Quintus Salvidienus Rufus (vers 65-40 av. jc)
Général romain
Il est de naissance obscure, et selon Dion Cassius, il aurait gardé des troupeaux dans sa jeunesse.
Il rencontre peut-être Octave, le futur empereur Auguste, pendant les cours de certains maîtres de rhétorique [1], dont Apollodore de Pergame , à l’instar de Marcus Vipsanius Agrippa. Malgré son origine modeste, il devient l’un des meilleurs amis d’Octave.
Plus âgé qu’Octave et Agrippa, il a peut-être combattu sous les ordres de Jules César pendant les guerres civiles où il a acquis une certaine expérience militaire.
César envoie Octave et ses amis étudier ensemble à Apollonie d’Illyrie [2], où sont situées les légions macédoniennes en prédiction de grandes expéditions militaires contre les Daces [3] et les Parthes [4], pendant qu’il conforte son pouvoir à Rome.
Ils sont à Apollonie depuis 6 mois quand ils apprennent l’assassinat de César perpétré aux ides de Mars [5] en 44 av. jc. Salvidienus et Agrippa conseillent à Octave de marcher sur Rome avec l’appui des légions de Macédoine pour éliminer les meurtriers de César, mais celui-ci décide de rallier Rome discrètement par bateau, suivant les conseils prudents de sa famille, en compagnie de ses deux amis.
Leurs conseils ne sont pas seulement dictés par leurs ardeurs juvéniles, mais peut-être aussi par des ambitions politiques, en cherchant à profiter des guerres civiles pour s’élever dans la hiérarchie sociale aux dépens de l’aristocratie romaine dont beaucoup de membres sont mêlés dans l’assassinat de César.
Il devient l’un des plus fiables généraux d’Octave durant les guerres civiles après la mort de César. En 42 av. jc, Octave lui confie le commandement de sa flotte pour combattre Sextus Pompée, qui a pris le contrôle de la Sicile [6] et qui harcèle les côtes d’Italie.
Faute de moyens suffisant, Salvidienus ne peut reprendre la Sicile et est défait lors d’une bataille navale sur les côtes du Rhegium [7], près du promontoire de “Scyllaeum”, essentiellement en raison de l’inexpérience de ses équipages.
Au retour d’Octave de la Grèce après la bataille de Philippes [8], Salvidienus est envoyé en Hispanie [9] avec 6 légions, mais se hâte de se retirer vers l’Étrurie [10] sur appel d’Octave, pour s’opposer à Fulvie, épouse de Marc Antoine, et à Lucius Antonius , son frère, qui ont pris les armes contre Octave, en commençant ainsi la guerre de Pérouse [11].
Salvidienus, alors général en chef d’Octave, le rejoint dans le siège de Sentinum [12]. Après le retour d’Octave à Rome, il ne tarde pas à s’emparer de la ville, puis il la fait raser, avant de faire capituler Nursia [13].
De son côté, Agrippa lève 3 ou 4 légions de vétérans en Étrurie et s’empare de Sutrium [14] qui occupe une position stratégique sur la via Cassia [15] au nord de Rome, soulageant ainsi Salvidienus qui risquait d’être encerclé. Les deux hommes forcent alors Lucius Antonius à s’enfermer dans Pérouse [16]. Ce conflit s’achève avec la capture de la ville en 40 av. jc, les alliés de Lucius Antonius qui ont tenté de forcer le siège subissant plusieurs revers infligés par Salvidienus et Agrippa.
Après la fin de la guerre de Pérouse, il accompagne Octave en Gaule en tant que gouverneur.
La faiblesse du triumvirat se révèle quand, en août 40 av. jc, Marc Antoine et Sextus Pompée pénètrent simultanément mais de façon non coordonnée sur le territoire italien.
Il est désigné comme consul pour l’année suivante, bien qu’il ne soit même pas de rang sénatorial, mais seulement chevalier. Octavien lui décerne un autre honneur en faisant construire un pont uniquement pour le convoi funéraire de son frère, mort avant lui, pour traverser le Tibre [17].
Salvidienus s’apprêterait alors à trahir Octave pour rallier Antoine, conscient de la faiblesse des forces octaviennes par rapport à celles de Marc Antoine.
Ce dernier ayant signé la paix de Brindes [18] avec Octave, il dénonce Salvidienus, qui lui aurait proposé de déserter pour se joindre à lui lors de sa marche sur l’Italie, mais la proposition de Salvidienus serait arrivée à Antoine après que la paix soit proclamée.
Il est arrêté, accusé de haute trahison devant le Sénat par Octave, puis condamné. Il meurt soit exécuté soit il se suicide volontairement.
Notes
[1] La rhétorique est d’abord l’art de l’éloquence. Elle a d’abord concerné la communication orale. La rhétorique traditionnelle comportait cinq parties : l’inventio (invention ; art de trouver des arguments et des procédés pour convaincre), la dispositio (disposition ; art d’exposer des arguments de manière ordonnée et efficace), l’elocutio (élocution ; art de trouver des mots qui mettent en valeur les arguments → style), l’actio (diction, gestes de l’orateur, etc.) et la memoria (procédés pour mémoriser le discours).
[2] Apollonie d’Illyrie est une ancienne cité grecque située en Illyrie (actuelle Albanie), située sur la rive droite de la Vjosa, près de l’actuel village de Pojani.
[3] La Dacie est, dans l’Antiquité, un territoire de la région carpato-danubiano-pontique correspondant approximativement à ceux des actuelles Roumanie, Moldavie et des régions adjacentes.
[4] La Parthie est une région historique située au nord-est du plateau iranien, ancienne satrapie de l’empire des Achéménides et berceau de l’Empire parthe qui domine le plateau iranien et par intermittence la Mésopotamie entre 190 av. jc. et 224 ap. jc. Les frontières de la Parthie sont la chaîne montagneuse du Kopet-Dag au nord (aujourd’hui la frontière entre Iran et Turkménistan) et le désert du Dasht-e Kavir au sud. À l’ouest se trouve la Médie, au nord-ouest l’Hyrcanie, au nord-est la Margiane et au sud-est l’Arie. Cette région est fertile et bien irriguée pendant l’antiquité, et compte aussi de grandes forêts à cette époque.
[5] Les ides de mars correspondent au 15 mars dans le calendrier romain. C’était un jour festif dédié au dieu Mars. Jules César fut assassiné aux ides de mars en 44 avant Jésus-Christ, sans avoir tenu compte des prédictions de l’haruspice étrusque Titus Vestricius Spurinna et du rêve de sa femme Calpurnia Pisonis.
[6] La Sicile est la plus grande île méditerranéenne. Avec une superficie de 25 708 km², c’est la région la plus étendue de l’Italie et son territoire est constitué de neuf anciennes provinces à leur tour partagées en 390 municipalités. Elle est également la seule région italienne à compter 2 des 10 villes les plus peuplées du pays : Palerme et Catane. Son chef-lieu est Palerme.
[7] Rhêgion ou Rhegium est une colonie grecque d’Italie fondée vers 723 av. jc par des Zancléens secondés des Chalcidiens menés par Antimnestos, peut-être accompagnés de Messéniens du Péloponnèse sous la conduite d’Alcidamidas. C’est aujourd’hui Reggio de Calabre. Cette fondation jouit d’une position stratégique face au détroit de Messine et complète ainsi Zancle fondée quelques années auparavant. Elle est soumise par Denys l’Ancien, tyran de Syracuse de 388 à 351 av. jc, puis par les Romains en 270 av. jc.
[8] La bataille de Philippes (septembre-octobre 42 av. J.-C.) voit, au cours de deux affrontements successifs, les triumvirs Octave et Antoine vaincre les Républicains Brutus et Cassius dans la plaine à l’ouest de Philippes, en Macédoine orientale. Cette défaite sonne le glas des espoirs du Sénat de préserver le régime républicain.
[9] L’Hispanie est le nom donné par les Romains à la péninsule Ibérique. Depuis le 15ème siècle l’Hispanie est l’hôte des États modernes espagnol et portugais. Au début les Carthaginois installent des comptoirs commerciaux sur la côte, sans pousser plus profondément à l’intérieur de l’Hispanie. En 501 av.jc, ils s’emparent de Gadès (Cadix), une ancienne colonie phénicienne. Après la première Guerre punique, les Carthaginois s’étendent rapidement dans le Sud, sous la conduite des Barcides. Ils y exploitent des mines d’or et redonnent à Carthage sa puissance économique et commerciale. En 230, ils fondent Carthagène, la nouvelle Carthage (Cartago Nova). En 218 av.jc, Hannibal forme une puissante armée qui comprend un contingent d’Ibères, et commence la deuxième Guerre punique en prenant Sagonte, puis en marchant vers l’Italie. Les Romains ne peuvent l’intercepter en Gaule, et dirigent une partie des leurs forces sur l’Hispanie, qui devient un théâtre d’opération de cette guerre. Après divers affrontements, Scipion l’Africain prend Carthagène en 209, et en 207, Hasdrubal mène les dernières forces carthaginoises de l’Hispanie vers l’Italie. En 202, la capitulation de Carthage livre officiellement l’Hispanie carthaginoise à Rome. En 197 av.jc, les Romains divisent l’Hispanie en deux provinces : Hispanie citérieure, donnant sur la Méditerranée, et Hispanie ultérieure (car plus éloignée de Rome), comprenant le Sud et tournée vers l’océan.
[10] L’Étrurie était le territoire des Étrusques. Il correspond à l’actuelle Toscane, s’étendant durant la période de son expansion maximum, au-delà de l’Apennin tosco-émilien jusqu’à la plaine du Pô et son embouchure, à Hadria, port antique qui donna son nom à la Mer Adriatique. Au sud, le territoire étrusque s’étendait au-delà de Rome (comprise), jusqu’à Capoue.
[11] La guerre de Pérouse (conflit aussi appelé guerre civile fulvienne) est une guerre civile qui se déroule en 41 et 40 av. jc. Elle oppose l’épouse de Marc Antoine, Fulvie, et son frère, Lucius Antonius, à son ennemi politique, Octavien, et aux généraux de celui-ci, Quintus Salvidienus Rufus et Marcus Vipsanius Agrippa.
[12] Sentinum est une ancienne ville se trouvant actuellement dans la région des Marches en Italie, située à un kilomètre dans les plaines à l’est de la ville actuelle de Sassoferrato. Pendant la guerre de Pérouse, la ville prend le parti de Marc Antoine mais est prise et détruite par les troupes de Quintus Salvidienus Rufus, le général d’Octave. Elle est reconstruite et croît régulièrement, et continue d’exister sous l’Empire romain comme un municipe. La vie civique à Sentinum semble s’être effondrée au moment de l’invasion d’Alaric 1er et ne semble pas s’être renouvelée.
[13] Norcia (appelée historiquement Nursie en français) est une commune italienne, située dans la province de Pérouse, en région Ombrie.
[14] Sutri est une commune italienne, située dans la province de Viterbe, dans la région Latium, en Italie centrale. Vieille cité étrusque, prise par Camille en 389 av. jc, et devenue ainsi Sutrium sous la Rome antique. Le roi lombard Liutprand la céda avec d’autres villes de la région, au pape Grégoire II en 728, lors de la Donation de Sutri.
[15] La Via Cassia fut une importante voie consulaire romaine qui joignait tout d’abord Rome à Florence avant d’être prolongée jusqu’à la via Aurelia en passant par Lucques. La via Cassia démarrait près du pont Milvius dans le voisinage immédiat de Rome et passait non loin de Véies. En traversant l’Étrurie elle passait par Baccanae, Sutrium, Sorrina Nova Latinise, Vulsinii, Clusium, Arretium, Florentia, Pise Pistoia et Lucques et rejoignait la Via Aurelia à Luna.
[16] Pérouse, en italien Perugia, est une ville italienne, chef-lieu de la province de même nom et capitale de la Région Ombrie. Pérouse se situe sur une acropole collinaire d’une altitude moyenne de 493 m autour de laquelle se développe le centre historique qui est en grande partie entourée par les murs étrusques et médiévaux. Au 9ème siècle elle devient une propriété des papes avec l’accord de Charlemagne et de Louis le Pieux. La cité continue toutefois pendant des siècles à mener une vie indépendante, guerroyant contre les cités et territoires voisins de Foligno, Assise, Spolète, Todi, Montepulciano... Les papes ont parfois trouvé asile dans les murs de Pérouse. L’administration papale y a aussi organisé les conclaves qui ont élu Honorius III en 1216, Honorius IV en 1285, Célestin V en 1294 et Clément V en 1305. Cependant Pérouse se montra toujours réticent à l’égard des papes. Ainsi, lors de la rébellion de Rienzo en 1347, la cité ombrienne envoya dix ambassadeurs au tribun romain et résista vigoureusement aux légats du pape venus la soumettre.
[17] Le Tibre est un fleuve italien qui se jette dans la mer Tyrrhénienne. C’est le plus long fleuve d’Italie après le Pô et l’Adige. Il traverse notamment la capitale italienne, Rome, à l’histoire de laquelle il est étroitement lié.
[18] 5 ou 6 octobre 40 av.jc la Paix de Brindes attribue la Gaule transalpine, la Narbonnaise et l’Occident à Octave, l’Orient à Antoine et l’Afrique à Lepidus.