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L’histoire pour le plaisir

Avènement de Catherine II

dimanche 9 décembre 2018, par lucien jallamion

Avènement de Catherine II

Le 9 juillet 1762, trois régiments de la garde du tsar Pierre III se détournent de leur maître et prêtent serment de fidélité à son épouse, Catherine, « pour la défense de la foi orthodoxe et pour la gloire de la Russie ». Leur révolte est animée par le propre amant de la reine, Grégoire Orlov. Le tsar, honni de la noblesse pour ses sentiments germanophiles, abdique dès le lendemain. Il meurt une semaine plus tard dans sa retraite, sans doute assassiné par l’un des frères Orlov. Ainsi débute le règne de Catherine II.

La nouvelle impératrice est née à Stettin*, en Prusse, le 2 mai 1729, sous le nom de Sophie Augusta d’Anhalt-Zerbst. Princesse allemande d’extraction modeste, elle s’est vue fiancée au grand-duc Pierre de Holstein-Gottorp, neveu de la tsarine Élisabeth et petit-fils de Pierre le Grand. Elle acquiert une culture d’autodidacte très étendue et se révélera plus tard étonnamment préparée à ses responsabilités. Elle lit Tacite, Machiavel, Montesquieu et n’hésitera pas à racheter en viager la bibliothèque de Diderot. Bien que de culture allemande, Catherine s’assimile remarquablement à sa nouvelle patrie. Convertie à la religion orthodoxe, elle prend le nom de Catherine et se fait apprécier des Russes, au contraire de son mari, inculte et admirateur éperdu du roi de Prusse Frédéric II. Pierre monte sur le trône à la mort de la tsarine Élisabeth, le 5 janvier 1762, et prend le nom de Pierre III. Il n’a rien de plus pressé que de se retirer de l’alliance avec la France et l’Autriche contre la Prusse, sauvant son héros, Frédéric II, d’une situation désespérée. Il restitue à la Prusse la Poméranie* et la Prusse-orientale*. Le bruit court enfin que le nouveau tsar se prépare à abolir le servage. C’est à ce moment-là que Catherine, profitant du mécontentement nobiliaire, s’empare du pouvoir. Cette prise de pouvoir suscite des mécontentements. Un Cosaque du Don du nom de Pougatchev prétend être le tsar Pierre III. Avec une armée composée de 26.000 hommes, paysans, ouvriers et de Cosaques, il dévaste la Petite Russie*, tenant en échec le nouveau pouvoir. Livré par ses compagnons au général Souvorov, Pougatchev est décapité à Moscou en 1775. Quelques mois après sa prise de pouvoir, l’impératrice intervient en Pologne où elle fait élire comme roi son favori, Stanislas Poniatowski ! Pour le soutenir contre ses ennemis, regroupés dans la confédération de Bar*, elle envahit le pays en 1770. Et le 25 juillet 1772, par le traité de Saint-Pétersbourg*, elle s’entend avec le roi de Prusse Frédéric II et l’archiduchesse d’Autriche Marie-Thérèse pour enlever à la Pologne le tiers de son territoire.

La Russie, Prusse, Autriche s’allient non seulement contre la Pologne mais aussi contre la Turquie. C’est ainsi qu’en 1774, le nouveau favori de la tsarine, Grégoire ou Grigori Potemkine, âgé de 35 ans conquiert d’immenses territoires au dépens du sultan. Par le traité de Kütçük-Kaynarca*, le sultan garantit aux navires russes la liberté de navigation dans la Mer Noire et le libre passage vers la Méditerranée à travers les détroits du Bosphore et des Dardanelles. Il confère à la tsarine un droit de regard sur le sort des chrétiens orthodoxes des possessions ottomanes des Balkans. Il cède surtout à la Russie les territoires qui s’étendent de la mer Noire à l’Ukraine et dont Potemkine devient le gouverneur général en remerciement des services rendus. Le favori développe activement ces territoires, les repeuplant avec des immigrants de toute la Russie et même d’Allemagne. Il annexe au passage le khanât* de Crimée et fonde sur la péninsule le port de guerre de Sébastopol. En janvier 1787, Potemkine, devenu ministre de la Guerre, invite la tsarine à visiter les nouvelles provinces. Catherine II quitte en grande pompe Saint-Pétersbourg pour s’embarquer sur le Dniepr. Elle descend triomphalement le fleuve en compagnie du roi de Pologne Stanislas II, de l’empereur d’Allemagne Joseph II, du prince de Ligne et de l’ambassadeur de France, le comte de Ségur. En 1792, la Crimée et d’immenses étendues d’Asie centrale sont définitivement annexées par le traité de Jassy. Quelques possessions suédoises en Finlande sont acquises en 1790 par le traité de Verela. Deux partages ultérieurs de la Pologne, en 1792 et 1795, ne laissent enfin plus rien d’un pays vieux de huit siècles. Une tentative d’expédition contre la Perse n’a pas de suite.

Catherine poursuit l’aménagement de Saint-Pétersbourg, la capitale baroque inaugurée par Pierre 1er le Grand à l’embouchure de la Néva, sur la mer Baltique. Elle y attire des architectes et des artistes occidentaux. C’est ainsi que le sculpteur Falconet érige la statue de Pierre le Grand sur la place du Sénat en 1782. Les idées sociales de Catherine ne sont pas précisément celles des philosophes des Lumières. Mais par opportunisme politique, elle vénère ces hommes influents dans ses salons et sur son écritoire. Elle correspond avec d’Alembert, Diderot, Voltaire, Grimm, Helvétius et Kant. Voltaire, flatteur, l’appelle la Sémiramis du Nord*(Sémiramis est une reine légendaire de Babylone). Les terres d’église sont nationalisées en 1764, ce qui donne à l’impératrice l’occasion de généreuses distributions de terres à ses protégés, y compris aux paysans qui n’en conservent pas moins leur condition servile. Sous l’impulsion de Potemkine, des villes nouvelles voient le jour dans les marches d’Ukraine* Odessa*, Kherson*, Nikolaïev*, Taganrog*, Mariupol* (aujourd’hui Pavlovsk). Pour encourager la noblesse à s’intéresser à ses propriétés souvent négligées, la tsarine ne craint pas de limiter les quelques droits qu’ont encore les serfs en édictant la Charte de la noblesse de 1785*. La souveraine souhaiterait s’appuyer sur une aristocratie éclairée et une bureaucratie décentralisée sur le modèle de l’Occident. Elle délègue de larges pouvoirs aux gouverneurs de province et offre aux pionniers allemands des terres sur la Volga.

Sous le règne de Catherine II, la surface de la Russie s’agrandit d’un tiers et le pays, jusque-là très marqué par son caractère slave et orthodoxe, absorbe des populations très diverses, y compris des musulmans qui parlent turc ou mongol. La tsarine meurt après 34 ans de pouvoir absolu, en 1796, non sans s’inquiéter de la Révolution française. Son fils Paul 1er lui succède. Le jeune homme a une personnalité fantasque et sa mère a tenté plus d’une fois de le priver du trône. Il se révèle impétueux et se fait rapidement beaucoup d’ennemis. Alors qu’il vient de fonder la Ligue des Neutres* avec les Scandinaves pour contrer l’influence maritime britannique, il est opportunément étranglé !

Le règne du successeur de Catherine II, le fils de Pierre III, Paul 1er, de 1796 à 1801 est un intermède avant celui d’Alexandre 1er, qui ne compterait pas dans l’histoire de l’Europe, si Paul ne s’était joint à la deuxième coalition contre la France révolutionnaire. Les armées russes, sous le feld maréchal Souvorov, y trouvent des succès en Italie, puis une défaite à Zurich*. Paul 1er, se rapprochait de la France quand, en 1801, une révolution de palais, provoquée moins par le brusque revirement de sa politique extérieure que par les extravagances et la barbarie de son despotisme, en débarrassa la Russie. Il sera assassiné en 1802, au profit de son fils, Alexandre 1er, à la mort duquel, en 1823, il y aura encore des troubles.

Le 18ème siècle russe a connu, avec les règnes de Pierre Le Grand, Elisabeth, et Catherine II des périodes de relative stabilité intérieure. Mais ces périodes ont également été ponctuées par plus d’une révolution de palais. Des convulsions qui sont venues rappeler qu’il n’existe pas de régime politique, fut-il aussi autocratique que l’était celui des tsars qui ne doive reposer sur l’assentiment d’une partie plus ou moins importante de la population qu’il régente, ou tout au moins d’une classe politique. En russie, 94 % de la population de cette époque est soumis au régime du servage, et n’a pas grand chose à dire. En revanche, une poignée de familles puissantes, les Dolgorouki*, les Bestoujev*, les Galitzine*, les Schouvalov* et les Orlov*, notamment, dont l’importance déborde souvent du seul 18ème siècle, on joué pendant toute cette période un rôle clé. Parfois très mal traités, leurs représentants ont souvent été aussi les faiseurs et défaiseurs de tsars Le mode de fonctionnement d’un pouvoir autocratique des tsars, par sa nature même, instaure un type de rapports de force avec la puissance aristocratique, qui favorise l’irruption dans le jeu politique de toutes sortes d’individualités. Souvent, il s’agira d’aventuriers jaillis de nulle part ou presque, à l’image de Tolstoï, Menchikov, âmes damnées de Pierre 1er, et plus tard, de Biren, et ces autres soldats sortis du rang, comme les frères Panine*, susceptibles d’y retourner à l’occasion, ou ces amants de tsarines, à la manière de Razoumovski et de Potemkine. Ils viennent souvent d’Allemagne, Bassewitz*, Osterman*, Münnich* ou d’ailleurs, chercher dans un pays neuf les opportunités d’une vie nouvuelle. Tous parviendront à s’insinuer dans le jeu politique, pour en être tour à tour les levier et les pions, mais à l’occasion, pour en devenir aussi un temps les maîtres.

P.-S.

L’Europe au 18ème siècle Source : Imago mundi Texte de Léonardon/ article de Fabienne Manière/herodote/ evenement/17720428/dossier 414