Eucratide 1er dit le Grand ou Eucratidès ou Eukratidès
Premier roi de la maison d’Eucratide du royaume grec de Bactriane de 171 av. jc à vers 145 av. jc
Il est selon les sources soit un général ou un fonctionnaire de Démétrios 1er qui a mené une rébellion, soit un allié des Séleucides [1], cousin du roi séleucide Antiochos IV Épiphane qui tentait de regagner le territoire de Bactriane [2]. En 171 av.jc, Eucratide 1er réussi à renverser la dynastie euthydémide en Bactriane et monte sur le trône. Le roi qu’il détrône était probablement Antimaque 1er de Colophon .
Justin, historien romain du 3ème siècle explique qu’Eucratide 1er prend le pouvoir à peu près en même temps que le roi parthe Mithridate 1er, dont le règne est précisément connu pour avoir commencé en 171 av.jc, ce qui fait retenir pour l’instant aux spécialistes cette date approximative pour l’accession des Eucratides. La numismatique [3] donne à penser qu’Eucratide 1er était un contemporain du roi indo-grec Apollodote 1er qui règne sur des territoires plutôt situés à l’est de L’Hindou Kouch [4].
Certaines des pièces de monnaie d’Eucratide 1er présentent probablement ses parents. Son père y est nommé Hélioclès et sa mère, portant un diadème royal, Laodice (ou Laodicée). Laodice était un membre de la maison impériale séleucide. La branche indo-grecque des Euthydémides va quelque temps après venir au secours de leurs cousins de Bactriane. Un roi indo-grec appelé Démétrios, qu’il est difficile d’identifier, mais qui est très probablement Démétrios II Nicator, serait retourné en Bactriane avec 60 000 hommes pour écarter l’usurpateur, mais apparemment après 4 mois de lutte il aurait été vaincu et tué lors d’une bataille.
Eucratide 1er va alors lancer des campagnes dans le nord-ouest de l’Inde et va régner sur un vaste territoire, comme l’indique l’abondante frappe de ses pièces de monnaie, dans de nombreux territoires indiens, en deux langues.
Parallèlement (ou peut-être après ses campagnes indiennes), Eucratide 1er est attaqué par le roi parthe Mithridate 1er. Ce dernier ayant peut-être passé alliance avec les partisans des Euthydémides. Il envahit une grande partie de la Bactriane, le territoire à l’ouest de la rivière Hari en Arie [5], la ville d’Hérat [6] tombe en 167 av.jc, et les régions de Tapuria et Traxiane.
Eucratide 1er après avoir tenté de reprendre la ville de Merv [7] aux Parthes [8], préfère négocier la paix avec Mithridate 1er contre tous les territoires perdus.
Cependant à la fin de son règne, il est repoussé par le roi indo-grec Ménandre 1er , qui réussit à créer un immense territoire unifié sur tout l’ouest de l’Inde jusqu’à Mathura [9], voire plus loin. Justin explique que l’accord d’Eucratide 1er avec les Parthes ne plaît pas à certains et que sur le chemin du retour de l’Inde, il est assassiné par « son co-roi », qui serait un de ses propres fils, soit Eucratide II , soit Hélioclès 1er ou que ce soit tout simplement son ennemi, le fils de Démétrios II Nicator.
Ses successeurs sont ses deux fils, Eucratide II et Hélioclès 1er, mais le meurtre d’Eucratide 1er provoque semble-t-il une guerre civile entre les membres de la dynastie. La ville d’Aï Khanoum [10], puis, après de long combats et la mort d’Hélioclès, la Bactriane, sont perdues pour les colons grecs qui se replient derrière l’Hindu Kush pour y fonder de puissants et vastes royaumes.
Notes
[1] Les Séleucides sont une dynastie hellénistique issue de Séleucos 1er, l’un des diadoques d’Alexandre le Grand, qui a constitué un empire formé de la majeure partie des territoires orientaux conquis par Alexandre, allant de l’Anatolie à l’Indus. Le cœur politique du royaume se situe en Syrie, d’où l’appellation courante de « rois de Syrie ». Les Séleucides règnent jusqu’au 2ème siècle av. jc sur la Babylonie et la Mésopotamie dans la continuité des Perses achéménides.
[2] La Bactriane ou Bactrie est une région à cheval sur les États actuels d’Afghanistan, du Pakistan, de la Chine, du Tadjikistan, de l’Ouzbékistan et aussi un peu du Turkménistan, située entre les montagnes de l’Hindū-Kūsh et la rivière Amou-Daria. Elle était beaucoup plus grande autrefois. Elle avait pour bornes : au sud les Paropamisades et l’Inde ; au nord, la Sogdiane ; à l’est, la Scythie extra Imaum ; à l’ouest, l’Hyrcanie, et contenait, entre autres contrées, la Margiane, la Guriane, la Bubacène, le pays des Tochares et des Marucéens.
[3] La numismatique a pour objet l’étude des monnaies et médailles. Considérée comme une science auxiliaire de l’histoire, elle est particulièrement utile dans les recherches en histoire antique (notamment romaine ou grecque). Elle sert aussi en archéologie, en particulier comme critère de datation.
[4] L’Hindou Kouch est une chaîne de hautes montagnes. Quoique centrée sur l’Afghanistan, elle déborde, à l’est, sur le Pakistan. Traversée par l’antique Route de la soie, son plus haut sommet est le Tirich Mir (7 708 mètres d’altitude).
[5] L’Arie est le nom de l’une des satrapies de l’Empire perse Achéménide. Elle était située au Nord de la Drangiane et au Sud-est de la Parthie. Elle correspondait à la partie orientale du Khorāsān Iranien et à la région de Hérat dans l’Afghanistan actuel. Elle bordait principalement la vallée de la rivière Hari qui, dans l’antiquité, était considérée comme particulièrement fertile et riche en vin. Cette satrapie fut conquise par Alexandre le Grand en 330 av .jc qui y fonda la ville d’Alexandrie d’Arie qui correspond à Hérat. Satibarzane, le satrape d’Arie se révolta après avoir fait semblant de se soumettre. Alexandre le Grand dut envoyer deux corps d’armée, dont l’un fut vaincu, pour venir à bout de sa résistance.
[6] Artacoana
[7] Merv autrefois satrapie de Margiane, était une ville de l’Asie centrale, sur la route historique de la soie. Ses vestiges sont situés aujourd’hui près de la ville de Mary au Turkmenistan. La ville a connu plusieurs refondations au cours d’une histoire millénaire et a connu divers noms comme « Mourou » à l’époque Achéménide, puis « Alexandrie de Margiane » (ville fondée par Alexandre) et enfin « Antioche de Margiane » sous les macédoniens. Ce fut un important évêché du christianisme nestorien entre le 6ème et le 14ème siècle. En 651, le dernier roi perse sassanide, Yazdgard III, fut assassiné à Merv. Merv fut un temps, capitale des Seldjoukides avant leur avancée vers l’Iran. Ce fut une ville de haute culture, renommée pour ses 10 bibliothèques, et Yaqout al-Rumi y resta deux ans, peu avant sa destruction par les Mongols en 1221.
[8] La Parthie est une région historique située au nord-est du plateau iranien, ancienne satrapie de l’empire des Achéménides et berceau de l’Empire parthe qui domine le plateau iranien et par intermittence la Mésopotamie entre 190 av. jc. et 224 ap. jc. Les frontières de la Parthie sont la chaîne montagneuse du Kopet-Dag au nord (aujourd’hui la frontière entre Iran et Turkménistan) et le désert du Dasht-e Kavir au sud. À l’ouest se trouve la Médie, au nord-ouest l’Hyrcanie, au nord-est la Margiane et au sud-est l’Arie. Cette région est fertile et bien irriguée pendant l’antiquité, et compte aussi de grandes forêts à cette époque.
[9] Mathura ou Mathurā est une ville de l’État de l’Uttar Pradesh en Inde. Située à 50 km au nord d’Agra et à 125 km au Sud-Est de New Delhi. Ancienne cité commerciale, religieuse et culturelle sur la route Est-Ouest de l’Inde du Nord. C’est un important centre de pèlerinage car, selon la légende, Mathura serait le lieu de naissance de Krishna. Plus exactement au centre de Braj ou Brij-bhoomi, appelé pour cette raison Shri Krishna Janma-Bhoomi. Mathura est donc un lieu de pèlerinage important. Le Keshav Dev Temple a été construit anciennement sur le site présumé de la naissance. S’il faut en croire le Mahabharata et le Bhagavata Purana, Mathura a été la capitale de l’ancien royaume de Surasena, dirigé par Kansa (ou Kamsa), l’oncle maternel de Shri Krishna. Gautama Bouddha y a aussi séjourné. Sur le plan artistique Mathura est mondialement célèbre pour ses belles sculptures de grès rouge, qui participent du premier âge d’or de l’art indien pendant les 6 premiers siècles de notre ère. Ses ateliers de sculpteurs ont participé à la mise au point des premières images des êtres sacrés du bouddhisme sous forme humaine, au début de notre ère.
[10] Aï Khanoum ou Ay Khanum est une cité antique située aujourd’hui dans le Nord-Est de l’Afghanistan, dans la province de Kondoz, près la frontière tadjike. Elle se situe au confluent du fleuve Amou-Daria (anciennement Oxus) et de la rivière Kokcha. Elle est fondée au 4ème siècle av. jc par les Grecs dans le sillage de l’épopée d’Alexandre le Grand dans sa route vers l’Inde. La ville est surnommée l’Alexandrie de l’Oxus par le géographe Ptolémée et peut-être appelée plus tard Eucratidia sous le règne du souverain gréco-bactrien Eucratide 1er. Un temps capitale du royaume gréco-bactrien, elle est détruite durant la seconde moitié du 2ème siècle av. jc par des attaques successives de nomades et des prédations aux fins de récupération de matériaux de construction effectuées par des populations autochtones après l’évacuation de la région par les populations hellénisées.