis consul pour l’année 362 avec Claudius Mamertinus .

Julien prodigue aux deux nouveaux consuls de grandes marques d’estime il partage avec eux sa litière impériale, sont désignés par des titres honorifiques par l’empereur qui scandalisent certains membres de la cour qui y voient une marque insupportable d’abaissement de la dignité impériale.

Nevitta participe en tant que consul au tribunal présidé par Arbitio, mis en place par le nouvel empereur à Chalcédoine [12] pour juger les partisans de Constance II.


Nevitta participe en 363 à la désastreuse campagne de Julien en Perse. Durant l’expédition, il commande l’aile droite et conduit avec Dagalaiphus le siège de Maiozamalcha [13]. Durant la bataille de Ctésiphon [14], il commande les travaux du siège.

Après la bataille de Samarra [15] et la mort de Jullien, à la fin du mois de juin, il participe aux délibérations qui se tiennent le lendemain pour désigner le successeur de l’empereur. Nevitta se range aux côtés des autres officiers probablement païens ayant accompagné Julien en Gaule et notamment de Dagalaiphus pour tenter de faire élire l’un des leurs. Ensemble, ils s’opposent aux anciens partisans de Constance II parmi lesquels se trouvent les officiers chrétiens Arinthaeus etVictor. Après s’être accordés sur le choix du préfet du prétoire [16] Salutius, qui refuse d’être élevé à la pourpre, les officiers de Julien finissent par désigner Jovien, un officier chrétien qui négocie quelques jours plus tard un traité de paix humiliant avec les Sassanides [17].

Nevitta n’est plus mentionné sous les règnes de Jovien, deValentinien 1er et de Valens, ce qui pourrait signifier sa mise à l’écart.

P.-S.

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Notes

[1] La campagne de Julien en Perse est une expédition militaire romaine contre l’Empire perse sassanide menée en 363 par l’empereur Julien. Si le début de la campagne est favorable aux Romains, elle tourne au désastre après la mort de l’empereur sur le champ de bataille. Le roi des rois sassanide Chapour II impose des conditions de paix très dures à son successeur. Si d’un point de vue militaire et géopolitique, ce conflit n’est que l’une des nombreuses péripéties ponctuant les guerres perso-romaines, il a une importance cruciale sur le plan de l’histoire religieuse : la mort de Julien signe la fin des espoirs d’une restauration polythéiste au sein de l’Empire romain et la victoire définitive des chrétiens. Côté perse, la victoire de Chapour II est totale : elle assoit son autorité politique et religieuse, en tant que champion du zoroastrisme face aux hérésies et aux chrétiens. L’Arménie bascule durablement dans l’orbite perse.

[2] Dans le haut Moyen Âge, il s’agit d’un code de loi élaboré, selon les historiens, entre le début du 4ème et le 6ème siècle pour le peuple des Francs dits « saliens », dont Clovis fut l’un des premiers rois. Ce code, rédigé en latin, et comportant de forts emprunts au droit romain, portait surtout sur le droit pénal et les compositions pécuniaires car l’objectif de la loi salique était de mettre fin à la faide (vengeance privée) en imposant le versement d’une somme d’argent et établissait entre autres les règles à suivre en matière d’héritage à l’intérieur de ce peuple. Plusieurs siècles après Clovis, dans le courant du 14ème siècle, un article de ce code salique fut exhumé, isolé de son contexte, employé par les juristes de la dynastie royale des Capétiens pour justifier l’interdiction faite aux femmes de succéder au trône de France. À la fin de l’époque médiévale et à l’époque moderne, l’expression loi salique désigne donc les règles de succession au trône de France. Ces règles ont par ailleurs été imitées dans d’autres monarchies européennes. Par ailleurs, il ne faut pas confondre « loi salique » et « primogéniture masculine », la loi dite salique constituant un élargissement de la primogéniture masculine pour éliminer les femmes de la succession au trône, y compris les filles du souverain décédé.

[3] Les Goths faisaient partie des peuples germaniques. Selon leurs propres traditions, ils seraient originaires de la Scandinavie. Ils provenaient peut-être de l’île de Gotland. Mais ils pourraient également être issus du Götaland en Suède méridionale ou bien du Nord de la Pologne actuelle. Au début de notre ère, ils s’installèrent dans la région de l’estuaire de la Vistule. Dans la seconde partie du 2ème siècle, une partie des Goths migrèrent vers le sud-est en direction de la mer Noire. Dès le 3ème siècle les Goths étaient fixés dans la région de l’Ukraine moderne et de la Biélorussie où ils furent probablement rejoints par d’autres groupes qui ont été plus ou moins intégrés dans la tribu. Les Goths formaient un seul peuple jusqu’à la fin du 3ème siècle. Après un premier affrontement avec l’Empire romain dans le sud-est de l’Europe au début du siècle, ils se séparèrent en deux groupes : les Greuthunges à l’Est et les Tervinges à l’Ouest qui deviendront par la suite les Ostrogoths ou « Goths brillants », à l’Est, et les Wisigoths ou « Goths sages » à l’Ouest.

[4] La Rhétie, aussi appelée Rhétie-Vindélicie, était une province de l’Empire romain, habitée dans le Tyrol par les Rhètes et en Bavière par les Vindéliciens ; elle correspond de nos jours au canton actuel des Grisons, au Tyrol, au Sud de la Bavière, à l’Est du Württemberg et au Nord de la Lombardie (Valteline). Conquise en 15 av. jc par Drusus et Tibère, la province impériale de Rhétie est divisée au 4ème siècle entre la Rhétie I (capitale Coire) et la Rhétie II (capitale Augusta Vindelicorum). Excentrée et peu développée économiquement, la Rhétie sera une proie facile pour les Alamans qui occuperont le territoire avant d’envahir la rive gauche du Rhin pour y créer leur propre royaume. Au 5ème siècle, elle sera envahie par les Alains et les Vandales avant d’être prise par Théodoric, roi des Ostrogoths. Elle est occupée au début du 6ème siècle par les Bavarii qui y créent un royaume, lequel sera annexé par Charlemagne. Des îlots de romanisation persisteront pendant quelques siècles autour de l’évêché d’Augsbourg et jusqu’à nos jours en Suisse dans le canton des Grisons, antérieurement appelé canton de Rhétie, où subsiste une langue latine, le « rhéto-roman » ou « romanche ».

[5] Les Alamans ou Alémans étaient un ensemble de tribus germaniques établies d’abord sur le cours moyen et inférieur de l’Elbe puis le long du Main, où ils furent mentionnés pour la première fois par Dion Cassius en 213. Ces peuples avaient pour point commun de rivaliser avec les Francs, sans doute à l’origine un autre regroupement d’ethnies établies plus au nord sur la rive droite du Rhin. Le royaume alaman désigne le territoire des Alamans décrit à partir de 269.

[6] Paris

[7] Le Norique est un royaume celtique qui s’est constitué au 2ème siècle av. jc. Les Noriques formaient une confédération avec leurs voisins les Boïens et les Taurisques. Par la suite le Norique est devenu une province de l’Empire romain. Elle était limitée au nord par le Danube, à l’ouest par la Rhétie, à l’est par la Pannonie et au sud par la Dalmatie. Elle correspond approximativement à la Styrie, la Carinthie et à des parties de la Bavière et aux régions de Vienne et Salzbourg. Pendant longtemps les habitants du Norique jouirent de l’indépendance autonomie du commerce avec les Romains. En 48 av. jc ils prirent le parti de Jules César dans la guerre contre Pompée. En 16 av. jc, s’étant joint aux habitants de la Pannonie dans l’invasion d’Histria, ils furent défaits par Publius Silius, proconsul d’Illyrie. La province du Norique fut alors annexée, sans avoir l’organisation d’une province romaine, mais en restant un royaume autonome (regnum Noricum). Elle était sous le contrôle d’un procurateur impérial. Ce n’est que sous le règne de Marc Antoine que la légion II Pia (appelée par la suite Italica) fut stationnée en Norique, et le commandant de la légion devint le gouverneur de la province. Aux alentours de 40, le royaume fut entièrement intégré dans l’Empire romain par Claude, comme province impériale avec pour capitale Virunum, près de Klagenfurt.

[8] Sirmium, aujourd’hui Sremska Mitrovica, dans la province de Voïvodine, en Serbie était une cité romaine située dans la province de Pannonie. Originellement fondée par les Celtes au 3ème siècle av. jc et conquise par les Romains au 1er siècle av. jc, elle fut la capitale économique de la province de Pannonie et l’une des quatre capitales de l’Empire romain au temps de la Tétrarchie.

[9] un col stratégique des monts Hémus situés dans le Nord des Balkans à proximité de Constantinople

[10] Tarse est une ville de Cilicie, en Turquie.

[11] Le maître de cavalerie (magister equitum) était sous la Rome antique le chef d’état-major du Dictateur romain par qui il était nommé. Comme le dictateur, le maître de cavalerie exerce un mandat de 6 mois en cas de troubles graves. Il est entouré de 6 licteurs. Il s’agit d’une magistrature exceptionnelle puisque il faut que le sénat proclame l’état d’exception pour qu’elle soit exercée.

[12] Chalcédoine est une cité grecque de Bithynie (actuellement en Turquie), située sur la mer Propontide, à l’entrée orientale du Bosphore, face à Byzance et au sud de Chrysopolis (Scutari, actuellement Üsküdar). Elle s’appelle aujourd’hui Kadıköy et est devenue une banlieue (résidentielle et plutôt aisée) d’Istanbul, dans le prolongement d’Üsküdar.

[13] Le siège de Maiozamalcha est une bataille entre les forces romaines et la cité fortifiée de Maiozamalcha défendue par les Sassanides, lors de la campagne de Julien en Perse, en 363. La ville est investie par surprise par un travail de sape, elle est mise à sac, ses défenseurs et ses habitants sont massacrés.

[14] La bataille de Ctesiphon a eu lieu le 29 mai 363 entre les armées de l’empereur romain Julien et l’empereur Sassanide Shapur II de Perse à l’extérieur des remparts de la capitale perse Ctesiphon. L’issue de la bataille est une victoire peu concluante des Romains puisque l’empereur Julien meurt peu après et que les forces romaines sont trop éloignées de leur ligne de ravitaillement pour continuer leur campagne.

[15] La bataille de Samarra a eu lieu en juin 363, lors de l’invasion de l’empire sassanide par l’empereur romain Julien. Après avoir fait marcher son armée jusqu’aux portes de Ctésiphon et avoir échoué à prendre la ville, Julien, se rendant compte que son armée était à court de provisions et en territoire ennemi, a commencé à marcher vers Samarra. La bataille a commencé comme une attaque sassanide contre l’arrière-garde romaine, mais s’est transformée en une bataille majeure. Julien a été blessé pendant la bataille et est décédé plus tard sans avoir choisi de successeur. Après la mort de Julien, les Romains ont élu Jovien comme empereur. Bloqué au plus profond du territoire sassanide et souffrant d’un manque de fournitures, Jovien a été contraint d’accepter les conditions de paix.

[16] Le préfet du prétoire (præfectus prætorio) est l’officier commandant la garde prétorienne à Rome, sous le Haut-Empire, et un haut fonctionnaire à la tête d’un groupe de provinces, la préfecture du prétoire, dans l’Antiquité tardive.

[17] Les Sassanides règnent sur le Grand Iran de 224 jusqu’à l’invasion musulmane des Arabes en 651. Cette période constitue un âge d’or pour la région, tant sur le plan artistique que politique et religieux. Avec l’Empire romano byzantin, cet empire a été l’une des grandes puissances en Asie occidentale pendant plus de quatre cents ans. Fondée par Ardashir (Ardéchir), qui met en déroute Artaban V, le dernier roi parthe (arsacide), elle prend fin lors de la défaite du dernier roi des rois (empereur) Yazdgard III. Ce dernier, après quatorze ans de lutte, ne parvient pas à enrayer la progression du califat arabe, le premier des empires islamiques. Le territoire de l’Empire sassanide englobe alors la totalité de l’Iran actuel, l’Irak, l’Arménie d’aujourd’hui ainsi que le Caucase sud (Transcaucasie), y compris le Daghestan du sud, l’Asie centrale du sud-ouest, l’Afghanistan occidental, des fragments de la Turquie (Anatolie) et de la Syrie d’aujourd’hui, une partie de la côte de la péninsule arabe, la région du golfe persique et des fragments du Pakistan occidental. Les Sassanides appelaient leur empire Eranshahr, « l’Empire iranien », ou Empire des Aryens.