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Agobard de Lyon ou Saint Agobard

mercredi 30 septembre 2015, par lucien jallamion

Agobard de Lyon ou Saint Agobard (vers 769- 840)

Homme d’Église du haut Moyen Âge-Évêque de Lyon

Agobard de Lyon ou Saint Agobard Homme d'Église du haut Moyen Âge Évêque de LyonIl fut évêque de Lyon à deux reprises sous le règne de Louis le Pieux. Il contribua à faire de sa cité épiscopale l’un des centres de la Renaissance carolingienne.

Si l’on peut se fier à l’unique source ancienne qui ait paru exploitable en la matière, les “Annales Lyonnaises”, Agobard serait né en Espagne en 769, aurait gagné la région de Narbonne en 782 et se serait établi à Lyon en 792.

L’origine hispanique, ou du moins septimanienne [1], du personnage, est vraisemblable. Si Agobard passa plusieurs années à Narbonne, il est probable qu’il connut Benoît d’Aniane.

À son arrivée à Lyon, le jeune homme rejoignit l’entourage de l’évêque Leidrade, qui l’ordonna prêtre plus tard, peut-être en 804.

En 813, alors que les ennuis de santé de Leidrade s’aggravaient, ce dernier fit d’Agobard son chorévêque [2] et coadjuteur [3]. En 814, Leidrade voulut se démettre de ses fonctions épiscopales et, avant de se retirer au monastère de Saint-Médard de Soissons [4], proposa lui-même Agobard à sa succession.

La légitimité du nouvel évêque faisait problème, car c’était Leidrade lui-même qui avait intronisé son protégé. Des objections canoniques s’élevèrent et la crise se prolongea jusqu’en août 816, date à laquelle, au cours du synode d’Aix-la-Chapelle, l’épiscopat d’Agobard fut enfin reconnu, ce qui permit à Leidrade de regagner définitivement sa retraite francilienne.

En octobre 816, à Reims, le nouvel évêque de Lyon participa, en compagnie du pape Étienne IV, au sacre de l’empereur Louis le Pieux.

En 825, Agobard prit parti dans la querelle des images, où il exprima des vues sinon ouvertement iconoclastes [5], du moins fort hostiles au culte iconique. Telles qu’elles se manifestent dans son traité “De picturis et imaginibus”, ses positions et son argumentation semblent très proches de celles de Claude de Turin , lequel paraît bien s’être inspiré de cet ouvrage, mais se montra plus radical, dans son diocèse piémontais, en passant de l’iconophobie théorique et verbale à la pratique iconoclaste.

En 833, Agobard embrassa la cause de Lothaire dans le conflit qui opposait celui-ci à son père Louis le Pieux. En effet, il craignait que la politique de Louis ne nuisît à l’unité de l’Empire, et par conséquent à l’unité du peuple chrétien. Au lendemain de la désertion pro-lotharienne du "Champ du Mensonge", qui eut lieu à fin du mois de juin 833, c’est lui qui fut chargé, pour le plaid [6] de Compiègne du 1er octobre 833 au cours duquel Louis le Pieux, relégué pour y faire pénitence au monastère de Saint-Médard de Soissons, fut publiquement humilié, de rédiger le manifeste justifiant le coup d’État aux yeux du peuple franc. L’évêque de Lyon ajouta l’opuscule intitulé “Cartula de Ludouici imperatoris paenitentia” [7].

L’empereur ne devait pas oublier de tels affronts, dont il tira vengeance dès qu’il eut repris l’avantage. Comme d’autres évêques, au premier rang desquels figurait Ebbon de Reims, Agobard fut déposé par ordre de Louis le Pieux au cours du plaid de Thionville en février mars 835. Il partit alors pour l’exil en Italie, d’où il riposta aux réformes liturgiques d’Amalaire, son successeur désigné, en composant les deux traités “De modo regiminis ecclesiastici ad clericos et monachos Lugdunenses et De correctione antiphonarii”. Il retrouva néanmoins son siège épiscopal en 839 ou peut-être dès les derniers mois de 838, à la suite du plaid de Quierzy en septembre 838 qui, entre autres mesures, condamna la doctrine d’Amalaire.

Agobard mourut le 6 juin 840 à Saintes [8], où il avait accompagné dans son expédition en Aquitaine Louis le Pieux, lequel décéda à son tour deux semaines plus tard, dès son retour à Ingelheim [9].

À Lyon, Agobard poursuivit l’action de Leidrade visant à l’élévation spirituelle des religieux de la cité. Il développa, avec l’aide du diacre Florus , la bibliothèque et le scriptorium de Saint-Jean. Il fit copier 21 traités de Tertullien dans un manuscrit que nous avons conservé, “le codex Agobardinus”. À plusieurs reprises, il défendit les biens de l’Église contre les assauts de seigneurs locaux.

Agobard a laissé une œuvre importante et variée. Dans ses écrits, Agobard attaque les superstitions, l’adoptianisme et le culte des images. Soucieux d’une Église au-dessus du monde matériel, il s’oppose à la pratique de l’Église privée.

Agobard lutta toute sa vie pour l’unité de l’Empire chrétien, dans une perspective de christianisation du monde. Pour cela, il tenta d’infléchir, avec d’autres réformateurs, la politique impériale. Il fut à l’origine de la suppression de la personnalité des lois en Burgondie, dès 817, dans une volonté d’unité des lois s’appliquant aux chrétiens, et parce que la loi burgonde qui s’appliquait à Lyon avait été promulguée par un roi arien. Dans cette optique, il milita pour l’uniformisation de toutes les lois dans l’ensemble de l’Empire, même si cela semblait irréalisable à d’autres réformateurs.

Entre 823 et 827/828, Agobard n’écrivit pas moins de cinq lettres contre les juifs lyonnais. Ceux-ci avaient obtenu de Louis le Pieux des droits importants les plaçant hors de la juridiction de l’évêque, et à part dans la cité lyonnaise. Ils étaient jugés par un "Magister Iudaeorum" indépendant, et placés sous la protection de l’empereur. Ils étaient également exonérés de péage et jouissaient, en termes de justice et de religion, de garanties importantes qui rendaient leur situation enviable au point que des chrétiens assistaient aux offices de la synagogue, cessaient tout travail le samedi et suivaient des règles de pureté rituelle en matière d’alimentation.

P.-S.

Source : Cet article est partiellement ou en totalité issu de l’article de Patrice Béghain, Bruno Benoît, Gérard Corneloup et Bruno Thévenan, Dictionnaire historique de Lyon, Lyon, Stéphane Bachès,‎ 2009

Notes

[1] Le mot Septimanie apparaît au 5ème siècle dans une lettre de Sidoine Apollinaire pour désigner une partie du sud de la Gaule, correspondant peut-être plus ou moins aux sept provinces du diocèse de Vienne : Aquitaine première, Aquitaine seconde, Novempopulanie, Narbonnaise, Viennoise, Alpes-Maritimes, par opposition aux dix provinces (Décémanie) constituant le diocèse des Gaules. Elle correspond approximativement à la partie occidentale de l’ancienne province romaine de Narbonnaise première. Après la conquête de l’Aquitaine par Clovis, le mot est utilisé, en particulier à l’époque carolingienne, pour désigner la partie de la Gaule restée jusqu’au début du 8ème siècle aux mains des Wisigoths, occupée par les Musulmans Omeyyades d’Al-Andalus avant d’être conquise par les Francs en 759. Elle est alors aussi appelée par les Francs de l’époque "Gothie".

[2] Nom masculin, du latin chorepiscopus, chorévêque signifie littéralement « évêque de la campagne ». Apparu dès les premiers siècles de l’ère chrétienne en Orient et 4ème et 5ème siècles en Occident, le chorévêque exerce dans les zones rurales les fonctions de l’évêque dont il dépend et qui siège toujours en ville. Alors qu’elle a disparu en Occident dès les 11ème et 12ème siècles, la dignité de chorévêque est aujourd’hui encore conférée, le plus souvent à titre honorifique, dans les Églises chrétiennes orientales unies ou non à l’Église catholique romaine.

[3] Un évêque ou archevêque coadjuteur est un évêque nommé, comme un évêque auxiliaire, aux cotés d’un évêque diocésain, mais avec droit de succession immédiate sur le siège de l’évêque à qui il est adjoint après la démission ou le décès de ce dernier. La nomination d’un coadjuteur permet une période de prise de connaissance du diocèse pour le nouvel arrivant et de transition sans interruption entre deux épiscopats.

[4] L’abbaye Saint-Médard était un monastère bénédictin de Soissons dont la fondation remontait au 6ème siècle. Seule sa crypte subsiste aujourd’hui. Cette abbaye fut fondée en 557 par le roi des Francs Clothaire 1er, pour y recevoir les reliques de saint Médard. Les restes de saint Médard furent provisoirement abrités dans un mausolée en bois. Clotaire mourut avant le parachèvement des travaux, et c’est son fils Sigebert 1er qui inaugura l’église et la fit décorer. Les deux bâtisseurs mérovingiens furent inhumés dans cette église (in basilicam), en face du tombeau de Médard (ante tumulum). Sous les Carolingiens, l’abbaye continua de jouer un rôle déterminant dans les affaires du royaume. C’est ici qu’en 751 le dernier Mérovingien, Childéric III, reçut la tonsure, et c’est encore à Saint-Médard que se réunit le 13 novembre 833 le synode convoqué par Lothaire et présidé par l’archevêque Ebon de Reims, qui déposa pour la seconde fois l’empereur Louis le Pieux. Louis fut contraint de lire des aveux forcés, de rendre les armes, d’endosser le cilice, d’abdiquer et de renoncer au monde. L’abbaye Saint-Médard fut détruite par les Normands et les Magyars, puis reconstruite au 11ème siècle. L’abbaye fut détruite en 1567 au début des guerres de religions, reconstruite en partie en 1630 avant d’être rasée jusqu’à la crypte en 1793.

[5] L’iconoclasme est, au sens strict, la destruction délibérée d’images, c’est-à-dire de représentations religieuses de type figuratif (appartenant souvent à sa propre culture), généralement pour des motifs religieux ou politiques. Ce courant de pensée rejette la vénération adressée aux représentations du divin, dans les icônes en particulier. L’iconoclasme est opposé à l’iconodulie (ou iconodoulie).

[6] assemblée générale

[7] Charte sur la pénitence de l’empereur Louis

[8] Saintes est une commune du sud-ouest de la France, située dans le département de la Charente-Maritime

[9] Ingelheim am Rhein (sur le Rhin) est une ville allemande située sur la rive gauche du Rhin. Au 8ème siècle Charlemagne fit édifier une résidence d’été, appelée la Kaiserpfalz, à Ingelheim. On dit que c’était son idée de planter le cépage bourguignon à Ingelheim que l’on cultive encore aujourd’hui. Beaucoup d’édifices à Ingelheim évoquent le passé historique de la ville. Parmi eux sont la Burgkirche, une église fortifiée, de vieilles portes de la ville comme Uffhubtor, Heidesheimer Tor, Allegässer Tor et Ohrenbrückertor, ainsi que l’église Remigius dédiée à Remi de Reims avec sa tour romane.