Dans la première moitié du 2ème millénaire avant jc, la grande île de Crète [1], en Méditerranée orientale, a joui d’une belle civilisation originale et féconde.
Découverte de la civilisation minoenne [2]
Le 30 mars 1900, sont découverte une grande quantité de tablettes en argile sur le site de Cnossos [3].
Ces tablettes viennent de la civilisation qui se développa sur l’île méditerranéenne jusqu’aux environs de 1200 avant jc à l’époque de Ramsès II et de Moïse.
Cette civilisation fut pour la Grèce classique l’équivalent de ce que fut l’Antiquité gréco-romaine pour nous.
Elle fut appelée minoenne, du nom de Minos, roi mythologique de la Crète qui serait devenu après sa mort juge aux Enfers.
On a découvert de très nombreuses acropoles comme celle de Cnossos. Dans ces acropoles construites entre 2000 et 1400 avant jc, on pense que résidaient les rois-juges qui gouvernaient l’île.
Les Minoens vénéraient des divinités féminines dont il nous reste de jolies représentations sous la forme de déesses aux serpents et aux seins nus. Ils accordaient une place particulière au taureau dans leur culture d’où la légende grecque du Minotaure [4].
Les Minoens pratiquaient peu ou pas du tout l’esclavage comme leurs voisins égyptiens.
Il semble aussi qu’à l’image des anciens Egyptiens, ils n’exerçaient pas de discrimination entre les sexes et respectaient la parité homme femme beaucoup mieux que les Grecs ou les Romains.
Écritures crétoises
Sir Arthur Evans a fixé le cadre de la civilisation minoenne en distinguant trois périodes • Minoen ancien jusqu’en 2000av. jc • Minoen moyen de 2000 à 1600 av.jc • Minoen récent de 1600 à 1400av. jc.
Les Crétois du Minoen ancien, aussi appelés Pélasges, utilisaient une écriture à base de hiéroglyphes [5] ou d’idéogrammes [6].
Au début du Minoen récent, les Crétois utilisent une écriture linéaire syllabique faite d’idéogrammes et baptisée faute de mieux Linéaire A. Elle se rapporte à une langue inconnue de la mer Égée [7] mais n’a pas encore pu être déchiffrée.
À la fin du Minoen récent, vers 1500 avant jc, apparaît une nouvelle écriture, le Linéaire B.
Les tablettes d’argile servant de support aux écritures crétoises nous sont un peu parvenues par hasard. Elles ont été accidentellement conservées par leur cuisson lors de l’incendie des palais pendant les nombreux conflits et guerres que connut la Crète.
Des 3400 fragments de tablettes qui furent exhumées au début du siècle dans le palais de Cnossos, environ 150 seulement avaient été diffusés en 1936.
La vie au quotidien
Le linéaire B apparaît formé d’une centaine de signes phonétiques représentant une syllabe tout comme les hiéroglyphes égyptiens. On croit y voir la transcription d’une langue grecque archaïque.
Le Linéaire B atteste ainsi des liens tardifs des Crétois avec la péninsule grecque.
Après avoir civilisé les Achéens [8] arrivés dans le Péloponnèse [9] et les Cyclades [10] vers 1500 avant jc, les Crétois furent finalement dominés par eux et entrèrent dans la mouvance de Mycènes [11], une cité achéenne du Péloponnèse.
Le Linéaire B a reçu le nom d’écriture mycénienne car il devait être utilisé par les administrateurs achéens de la Crète à l’époque considérée.
Si l’on pensait découvrir dans les tablettes d’argile l’Histoire ancienne de la Crète, on dut rapidement déchanter. Les tablettes ne parlent que de gestion domaniale car l’écriture mycénienne, suffisante pour tenir une comptabilité était bien trop restreinte pour de la littérature.
C’est ainsi que l’on découvre avec stupeur une bureaucratie tatillonne et pointilleuse. Sur les tablettes sont notées les possessions du clan familial ou Génos. Le nombre de béliers, de brebis, d’agneaux, les prévisions du nombre de bêtes à naître, à abattre, à engraisser, à castrer... tout cela est minutieusement calculé à l’unité près sur un cheptel de plus de 100 000 bêtes ! La quantité de laine pouvant être produite, le nombre de fromages à fabriquer avec la quantité de lait prévue, les pertes subies... tout est scrupuleusement consigné.
Les comptables de l’époque étaient capables de répartir une tonne de bronze en fractions d’environ 250 grammes entre plus de 500 forgerons. Ils connaissaient tous ces derniers par leur nom mais aussi les personnes employées dans chaque forge ainsi que leur état civil !
On apprend que les 100 000 moutons de Cnossos fournissaient 50 tonnes de laine par an et permettaient de fabriquer 500 pièces de tissus pour en faire des draps, vêtements, couvertures.