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L’histoire pour le plaisir

Bonifacius Amerbach

lundi 6 octobre 2025, par lucien jallamion

Bonifacius Amerbach (1495-1562)

Compositeur, juriste et humaniste suisse

Son œuvre juridique, qui marqua l’humanisme de son empreinte, se fonde sur les valeurs éthiques des Anciens, en particulier sur le droit romain. Son interprétation nuancée de ces principes est à l’origine de la conception moderne de droit naturel. L’âge classique voyait en lui l’héritier spirituel d’Érasme de Rotterdam.

Amerbach est issu d’une famille d’imprimeurs et de juristes bâlois [1] acquise à l’humanisme. Il était le fils benjamin de Johannes Welcker dit Amerbach , car originaire d’Amorbach [2], et de Barbara Ortenberg, fille d’un échevin de Bâle.

Il aurait appris à jouer de l’orgue avant de fréquenter l’école de latin de Sélestat [3]. Il est en tous cas certain qu’il connaissait personnellement le facteur d’orgue [4] et organiste [5] Hans Tugi .

En 1508 il s’inscrivit à la faculté des Arts de l’Université de Bâle [6] et étudia la théorie musicale, tout en suivant les leçons de l’organiste Johannes Kotter. Il en tira un recueil de gammes, le Codex Amerbach, qui est l’un des traités musicaux les plus complets du 16ème siècle.

Il poursuivit ses études à l’Université de Fribourg-en-Brisgau [7] en 1513, où il se consacra au droit. De Ulrich Zasius il apprit les rudiments du droit civil, qui commençait à s’émanciper de la tradition scolastique [8] et à renouveler la discipline. Il se lia d’amitié avec Sixt Dietrich et l’organiste Hans Weck. Puis de 1519 à 1525, Amerbach acheva ses études à l’université d’Avignon [9], où il fut le disciple d’ André Alciat et soutint sa thèse de doctorat in utroque jureUn diplôme in utroque jure (ou in utroque iure) est une licence ou un doctorat « en l’un et l’autre droits », c’est-à-dire en droit canon et en droit civil. Ce diplôme était fréquent du Moyen Âge à la fin de l’époque moderne dans les universités européennes et il l’est resté dans la hiérarchie de l’Église catholique romaine. En 1902, le président américain Grover Cleveland se le vit décerner à titre honorifique par le collège augustinien de Saint-Thomas.

Dès 1525 il fut appelé comme professeur de droit à l’université de Bâle et y enseigna le droit romain jusqu’en 1536. Comme l’université de Bâle, secouée par les excès de la Réforme, était en crise, Amerbach s’efforça de faire reprendre les cours. Il fut réélu 5 fois recteur de l’université et fit ouvrir une chaire d’éthique aristotélicienne.

En 1527 il épousa Martha Fuchs, la fille d’un négociant et bourgmestre [10] de Neuenburg am Rhein [11] : elle lui donna en 1533 son fils unique Basilius, lui-même futur juriste et humaniste. De 1536 à 1548, année où il fut consacré professeur émérite, il poursuivit épisodiquement son enseignement à l’université, car depuis 1535 il était Syndic de la ville de Bâle, défendant la cause d’Érasme de Rotterdam et obtenant sa nomination comme privat-docent de l’université de Bâle. Il était en outre conseiller juridique de plusieurs villes et principautés du Saint Empire.

Amerbach, qui vit les débuts de la Réforme à Bâle en 1529, prit d’abord ses distances avec les évangélistes : il se posa en défenseur de la doctrine catholique de la Transsubstantiation et repoussa le rite réformé de l’eucharistie. En 1530 ses prises de position furent mises en cause par les autorités de Bâle, mais sa position sociale élevée, celle de recteur, lui interdisait d’émigrer comme tant d’autres le faisaient.

Il était lié d’une profonde amitié avec Érasme, dont il partageait et encourageait la critique envers les idées, jugées extrémistes, de Martin Luther et d’Ulrich Zwingli, quoique ses propres déclarations fussent toujours modérées et conciliantes : il dénonçait les utopies sociales d’iconoclastes tels Karlstadt, dont les outrances finirent par la Guerre des paysans [12], tout en condamnant l’acharnement contre les pauvres et les anabaptistes.

À partir de 1533, Amerbach se rapprocha des vues de Martin Bucer : sous son influence, il se rallia peu à peu à la Réforme et en 1534 admit la doctrine de l’eucharistie. Dès 1533 il avait été délégué et juge au Synode de Strasbourg, et il participa en 1540/1541 au concile de Worms [13].

Amerbach est considéré comme l’un des principaux humanistes de l’entourage d’Érasme. De son vivant il était surtout réputé comme juge, et s’il est vrai qu’il n’a composé aucun ouvrage sur le droit, les témoignages transmis par les sources sont parmi les mieux documentés de l’époque.


Dans sa maison du Petit-Bâle, Amerbach possédait, outre une bibliothèque et quelques bibelots, une collection de recueils et d’instruments de musique.

P.-S.

Source : Cet article est partiellement ou en totalité issu du texte de Hans-Rudolf Hagemann, Die Rechtsgutachten des Bonifacius Amerbach. Helbing & Lichtenhahn, Bâle (1997), (ISBN 3-7190-1542-4).

Notes

[1] Bâle est la troisième ville la plus peuplée de Suisse après Zurich et Genève, et le chef-lieu du canton de Bâle-Ville. En 1460, la première université suisse est fondée à Bâle. La ville a ainsi historiquement constitué un lieu d’enseignement de référence en Europe en matière de théologie, de philosophie, de droit, de médecine et de pharmacologie. L’université de Bâle a été fréquentée, au fil des siècles, par Érasme de Rotterdam, Paracelse, Daniel Bernoulli, Friedrich Nietzsche, Karl Jaspers, le lauréat du prix Nobel de physiologie ou médecine Tadeusz Reichstein ou la philosophe Jeanne Hersch

[2] Amorbach est une ville allemande de l’arrondissement de Miltenberg dans le district de Basse-Franconie, en Bavière.

[3] Sélestat est une commune française, dans le département du Bas-Rhin, en Alsace. Sélestat est mentionnée pour la première fois au 8ème siècle. Ville libre du Saint-Empire, membre de la Décapole, Sélestat connaît un développement très rapide à la fin du Moyen Âge et au cours de la Renaissance. Elle devient d’ailleurs un foyer de l’humanisme. C’est alors la troisième ville alsacienne, dotée d’un port sur l’Ill et d’une ceinture de remparts. Elle souffre néanmoins des troubles liés à la Réforme, de la guerre des Paysans puis de la guerre de Trente Ans, à la suite de laquelle elle devient française.

[4] Un facteur d’orgue est un artisan (ou une entreprise artisanale) spécialisé dans la fabrication et l’entretien d’orgues complets et des nombreuses pièces entrant dans leur construction. Suivant l’importance des opérations de maintenance, on parle de dépoussiérage, de relevage, de restauration (souvent à l’identique), de reconstruction. Ce métier nécessite la maîtrise de nombreuses disciplines, dont la menuiserie, la mécanique, le travail des peaux et le formage des métaux, et des matières plastiques, l’électricité et l’électrotechnique, l’informatique, ainsi que des connaissances musicales et acoustiques très sérieuses.

[5] Joueur d’orgue ; L’orgue est un instrument à vent multiforme dont la caractéristique est de produire les sons à l’aide d’ensembles de tuyaux sonores accordés suivant une gamme définie et alimentés par une soufflerie. L’orgue est joué majoritairement à l’aide d’au moins un clavier et le plus souvent d’un pédalier.

[6] L’Université de Bâle (en latin Universitas Basiliensis, en allemand Universität Basel) est une université suisse fondée en 1460 à Bâle. Elle est de ce fait la plus ancienne université de Suisse. En raison de l’héritage intellectuel d’Érasme de Rotterdam au XVe siècle, l’université est généralement comptée parmi l’un des lieux de naissance de l’humanisme de la Renaissance

[7] L’université Albert-Ludwig de Fribourg-en-Brisgau, fondée par l’archiduc Albert VI d’Autriche le 21 septembre 1457, fut la seconde université habsbourgeoise après celle de Vienne et devint le grand centre intellectuel de l’Autriche. Elle reçut ses premiers étudiants le 26 avril 1460. Les cours débutèrent dans les quatre facultés classiques pour l’époque médiévale : théologie, droit, médecine et philosophie. Il y eut 215 inscriptions la première année, et l’érudit hébraïsant Johannes Reuchlin y étudia le trivium. Sa zone de rayonnement se limitait au sud-ouest de l’Allemagne, à l’Alsace, à la Suisse et à l’Autriche.

[8] La scolastique est la philosophie développée et enseignée au Moyen Âge dans les universités : elle vise à concilier l’apport de la philosophie grecque (particulièrement l’enseignement d’Aristote et des péripatéticiens) avec la théologie chrétienne héritée des Pères de l’Église et d’Anselme. De ce fait, on peut dire qu’elle est un courant de la philosophie médiévale.

[9] Pour concurrencer la création de la Sorbonne, jugée trop proche du pouvoir royal français, une bulle du pape Boniface VIII érige le studium d’Avignon en studium generale, donnant le jus ubique docendi à l’université d’Avignon le 2 juillet 1303. Les écoles qui existent déjà (médecine, théologie, arts grammaticaux…) sont fédérées autour de quatre facultés et développées au sein de l’université grâce aux subsides de la papauté encore romaine. Le 5 mai de la même année, Charles II, roi de Sicile et comte de Provence, accorde des immunités aux études d’Avignon. L’université d’Avignon est l’une des plus anciennes de France et la création de celle de Rome se fait la même année. Elle se développe avec la présence des papes à Avignon, rivalisant avec les universités de Montpellier et Toulouse, jusqu’à accueillir 17 000 étudiants. Puis, après le retour des papes à Rome, l’université centrée sur le droit perd de son prestige face aux Jésuites et aux séminaires. En 1608 la jeune Barcelonaise Juliana Morell y reçoit le degré de Docteur en Lois, étant la première femme docteure au monde. À la Révolution française, la ville est annexée à la France en même temps que le Comtat Venaissin et l’université supprimée - comme toutes les universités françaises - par le décret du 15 septembre 1793. Elle n’est pas reconstituée lorsque Napoléon réinstitue l’Université de France en 1808.

[10] Le bourgmestre est le détenteur du pouvoir exécutif au niveau communal, en Allemagne, en Autriche, en Belgique, en Hongrie, au Luxembourg, aux Pays-Bas, en Pologne, au Liechtenstein et en République démocratique du Congo. Ce titre correspond à celui de maire en France et au Canada, ou à celui de syndic, de maire ou de président de commune en Suisse.

[11] Neuenburg am Rhein (en français : Neuchâtel-sur-le-Rhin, depuis le 18 mars 1975) est une ville allemande en Bade-Wurtemberg, située dans le district de Fribourg-en-Brisgau. Elle se trouve à moins d’un kilomètre du Rhin, qui marque la frontière franco-allemande. Sur la rive opposée, en Alsace, se trouve sa voisine française : la commune de Chalampé. Neuenburg am Rhein est un lieu de passage entre la France et l’Allemagne grâce aux ponts routiers et ferroviaires qui traversent le Rhin et le grand canal d’Alsace.

[12] La guerre des Paysans allemands est un conflit social et religieux qui a eu lieu dans le Saint-Empire romain germanique entre 1524 et 1526 dans diverses régions aujourd’hui réparties entre 5 pays européens. Elle se déroula géographiquement en Souabe, Bade, Palatinat, Hesse, Thuringe (Allemagne actuelle), au Tyrol, dans le pays de Salzbourg, en Carinthie (Autriche actuelle) en Alsace, Lorraine, Franche-Comté (France actuelle), dans les cantons de Bâle, Berne, Lucerne et les Grisons (Suisse actuelle) ainsi que dans le Trentin-Haut-Adige (Italie actuelle). On l’appelle en allemand le soulèvement de l’homme ordinaire (Erhebung des gemeinen Mannes), la révolution de l’homme du commun (Revolution des gemeinen Mannes). En français, on trouve aussi la forme révolte des Rustauds. Cette vaste insurrection s’est structurée progressivement, à la suite d’un profond mécontentement social et politique des paysans et artisans des campagnes. Ce dernier s’est manifesté dans un premier temps par les conjurations antiseigneuriales du Bundschuh (« soulier à lacet », symbole des paysans par opposition à la botte seigneuriale). Ces rébellions locales ont été particulièrement vivaces de 1493 à 1517, notamment celles conduites par le meneur badois Joss Fritz. Au sujet du Bundschuh comme de la guerre des Paysans, on a pu établir des rapprochements avec des phénomènes antérieurs en Europe : la révolte des Lollards, en Angleterre, ainsi que celle des Hussites en Bohême. L’innovation intellectuelle et spirituelle liée à la réforme protestante procure un nouvel élan, et un argumentaire revendicatif rénové, appuyé sur les Évangiles tels qu’ils ont été relus par le mouvement réformateur.

[13] Le Colloque religieux de Haguenau a eu lieu du 28 juin au 28 juillet 1540 à Haguenau en Alsace. Des princes électeurs, des princes ou leurs représentants et des théologiens ont tenté d’y établir les conditions d’un dialogue religieux pertinent entre protestants et catholiques. Ce colloque était présidé par le roi Ferdinand d’Autriche, frère de Charles Quint. Les réformateurs Jean Calvin, Brenz, Bucer, Capiton, Cruciger, Philippe Melanchthon, Menius, Myconius, Geldenhauer, y participèrent ainsi que les catholiques Johannes Eck, Fabri, Gropper, Nausea, Cochlaeus. Le colloque a finalement échoué sur la question de l’autorité et de la structure de l’Église ainsi que sur la question de la transsubstantiation et de la confession.