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Une idée neuve. L’État Nation

lundi 26 novembre 2012

Château royal de Chinon du XIe siècle et musée

Une idée neuve. L’État Nation

Quoique retors et bigot jusqu’à la superstition, Louis XI figure dans l’Histoire de France comme l’un des principaux acteurs de l’unification du royaume et de sa modernisation. Pour lui le royaume devait disposer d’une monnaie unique et d’un plan central d’investissements donnant la priorité à l’économie physique, c’est-à-dire aux manufactures et à l’infrastructure. A l’époque, une seule banque au monde était orientée vers ce genre de développement économique, celle des Médicis.

Très tôt déjà, il projetait une politique de banque nationale. Dès 1462, il émit une ordonnance créant une banque avec des filiales à Paris, Lyon et Montpellier, qui devait, avec l’accord de l’Église, prêter 900 000 écus par an de crédit d’État pour l’infrastructure et l’agriculture. Les Médicis acceptèrent de trouver et de garantir les dépôts comme le Roi l’entendait et ils prirent effectivement en charge cette politique de banque nationale.

Il rédigea des milliers de lois, qui furent lues sur les places publiques à travers la France, pour à la fois informer la population des nouveaux règlements et l’inviter à participer aux activités économiques ainsi créées.

Une de ces lois prévoyait la mise en culture de toutes les terres en jachère ; un recensement montre que toutes les terres en déshérence furent utilisées pour la production agricole. S’il manquait de main-d’oeuvre, Louis faisait appel aux Allemands, aux Italiens, etc. contre un bail de 10 à 20 ans. Selon la philosophie qui sous-tendait l’action des Médicis et de Louis XI, les banques étaient au service de la nation et non le contraire. Louis s’assura personnellement que les prêts accordés par les banques des Médicis seraient sans intérêts car le droit national aussi bien que le christianisme interdisaient l’intérêt et l’usure était illégale. Les banquiers à la recherche de profits élevés devaient se résigner à trouver d’autres voies pour les réaliser, comme l’émission de lettres de change ou les transactions sur devises. Selon des récits de l’époque, il remporta une grande bataille commerciale en faveur de la ville de Lyon, la deuxième ville de France, contre Gênes, contrôlée alors par Venise. Pour attirer à Lyon les marchands de tous pays, il y organisa de grandes foires internationales. Et pour convaincre les marchands que leurs opérations seraient plus sûres en France qu’à Gênes, il renonça au privilège en vigueur consistant à s’emparer des possessions de tout étranger qui mourait sur le territoire français. Dans sa célèbre ordonnance du 8 mars 1463, il prit des mesures extraordinaires en faveur des marchands qui choisissaient de commercer avec la ville française, levant toute restriction sur les transactions commerciales afin de stimuler les échanges. En octobre 1462, Gênes commit la stupide erreur de soutenir une révolte contre le beau-père de Louis XI, le duc de Savoie. En représailles, celui-ci décréta que tout Français participant à une foire de Gênes serait pénalisé et que tout étranger traversant le territoire français pour se diriger vers Gênes payerait une taxe sur ses marchandises. Cette réglementation fut strictement appliquée par des milliers de gardes postés à des endroits stratégiques le long de la route de Gênes. En conséquence, le marché de cette ville avait fortement diminué en 1464. Louis XI et les Médicis étaient si étroitement alliés que, lorsque le Roi découvrit que Francequin Neri, le directeur de la banque des Médicis à Lyon, avait été convaincu par les Vénitiens de devenir le conseiller financier de Philippe II de Savoie, l’un de ses pires ennemis, il le fit envoyer en déportation et obtint la garantie de son ami Pierre 1er de Médicis qu’aucun directeur d’une banque des Médicis en France n’apporterait d’aide à ses opposants. Le développement de la France, sous Louis XI, se fondait donc sur l’idée de république définit au concile de Bâle, c’est-à-dire d’un gouvernement qui travaille à l’enrichissement physique et culturel de la population, au bien commun de la nation, plutôt que de se livrer au pillage organisé d’un empire. Une république s’efforce d’augmenter la productivité de la population laborieuse et, pour ce faire, a recours à une politique dirigiste, à partir d’un gouvernement centralisé qui, à son tour, s’engage à favoriser les découvertes dans l’art et la science et à y faire participer les citoyens.

Réciproquement, l’individu élevé ennoblira l’Etat nation en contribuant au progrès général. Autrement dit, le dirigeant de l’Etat nation doit s’engager à faire en sorte que l’homme accède à la connaissance scientifique, c’est-à-dire la découverte des principes supérieurs sous-tendant les processus physiques de la nature et la maîtrise de leur application aux principes de la machine-outil et aux machines en général. Cette vision du monde fut celle de Louis XI, telle qu’elle s’exprime dans Le Rosier des Guerres , écrit pour son fils, le futur Charles VIII. Ce livre est un traité sur la nécessité de défendre le bien commun et préfigure l’œuvre en 6 volumes de Jean Bodin sur la république.

Louis écrit : « La propriété des Rois et des princes et de leurs chevaliers, consideres que leur estat et vocation est pour le bien commun deffendre tant ecclesiastique que seculier, et de entretenir justice et paiz entre leur subjects, et que pour bien faire, bien auront et en ce monde et en l’autre et que pour mal faire ne vient que peine ; et qu’il conviendra quelque jour laisser le monde pour aller rendre compte de son entremise et recevoir son loyer. Et de exposer leur vie pour aultruy dont entre tous autres estaz du monde sont plus à louer et honnorer. Et pource que le bien commun qui regarde plusieurs, qui est la chose publique du Royaume est plus louable que le particulier, par lequel souvent est empesché le bien commun ; on a volontiers mis en escript les faiz des princes et de leurs chevaliers, et toute bonne doctrine qui sert à leur estat. » « Je ne voy rien qui tant ayt destruit et adnihilée la puissance des Romains, que ce qu’ils entendoient plus au bien particulier que au bien commun. » « Quant Justice regne en un royaume, le bien commun est bien gardé, et aussi le particulier : car Justice est celle de vertu, qui garde humaine compaigne et communauté de vie, si que chacun use en bien des choses communes comme communes ; et des particulieres comme particulieres. »

Des académies basées sur ces principes se multiplièrent en France sous Louis XI et après, notamment le Gymnase vosgien en 1505, une école créée par les Frères de la vie commune qui avait sa propre imprimerie et maison d’édition.

Au fil des siècles, ces écoles allaient être supplantées par l’école des Oratoriens en 1600, l’Académie royale des sciences en 1666, l’École Polytechnique et l’École des Arts et Métiers en 1794. Ces écoles furent exportées en Allemagne, avec l’université de Göttingen, et aux États-unis, avec la création de West Point en 1816.

Les grands protagonistes de la bataille pour l’Etat nation français furent la papauté, le roi Louis XI et son premier secrétaire Philippe de Commynes, René II, duc de Lorraine, allié incertain mais habile de Louis, et la maison financière des Médicis, notamment Laurent de Médicis.

Dans l’autre camp, il y avait l’Etat cité de Venise, Charles le Téméraire et une partie significative de la vieille aristocratie et de la noblesse médiévale qui souhaitaient maintenir l’ordre féodal et leurs propres privilèges.

En 20 ans, Louis XI et ses alliés les plus proches constituèrent une forte alliance dite « Ligue de Constance » à laquelle participèrent plusieurs importants duchés dont les dirigeants restèrent fidèles au Roi. A l’époque, la France était composée de 14 duchés féodaux et de 94 grandes villes, que Louis XI avait unifiés sur la base du bien commun et des possibilités de développement commun. L’idée du « bien commun » se propagea dans le pays sous le slogan : « Un droit, un poids, une monnaie ». En même temps, le Roi renforça l’armée permanente établie par son père Charles VII.

Sa stratégie consistait à gagner des cités, développer des centres culturels, créer des manufactures et ouvrir des foires commerciales internationales, etc., afin d’attirer dans ces centres tous les talents des régions rurales ainsi que de l’étranger. Les villes à leur tour défendirent avec enthousiasme cette politique. Mais pour unifier la nation, le Roi avait besoin du duc René II, le chef des princes de Valois qui contrôlaient alors une grande partie du centre de la France.

René, cependant, était loin de répondre aux critères du Prince humaniste. Pire encore, il recevait 5000 ducats par mois des Vénitiens, avec lesquels il avait conclu une alliance intéressée. Louis XI, pour le rallier à son projet, dut faire appel aux arguments de la diplomatie plus qu’à ceux de la raison ou de la morale. Par l’entremise de son confesseur et secrétaire, le père Jean Pèlerin Viator, il lui dépêcha Jean Ludovic de Pfaffenhoffen ,frère de Lud Vautrin, plus tard directeur du Gymnase vosgien.

Celui-ci, promu ambassadeur et négociateur de René II auprès du Doge, obtint ce qui pouvait à la fois satisfaire René et Louis. Ce compromis permit à Louis de disposer d’un ami certes peu désintéressé, mais puissant et fidèle à la guerre.

Plus tard, René sera en effet le héros de la « bataille de Nancy » qui consacra l’unité de la France. Le 5 janvier 1477, devant cette ville, Charles le Téméraire rassembla ce qui était réputé être la plus grande armée d’Europe. René, à la tête des forces du Roi et de ses alliés, l’emporta cependant et Charles, après avoir vu ses forces anéanties, mourut de ses blessures.

P.-S.

Source : Cet article est partiellement ou en totalité issu du texte de histoire du 15ème siècle/ Une idée neuve. L’État Nation (archives Ljallamion, petit mourre, encyclopédie imago mundi, l’histoire, ect....)