264 à 146 av. jc Carthage rivale de Rome
La cité de Carthage [1] affronta sa rivale Rome pendant plus d’un siècle, de 264 à 146 av. jc, pour la domination de la Méditerranée occidentale.
Les guerres puniques [2] se terminèrent sur une victoire totale de Rome. Bien oubliée depuis, la cité de Carthage n’en était pas moins digne de considération.
Des commerçants audacieux
Les habitants de Carthage sont originaires du pays de Canaan [3], c’est-à-dire du Proche-Orient actuel [4].
Également appelés Phéniciens, les Cananéens étaient d’habiles navigateurs et des commerçants hors pair. Ils étaient connus des Égyptiens contemporains de Ramsès II sous le nom de Peuples de la Mer [5]. Ils sont à l’origine de notre alphabet phonétique.
Les cités phéniciennes comme Sidon [6] ou Tyr [7] ont créé des colonies tout autour de la mer Méditerranée, autour d’anses rocheuses propices à l’amarrage des navires et appelées cothons. C’est ainsi que Gadès [8] et Utique [9] ont été fondées par les Phéniciens dans l’actuelle Tunisie entre le 12 et le 10ème siècles.
Carthage fut quant à elle fondée plus tard, en 663 av. jc, par des marins de Tyr, sur une presqu’île entourée de lagunes, au nord de l’actuelle Tunis [10]. Au sommet de sa gloire, la cité compta 700 000 habitants si l’on en croit Strabon.
République oligarchique
Carthage a un gouvernement de forme républicaine. Le Sénat, qui regroupe les hommes libres, élit chaque année 2 Rois ou suffètes. Les Rois sont assistés par un Conseil des Anciens, recruté parmi les sénateurs. Ils sont choisis au début dans la famille des Magonides [11] puis dans celle des Hannonides [12].
Dans les faits, le gouvernement est accaparé par les principales familles de marchands. C’est une oligarchie comme Rome, Athènes [13] ou plus tard Venise [14] et Florence [15].
L’agriculture savante, l’arboriculture et la céramique sont les principales ressources de Carthage, sans oublier surtout le commerce.
Comme Tyr, Carthage fait le négoce des métaux [16] avec Gadès ou Cadix, en Espagne, et avec les îles Cassitérides [17] de l’Atlantique.
L’Histoire garde le souvenir du prodigieux voyage du suffète Hannon, qui longea les côtes africaines avec une flotte de nombreux navires et un total de 30 000 hommes. Il atteignit le sud du Maroc actuel avant de regagner la mère patrie.
Les Carthaginois adorent Tanit et surtout Ba’al Hammon. À ce dieu, selon une coutume originaire de Tyr, ils offrent en sacrifice des enfants au cours d’une cérémonie appelée molek ou Moloch [18] . Les malheureux sont jetés dans une fournaise et leurs cendres sont conservées dans un endroit appelé tophet [19]. Les archéologues en ont retrouvé les traces sur le site de Carthage.
Notes
[1] Carthage est une ville tunisienne située au nord-est de la capitale Tunis. L’ancienne cité punique, détruite puis reconstruite par les Romains qui en font la capitale de la province d’Afrique proconsulaire, est aujourd’hui l’une des municipalités les plus huppées du Grand Tunis, résidence officielle du président de la République, regroupant de nombreuses résidences d’ambassadeurs ou de richissimes fortunes tunisiennes et expatriées. La ville possède encore de nombreux sites archéologiques, romains pour la plupart avec quelques éléments puniques,
[2] Les guerres puniques constituent une série de trois conflits qui opposent sur près d’un siècle la Rome antique et la civilisation carthaginoise. La cause principale des guerres puniques est un conflit d’intérêts entre l’empire carthaginois et la république romaine en pleine expansion. Au départ, les Romains convoitent la Sicile qui est en partie contrôlée par les Carthaginois.
[3] Canaan désigne une région du Proche-Orient ancien située le long de la rive orientale de la mer Méditerranée. Cette région correspond plus ou moins aujourd’hui aux territoires réunissant les territoires disputés, l’État d’Israël, l’ouest de la Jordanie, le sud du Liban et l’ouest de la Syrie.
[4] Liban, Israël et Palestine
[5] Les Égyptiens anciens appelaient peuples de la mer (plus littéralement Gens des pays étrangers de la Mer) des groupes de différents peuples venus par la mer Méditerranée attaquer par 2 fois au moins, mais sans succès, la région du delta du Nil, sous les règnes de Mérenptah et de Ramsès III, à la fin du 13ème siècle et au début du 12ème siècle avant notre ère, à la fin de l’âge du bronze récent (période du Nouvel Empire). On identifiait parmi eux les Lukkas (Lyciens ?), Pelesets (Philistins ?), Aqweshs/Denyens (Grecs ?), Shardanes (Sardes ?) et Shekeleshs, entre autres. Certains de ces peuples sont présents dans les textes provenant de régions plus au nord, sur les côtes d’Anatolie méridionale et du Levant, où ils mettent à mal les royaumes dominés par les Hittites et prennent part à leur chute. Certains d’entre eux s’installent ensuite au Proche-Orient, les plus connus étant les Philistins, qui font souche au sud du Levant et qui sont souvent évoqués dans la Bible en tant qu’ennemis mortels des Israélites. Les migrations des peuples de la mer, souvent citées comme responsables de la destruction de nombreux sites côtiers de la Méditerranée orientale au début du 12ème siècle avant notre ère, suscitent des interprétations très variées. Ces événements sont perçus comme faisant partie du processus d’effondrement des puissances dominantes au Proche-Orient et en Méditerranée orientale à la fin de l’âge du bronze tardif. Mais il reste difficile de dater précisément les destructions observées sur les sites de la période et d’en déterminer les causes. En raison des lacunes des sources textuelles et des nombreuses difficultés posées par leur interprétation, les mécanismes et les motivations de ces migrations restent largement obscurs pour les chercheurs.
[6] Sidon ou Saïda en arabe est une ville du Liban. Elle fut dans l’antiquité la capitale incontestée de la Phénicie. La ville était construite sur un promontoire s’avançant dans la mer. Ce fut le plus grand port de la Phénicie sous son roi Zimrida, au 18ème siècle.
[7] Tyr se situe dans la Phénicie méridionale, à un peu plus de 70 km au sud de Beyrouth et à 35 km au sud de Sidon, presque à mi-chemin entre Sidon au nord et Acre au sud, et à quelques kilomètres au sud du Litani.
[8] Gadès est le nom de la ville actuelle Cadix. La cité fut fondée vers 1100 av. jc par les Phéniciens, au sud de l’Ibérie, à l’entrée du détroit de Gibraltar, sur le golfe atlantique de Gadès. Ses habitants, les Gaditains, étaient des commerçants et des marins réputés. Les Carthaginois s’emparèrent de la ville en 501 av.jc. La Seconde Guerre punique entre la République de Carthage et la République romaine commença par un différend sur l’hégémonie sur Sagonte, une ville côtière hellénisé et allié de Rome. Après de nombreuses batailles entre les Romains et les Carthaginois dans la Péninsule Ibérique, seul Gadir avec l’aide de Magon Barca résista un certain temps, mais assiégée par Scipion l’Africain, elle se rend sans condition à la République romaine en 206 av.jc tout en maintenant sa forte activité commerciale.
[9] Utique est un site archéologique localisé à l’emplacement d’une ancienne cité portuaire fondée par les Phéniciens dans l’Antiquité. Il est situé au nord de l’actuelle Tunisie, à une trentaine de kilomètres au nord-ouest de Carthage, dans le gouvernorat de Bizerte.
[10] Tunis est la ville la plus peuplée et la capitale de la Tunisie. Elle est aussi le chef-lieu du gouvernorat du même nom depuis sa création en 1956. Située au nord du pays, au fond du golfe de Tunis dont elle est séparée par le lac de Tunis, la cité s’étend sur la plaine côtière et les collines avoisinantes. Son cœur historique est la médina. Bourgade modeste placée dans l’ombre de Carthage, Kairouan puis Mahdia, elle est finalement désignée comme capitale le 20 septembre 1159, sous l’impulsion des Almohades, puis confirmée dans son statut sous la dynastie des Hafsides en 1228 et à l’indépendance du pays le 20 mars 1956.
[11] Les Magonides sont une dynastie de souverains carthaginois, du temps où ceux-ci étaient dirigés par des rois selon la thèse soutenue par certains historiens, en particulier Gilbert Charles-Picard. Le premier d’entre eux est Magon 1er, qui tira Carthage de l’influence phénicienne et imposa la suzeraineté de sa cité aux autres colonies phéniciennes d’Afrique du Nord comme Utique. Sous les Magonides, l’empire carthaginois s’étend sur la Sardaigne, la côte libyenne et sur une grande partie de la Sicile. Les Magonides gouvernent à l’instar de rois, tout en s’appuyant sur les assemblées comme le Conseil des Anciens. À la mort d’Hamilcar 1er, vers 480, les rois perdent de nombreux pouvoirs au profit du Conseil des Anciens. Finalement, l’échec du coup d’État de l’Hannonide Bomilcar, en 308, accélère le processus de transformation de Carthage en une république.
[12] Les Hannonides sont une grande famille qui aurait constitué une dynastie royale selon les tenants de l’hypothèse d’une monarchie dans la cité punique de Carthage. L’historiographie actuelle, si elle reconnaît le rôle qu’a pu tenir certains membres de cette famille, rejette majoritairement la thèse de la royauté de Carthage.
[13] Athènes est l’une des plus anciennes villes au monde, avec une présence humaine attestée dès le Néolithique. Fondée vers 800 av. jc autour de la colline de l’Acropole par le héros Thésée, selon la légende, la cité domine la Grèce au cours du 1er millénaire av. jc. Elle connaît son âge d’or au 5ème siècle av. jc, sous la domination du stratège Périclès
[14] Venise est une ville portuaire du nord-est de l’Italie, sur les rives de la mer Adriatique. Elle s’étend sur un ensemble de 121 petites îles séparées par un réseau de canaux et reliées par 435 ponts. Située au large de la lagune vénète, entre les estuaires du Pô et du Piave, Venise est renommée pour cette particularité, ainsi que pour son architecture et son patrimoine culturel
[15] Florence est la huitième ville d’Italie par sa population, capitale de la région de Toscane et siège de la ville métropolitaine de Florence. Berceau de la Renaissance en Italie, capitale du royaume d’Italie entre 1865 et 1870
[16] argent, étain
[17] Les îles Cassitérides, c’est-à-dire les Îles de l’étain, étaient, dans la géographie antique, le nom d’îles considérées comme étant situées quelque part près des côtes occidentales de l’Europe. Déjà Hérodote avait vaguement entendu parler d’elles. Plus tard, certains auteurs comme Posidonios, Diodore de Sicile, Strabon et d’autres, les désignent comme des petites îles situées au large de la côte du nord-ouest de l’Espagne, qui contenaient des mines d’étain où, comme l’indique Strabon, l’étain et le plomb étaient extraits, bien qu’un passage dans Diodore fasse plutôt dériver le nom de leur proximité des zones stannifères du nord-ouest de l’Espagne. Ptolémée et Denys le Périégète les mentionnent également : le premier comme étant 10 petites îles situées au nord-ouest de la côte espagnole, disposées symboliquement en anneau ; le second les met en relation avec les Îles britanniques
[18] Moloch ou Molech est une divinité dont le culte était pratiqué dans la région de Canaan selon la bible. Il apparaît dans la Bible dans un contexte lié à des sacrifices d’enfants par le feu.
[19] Le terme Tophet désigne la partie centrale des sanctuaires à l’air libre présent dans les religions phéniciennes, libyques ou puniques. Y sont déposées les urnes contenant les cendres (dites vases cinéraires) des enfants (jusqu’à quatre ans) ou des animaux par substitution qui selon les interprétations auraient été sacrifiés aux dieux ou inhumés en ce lieu après leur mort prématurée. Le tophet peut désigner l’ensemble ou une partie de l’aerae sacré à ciel ouvert. Autour du tophet, se trouvent les stèles votives offertes en ex-voto ainsi que des stèles funéraires. L’originalité de ces aires sacrées est l’absence de construction, jusqu’au IIe siècle av. jc. De tels lieux ont été retrouvés dans plusieurs territoires occupés par les Phéniciens : en Africa et en particulier en Afrique proconsulaire (dans l’actuelle Tunisie et ainsi à Carthage), en Sicile (Motyé) ainsi qu’en Sardaigne (Site archéologique de Nora au Sud et Sulky au Sud-Ouest). Ces éventuels sacrifices se faisaient sans doute à la déesse Tanit ou au dieu Ba`al Hamon puis à Saturne dit africain. Dans les périodes les plus récentes, c’est-à-dire jusqu’au 2ème siècle av. jc,