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L’histoire pour le plaisir

Hermias (ministre)

vendredi 4 mars 2022, par lucien jallamion

Hermias (ministre) (mort en 220 av. jc)

Ministre ou vizir

Ministre ou vizir [1] de Séleucos III puis d’Antiochos III. Ambitionnant de régenter le royaume, il est exécuté sur ordre du roi.

La tradition issue de Polybe, qui suit ici une source inconnue, présente Hermias sous un jour très sombre.

Grec originaire de Carie [2], Hermias s’est élevé pour devenir le favori de Séleucos III, voire avant lui de Séleucos II, qui le désigne epi tôn pragmatôn [3], la plus haute fonction de la hiérarchie aulique.

Il est chargé des affaires de la cour quand le roi part en Anatolie [4] mener la guerre contre Attale 1er de Pergame. À la mort de Séleucos III en 223, il conserve son poste auprès d’Antiochos III.

Il profite de la jeunesse du roi pour le subjuguer et le pousser contre certains hauts dignitaires de la cour, membres du Synedrion [5].

Il cherche en effet à centraliser à son profit l’administration du royaume aux dépens des gouverneurs et des satrapes [6]. Les rébellions qui vont dès lors apparaître semblent donc davantage diriger contre le vizir que contre le roi.

En 222 av. jc, très peu de temps après l’avènement d’Antiochos III, Molon , gouverneur général des Hautes satrapies [7], ainsi que son frère Alexandre, se rebellent.

Les raisons évoquées par Polybe seraient leur crainte face à l’influence prise par Hermias ainsi que la volonté de se rapprocher d’Achaios II, gouverneur des provinces d’Anatolie que l’armée a tenté de mettre sur le trône après la mort de Séleucos III. Or Hermias conseille au roi d’attaquer sans délais la Cœlé-Syrie [8] et de confier la répression contre Molon à deux stratèges [9], montrant que sa politique vise avant tout à éloigner le roi des affaires d’Orient et à favoriser les affaires de Syrie [10], c’est-à-dire son propre domaine, par rapport à celles d’Anatolie et des Hautes satrapies.

Mais les deux stratèges sont rapidement vaincus. Antiochos suspend donc les opérations contre Ptolémée III. Hermias obtient une nouvelle fois gain de cause en incitant le roi à envoyer un autre stratège contre Molon. L’expédition de Cœlé-Syrie, mal préparée, se solde en tout cas par un échec face aux puissantes défenses lagides [11] au printemps 221. Entre-temps, Molon remporte la bataille contre le stratège royal et occupe Séleucie du Tigre [12]. Il aurait pris le titre royal car il estime qu’Antiochos III n’est qu’une marionnette entre les mains d’Hermias.

En 221 av. jc, la situation s’avère difficile pour Antiochos III. Le stratège Épigénès, adversaire d’Hermias, obtient que le roi marche contre Molon plutôt que de s’obstiner contre les Lagides en Cœlé-Syrie.

Hermias parvient par une manœuvre à obtenir la destitution du stratège, pour ensuite le faire assassiner après le départ de l’armée royale, prétextant une collusion avec Molon. Les opérations menées en Mésopotamie sous la direction d’Antiochos III et de Zeuxis sont un succès. Molon, vaincu, se suicide.

Après avoir ordonné la crucifixion de la dépouille de Molon, Hermias se montre implacable envers les soutiens de Molon. Les membres de l’assemblée des Anciens [13] de Séleucie du Tigre sont exilés. Contre l’avis de son vizir, Antiochos III fait preuve de clémence envers les rebelles et ramène l’amende prévue de 1 000 talents à 150 talents.

Au printemps 220, le roi décide de mener une expédition contre Artabazane prince d’Atropatène [14] qui s’est rallié à Molon. Une fois encore Hermias s’oppose à cette expédition, préférant que le roi marche contre la Cœlé-Syrie. Mais une nouvelle vient changer la donne : la naissance d’un prince héritier, Antiochos le Jeune. La perspective de la mort d’Antiochos ouvre de nouveaux horizons à Hermias qui peut escompter devenir un régent tout puissant. Mais cette possibilité tourne court : Artabazane, déjà fort âgé, traite avec Antiochos III sans même combattre.

Dès lors la méfiance du roi envers son vizir omnipotent se fait croissante. Il est finalement averti d’un complot par Apollophane, son médecin personnel. Ne pouvant, ou n’osant, pas le révoquer, il fait assassiner Hermias lors d’une promenade ; ce qui lui assure une grande popularité parmi ses sujets.

P.-S.

Source : Cet article est partiellement ou en totalité issu du texte de Édouard Will, Histoire politique du monde hellénistique 323-30 av. J.-C., Paris, Seuil, coll. « Points Histoire », 2003 (ISBN 2-02-060387-X)

Notes

[1] Le mot persan vizir, désigne un fonctionnaire de haut rang, ayant un rôle de conseiller ou de ministre auprès des dirigeants musulmans (califes, émirs, maliks, padishah ou sultans).

[2] La Carie est une ancienne province du sud-ouest de l’Asie mineure, située entre la Lycie à l’Est, la Phrygie au Nord, la Lydie à l’Ouest et la mer Égée au Sud. À l’origine, c’est une colonie phénicienne, prise ensuite par les Doriens qui fondent les cités de Cnide et d’Halicarnasse. Sous la domination des Perses, elle devient une satrapie, rapidement gouvernée par des satrapes locaux qui se comportent comme des monarques autonomes, comme Mausole ou sa femme Artémise II. Sous l’Empire romain, la Carie devient une province romaine d’Asie.

[3] préposé aux affaires

[4] L’Anatolie ou Asie Mineure est la péninsule située à l’extrémité occidentale de l’Asie. Dans le sens géographique strict, elle regroupe les terres situées à l’ouest d’une ligne Çoruh-Oronte, entre la Méditerranée, la mer de Marmara et la mer Noire, mais aujourd’hui elle désigne couramment toute la partie asiatique de la Turquie

[5] Conseil

[6] Un satrape est le gouverneur d’une satrapie, c’est-à-dire une division administrative de l’Empire perse.

[7] dont la Perside et la Médie

[8] La Cœlé-Syrie correspond à l actuelle vallée de la Bekaa au Liban ; mais ce terme sert souvent, de manière conventionnelle, à désigner tout le territoire allant de Byblos (Liban) à la frontière nord de l Egypte ptolémaïque, y compris la Judée.

[9] Un stratège est un membre du pouvoir exécutif d’une cité grecque, qu’il soit élu ou coopté. Il est utilisé en grec pour désigner un militaire général. Dans le monde hellénistique et l’Empire Byzantin, le terme a également été utilisé pour décrire un gouverneur militaire. Dans la Grèce contemporaine (19ème siècle jusqu’à nos jours), le stratège est un général et a le rang d’officier le plus élevé.

[10] La Syrie fut occupée successivement par les Cananéens, les Phéniciens, les Hébreux, les Araméens, les Assyriens, les Babyloniens, les Perses, les Grecs, les Arméniens, les Romains, les Nabatéens, les Byzantins, les Arabes, et partiellement par les Croisés, par les Turcs Ottomans et enfin par les Français à qui la SDN confia un protectorat provisoire pour mettre en place, ainsi qu’au Liban, les conditions d’une future indépendance politique.

[11] Les Lagides ou Ptolémées sont une dynastie pharaonique issue du général macédonien Ptolémée, fils de Lagos (d’où l’appellation « lagide »), qui règne sur l’Égypte de 323 à 30 av. jc.

[12] Séleucie du Tigre est une ville antique ruinée située en Irak, en face de Ctésiphon et à 35 kilomètres environ de Bagdad. Elle fut une des plus grandes cités de Mésopotamie à la fin de l’Antiquité, s’inscrivant dans l’histoire entre Babylone et Bagdad. Fondée par le successeur d’Alexandre le Grand, Séleucos 1er Nicator, elle devint rapidement une très grande ville et un centre commercial incontournable. Après son passage dans l’empire des Arsacides, elle resta fortement marquée par ses origines grecques, ce qui lui donnait une place à part dans l’empire et qui ne doit pas cacher le caractère très cosmopolite de l’agglomération. Souvent disputée par les Romains, la grande cité déclina au 3ème siècle, concurrencée par la fondation voisine de Coche par les souverains sassanides.

[13] les péliganes

[14] L’Atropatène correspond au nord de la satrapie de Médie de l’ancien empire perse, aujourd’hui l’Azerbaïdjan iranien. Située dans la Médie septentrionale, la région reçoit son nom d’Atropatès, dynaste achéménide rallié à Alexandre le Grand, qui s’y rend indépendant, Peithon recouvrant le reste de la satrapie de Médie. Elle a pour ville principale Gaxeca (Taures).