Corentin de Quimper ou Saint Corentin
Selon la tradition premier évêque de Quimper au 5ème siècle
Sa vie est racontée dans la Vita [1] de saint Corentin écrite vers 1220-1235 et publiée par Dom Plaine, cette publication ayant fait l’objet de commentaires et de mises à jour apportant rectificatifs et compléments.
La chanson d’Aiquin [2] l’évoque également. La légende hagiographique [3] du saint écrite au 13ème siècle révèle un enjeu politique, celui de légitimer la domination de l’évêché de Quimper [4] sur les abbayes de Landévennec [5] et Loctudy.
Dans la Vie des saints de la Bretagne Armorique, publiée en 1637 par l’hagiographe Albert le Grand , saint Corentin serait né à Locmaria [6] en Cornouaille armoricaine [7] vers 375 13 ans avant que le tyran Maxime passât en Gaule, et fut dès son enfance, instruit par ses parents en la religion chrétienne.
Dom Lobineau pense que sa naissance a lieu vers 530, un 12 décembre mais cette interprétation est en contradiction avec le fait que ses disciples, Guénolé saint fondateur de l’abbaye de Landévennec et qui voit le jour vers 460 et saint Tudy , l’accompagnèrent à Tours [8], ce qui suggère que Corentin fut contemporain de ces deux saints.
Il devient ermite à Plomodiern [9], au pied du Ménez-Hom [10], où sa grande piété faisait déjà des miracles.
Le jour où le roi Gradlon décide de fonder le diocèse de Quimper, il appelle Corentin pour qu’il en devienne le premier évêque. Il l’aurait envoyé à Tours se faire consacrer évêque par le futur saint Martin.
Gradlon lui aurait accordé un palais à Quimper à l’emplacement de l’actuelle cathédrale de la ville. Corentin est également associé à la légende d’Ys [11]. La littérature bretonne, s’appuyant sur la version hagiographique d’Albert Le Grand, fait de Dahut une pécheresse impudique devant être châtiée. Elle y est responsable par ses mauvaises actions de la submersion de la ville d’Ys. Son père Gradlon tente de la sauver de la noyade, mais l’homme de Dieu qui l’accompagne provoque sa chute dans les eaux.
La présence de Corentin comme premier évêque de Quimper est reconnue historiquement au concile d’Angers de 453 [12] où il signe des canons.
Après sa mort, il aurait été enterré devant le maître-autel de la cathédrale de Quimper [13]. Devant l’invasion normande de 878, ses reliques sont transportées à l’abbaye Saint-Magloire de Léhon [14] avant d’être réparties en région parisienne dont une partie à l’abbaye Saint-Corentin de Mantes [15] où une abbaye royale lui est dédiée en 1201 par le roiPhilippe Auguste, puis à Tours à l’abbaye de Marmoutier [16].
Dans la tradition locale, Corentin représente l’un des 4 piliers de la Cornouaille, avec le roi Gradlon, et ses disciples saint Guénolé et saint Tudy.
Notes
[1] Dans le christianisme, une Vita est un livre dans lequel sont relatés la vie et les miracles d’un saint. Les historiens parlent également de récit hagiographique (récit légendaire ou semi-légendaire) recueilli dans les légendiers sous une multiplicité de termes possibles (uita, passio, martyrium, confessio, conuersio)
[2] Le Roman d’Aiquin ou Chanson d’Aiquin est une chanson de geste écrite en Bretagne. Son texte est connu grâce à une copie manuscrite du 15ème siècle. Elle est considérée comme le plus ancien poème épique composé en langue française en Bretagne
[3] L’hagiographie est l’écriture de la vie et/ou de l’œuvre des saints. Pour un texte particulier, on ne parle que rarement d’« une hagiographie », mais plutôt d’un texte hagiographique ou tout simplement d’une vie de saint. Le texte hagiographique étant destiné à être lu, soit lors de l’office des moines soit en public dans le cadre de la prédication. Un texte hagiographique recouvre plusieurs genres littéraires ou artistiques parmi lesquels on compte en premier lieu la vita, c’est-à-dire le récit biographique de la vie du saint. Une fresque à épisode est également une hagiographie, de même qu’une simple notice résumant la vie du bienheureux. Par rapport à une biographie, l’hagiographie est un genre littéraire qui veut mettre en avant le caractère de sainteté du personnage dont on raconte la vie. L’écrivain, l’hagiographe n’a pas d’abord une démarche d’historien, surtout lorsque le genre hagiographique s’est déployé. Aussi les hagiographies anciennes sont parsemées de passages merveilleux à l’historicité douteuse. De plus, des typologies de saints existaient au Moyen Âge, ce qui a conduit les hagiographes à se conformer à ces modèles et à faire de nombreux emprunts à des récits antérieurs.
[4] Le diocèse de Cornouaille ou diocèse de Quimper-Corentin, dans l’actuel Finistère, a existé depuis sa fondation au 6ème siècle par Corentin jusqu’en 1790. La loi sur la constitution civile du clergé, votée le 12 juillet 1790 par l’Assemblée nationale constituante instituait un diocèse par département. Amputé des paroisses situées dans les départements du Morbihan et des Côtes-du-Nord, le diocèse de Cornouaille sera uni à celui de Léon et à une partie de celui de Tréguier pour former le diocèse du Finistère, cette décision sera confirmée par le Concordat de 1801 qui entérinera l’existence de cette nouvelle circonscription sous le nom de diocèse de Quimper et Léon.
[5] L’abbaye Saint-Guénolé de Landévennec est une abbaye située en la commune de Landévennec dans le département du Finistère. Elle est réputée avoir été fondée au 5ème siècle par saint Guénolé, ce qui en fait une des plus anciennes et plus importantes de Bretagne. L’historien Arthur Le Moyne de la Borderie l’a qualifiée de "Cœur de la Bretagne". Abandonnée en 1793 et ruinée dans les années 1810, elle est relevée par une nouvelle communauté monastique bénédictine en 1958, qui y construit de nouveaux bâtiments. Elle est affiliée à la congrégation de Subiaco.
[6] Locmaria est une commune française située sur l’île de Belle-Île-en-Mer dans le département du Morbihan. Il s’agit de la commune la plus méridionale de la région Bretagne.
[7] Le royaume de Cornouaille est une entité qui se serait formé dans le contexte de l’Armorique au haut Moyen Âge. La connaissance précise de cette entité mêle l’histoire écrite et les légendes orales.
[8] Le diocèse de Tours a été érigé dès le 3ème siècle. Celui-ci correspondait à la province romaine Lugdunensis Tertia (Lyonnaise III), province créée apparemment sous Maxime (Clemens Maximus augustus), vers 385, par subdivision de la province dioclétienne de Rotomagus / Rouen (Lyonnaise IIe). Il a été élevé au rang d’archidiocèse au 5ème siècle. Au 4ème siècle, le diocèse a été marqué par la figure emblématique de Martin de Tours qui le dirige entre 371 et 397, et qui en est devenu le saint patron
[9] Plomodiern est une commune du département du Finistère
[10] Le Ménez Hom est une montagne située en Bretagne, dans le département du Finistère, en pays de Cornouaille, entre l’Aulne et le terroir de Porzay, sur le territoire des communes de Plomodiern, Saint-Nic, Trégarvan et Dinéault où elle culmine à 329 mètres d’altitude. Elle domine la rade de Brest et la baie de Douarnenez, et termine les montagnes Noires.
[11] Ys ou Is, parfois appelée Kêr Ys, est une ville légendaire de Bretagne, qui aurait été engloutie par l’océan. Probablement issue d’un thème celtique autour de la femme de l’Autre Monde, la légende de la ville d’Ys a été christianisée. L’un des éléments originels est le personnage de Dahut. L’œuvre hagiographique de Pierre Le Baud, qui est la plus ancienne version écrite, présente l’engloutissement de la ville comme résultant des péchés de ses habitants, mettant en valeur les évangélisateurs bretons.
[12] Le 4 octobre 453, sous le pontificat de Léon 1er dit Léon 1er le Grand, eut lieu à Angers, le premier concile des évêques de Gaule. Il est considéré comme concile général. On sait que 7 évêques ont siégé au concile : Eustochius ou Eustoche de Tours, Léon de Bourges (qui reçut la présidence de l’assemblée par Eustochius), Thalasse ou Thalaise d’Angers, Léon de Nantes, Désidérius (Didier) de Nantes, Chariaton a priori identifié (selon certains auteurs) à Corentin de Quimper et saint Victurius du Mans. Durant le concile : "On y renouvela les lois des conciles de Vaison, d’Orange et d’Arles, particulièrement sur la juridiction des évêques, sur leurs clercs, et l’irrégularité provenant de la bigamie. Mais il excommunie aussi celui qui renoncerait à la cléricature pour la milice séculière et les moines qui voyageraient sans lettres de congé. Il ne veut pas qu’un évêque avance dans les ordres le clerc d’un autre évêque. Il défend les violences et les mutilations de membres : ce qui marque les désordres causés par l’invasion des Barbares qui ravageaient alors les Gaules. À l’issue du concile, 12 canons furent promulgués
[13] La cathédrale Saint Corentin de Quimper est une cathédrale catholique et une basilique mineure placée sous le patronage de Notre-Dame et du premier évêque légendaire dont elle porte le nom, saint Corentin. Elle est située dans le centre-ville de Quimper, chef-lieu du département du Finistère. Siège du diocèse de Quimper avant la Révolution française, le bâtiment est depuis 1801 le siège du diocèse de Quimper et Léon. Elle est une des sept cathédrales étapes du Tro Breiz. Le monument actuel de style gothique est édifié au 13ème siècle sur la base d’édifices plus anciens, et achevé sous le Second Empire. Il présente une apparente unité architecturale malgré un chantier permanent durant six siècles.
[14] L’abbaye Saint-Magloire est un ancien monastère bénédictin situé dans l’ancienne commune de Léhon dans les Côtes-d’Armor en France. L’abbaye fut reconstruite au cours de la fin du 12ème et au 13ème siècle, par Pierre Mauclerc. L’abbaye dépendait du diocèse de Saint-Malo et la paroisse était du ressort et de la subdélégation de Dinan. Le roi des Francs : Philippe 1er, signe en 1093, une charte prononçant la soumission de l’abbaye Saint-Magloire à celle de l’abbaye de Marmoutier. En 1168, Henri II, roi d’Angleterre assiège le château, brûle le cimetière le 25 juin 1168, mais épargne l’église et le prieuré, qui sera rasé en 1169 et reconstruit en 1170. En 1181, l’abbaye se place sous la tutelle de l’abbaye de Marmoutier, les titres sont conservés aux Archives départementales des Côtes-d’Armor. Le jeune duc Geoffroy II de Bretagne donne en 1181, confirmation de l’accord conclu entre l’abbaye Saint-Magloire de Paris et le prieuré royal Saint-Magloire de Léhon
[15] L’abbaye royale de Saint-Corentin-lès-Mantes est une ancienne abbaye bénédictine de femmes, construite sur l’actuelle commune de Septeuil (Yvelines), au diocèse de Chartres. Elle a complètement disparu, un château est construit sur son emplacement au 19ème siècle
[16] L’abbaye de Marmoutier est une ancienne abbaye bénédictine située sur la rive droite de la Loire, un peu en amont de Tours. Fondée par Martin de Tours, peut-être dès 372, l’abbaye connut son apogée au Moyen Âge et ses dépendances s’étendaient dans une bonne partie de la France médiévale et jusqu’en Angleterre. Elle fut démembrée sous le Révolution française.