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Clisthène (Athènes)

lundi 25 novembre 2024, par lucien jallamion

Clisthène (Athènes) (vers 565 ou 570 av. jc-508/492 av. jc)

Réformateur et homme politique athénien

Au moyen des réformes clisthéniennes [1], il instaura les fondements de la démocratie athénienne. Après la fuite et l’exil d’ Hippias en Asie Mineure [2], le jeu politique laissa plus de place aux grandes familles aristocratiques, Clisthène revint sur le devant de la scène. Il se posa alors en champion de l’isonomie [3] et renversa les aristocrates.

La figure de Clisthène est paradoxale : il a établi les fondements de la première démocratie au monde, or c’est un personnage qui n’a laissé que très peu de traces dans les sources hellènes, contrairement à Solon par exemple.

Cette totale absence de tradition historiographique pour celui qui est le père de l’Athènes démocratique constitue un mystère. C’est chez les adversaires de la démocratie que Clisthène et ses réformes sont le plus souvent cités.

Les lois de Clisthène sont inédites mais on ignore si elles ont été écrites. On connaît ce personnage grâce à une source majeure, l’Enquête d’Hérodote [4]. Aristote évoque également Clisthène dans la Constitution des Athéniens au chapitre XXI, mais son récit s’inspire principalement d’Hérodote, et développe d’autres arguments explicatifs.

Représentant de la prestigieuse famille des Alcméonides [5], il est le fils de Mégaclès , chef politique dont la fille passe pour avoir épousé Pisistrate. Par sa mère, Agaristé, il est le petit-fils du tyran [6] de Sicyone [7], Clisthène, tyran radical qui a pratiqué l’anadasmos [8] dans sa cité et pris des mesures vexatoires contre l’aristocratie dans le domaine religieux et politique vers 600 av. jc.

En 525-524 av. jc, il figure au nombre des archontes [9] élus à Athènes [10] et donc ne semble pas en mauvais terme avec le tyran. Exilé sous la tyrannie d’Hippias, il prend en charge la reconstruction du sanctuaire de Delphes [11], détruit en 548 av. jc dans un incendie, et se montre à cette occasion d’une grande prodigalité.

Hérodote rapporte ainsi que c’est en promettant que sa famille participerait à la reconstruction du sanctuaire qu’il persuada la Pythie de dire à tous les Spartiates [12] venus la consulter qu’ils devaient d’abord renverser la tyrannie des Pisistratides [13] à Athènes.

Le roi de Sparte Cléomène 1er, en accord avec la demande des Alcméonides, chassa le tyran Hippias, un des fils de Pisistrate qui avait pris le pouvoir et menait une tyrannie dans un absolutisme de plus en plus gratuit, et ce pendant 3 années.

La tyrannie renversée à Athènes, les tensions entre les grandes familles devinrent palpables, et ce particulièrement entre Clisthène, chef des Alcméonides, et Isagoras . En 508, Isagoras est nommé premier archonte.

Isagoras et ses partisans tentèrent d’établir une oligarchie [14] avec l’aide de Cléomène, avec qui il entretenait des liens d’amitié. Pour le contrer, Clisthène l’associa aux institutions et au gouvernement, que les Grecs anciens désignaient sous le terme “politeia”. Cette mesure inédite, voire révolutionnaire, devait modifier profondément les données de la vie politique à Athènes.

Il entreprit ensuite de faire voter des réformes politiques déterminantes pour la démocratie athénienne. À sa mort, il eut droit à des funérailles publiques au Céramique [15].

P.-S.

Source : Cet article est partiellement ou en totalité issu du texte de Pierre Lévêque et Pierre Vidal-Naquet, Clisthène l’Athénien : Essai sur la représentation de l’espace et du temps dans la pensée politique grecque de la fin du VIe siècle à la mort de Platon, Macula, coll. « Deucalion », 1983 (ASIN 2865890066)

Notes

[1] Les réformes clisthéniennes sont des réformes politiques introduites par Clisthène dans la Grèce antique en 508-507 av. jc. Au 6ème siècle av. jc, l’aristocrate athénien Clisthène entreprit d’importantes réformes politiques en Attique. Elles avaient pour but de transformer le système politique afin d’empêcher le retour de la tyrannie. Toutefois, ces réformes n’aboutirent pas immédiatement à la démocratie. En effet, les réformes de Clisthène permirent l’implantation de l’isonomie, c’est-à-dire l’égalité de tous devant la loi, ce qui fut le premier pas vers la démocratie. Les réformes portaient essentiellement sur une nouvelle division de l’Attique en de nouvelles tribus ainsi que l’implantation de nouvelles mesures toujours dans le but d’empêcher le retour de la tyrannie. De nouvelles fonctions, notamment celle de stratège, entrèrent en vigueur et marquèrent profondément les institutions politiques de la Grèce. Cette révision du système politique toucha l’Attique entière et transforma le mode de participation aux affaires publiques.

[2] L’Anatolie ou Asie Mineure est la péninsule située à l’extrémité occidentale de l’Asie. Dans le sens géographique strict, elle regroupe les terres situées à l’ouest d’une ligne Çoruh-Oronte, entre la Méditerranée, la mer de Marmara et la mer Noire, mais aujourd’hui elle désigne couramment toute la partie asiatique de la Turquie

[3] L’isonomie est l’égalité citoyenne ou politique apparue lors de la marche d’Athènes vers la démocratie. Elle est au cœur de ce régime politique à venir. On l’interprète aujourd’hui souvent comme égalité de droit ou égalité devant la loi. L’isonomie est l’œuvre essentielle de Clisthène qui la met en place par les réformes de 508 et 507 av. jc. Ces réformes consistent principalement à créer de nouvelles circonscriptions populaires et une assemblée, la boulè, dotée de pouvoirs qui d’abord contrebalancent, puis surmonteront et remplaceront, ceux des aristocrates.

[4] L’Enquête ou les Histoires est la seule œuvre connue de l’historien grec Hérodote. Le titre signifie littéralement « recherches, enquêtes ». C’est le plus ancien texte complet en prose que nous ayons conservé de l’Antiquité. Hérodote y expose le développement de l’Empire perse, puis y relate les guerres médiques qui opposèrent les Perses aux Grecs.

[5] Les Alcméonides étaient l’une des familles eupatrides (nobles) d’Athènes. Les Alcméonides prétendaient descendre de Nélée, fils de Poséidon et roi mythique de Pylos, et avoir été chassés de leur royaume par l’invasion des Doriens.

[6] Dans la Grèce antique, un tyran était un homme qui disposait d’un pouvoir assuré par la force ; ce pouvait être un ancien magistrat, parfois même un esclave, arrivé au pouvoir après un coup d’État, par ruse plus que par violence. Les tyrans ne prirent jamais officiellement le titre de tyran, et il n’y eut pas de titre général et officiel pour les désigner, c’est pourquoi on leur donne le nom dont leurs ennemis les stigmatisaient.

[7] Sicyone était une cité grecque du Péloponnèse, située sur un plateau, non loin du golfe de Corinthe. Sicyone devint rapidement un grand centre culturel, notamment dans le domaine de la sculpture. Ses ateliers de bronze et de céramique étaient très réputés. Son école de sculpture forma tout au long de l’Antiquité de grands artistes comme Lysippe, Polyclète, Scopas ou Diopoinos et Scyllis. C’est dans cette cité que, pensaient les Grecs, la peinture avait été inventée. Après la chute des tyrans, la prospérité continua jusqu’à la fin du 6ème siècle av. jc, lorsque Sicyone tomba alors dans l’orbite de Sparte. Sicyone participa à la ligue du Péloponnèse contre Athènes dans la guerre du Péloponnèse. Ceci fut cause de sa prise par les Thébains en 369 av. jc. Elle fut détruite pendant l’époque hellénistique par Démétrios Poliorcète en 303 av. jc, et rebâtie non loin de là.

[8] L’anadasmos était, en Grèce antique, une réforme qui consistait à partager les terres entre les paysans, de manière à abolir la domination des grands propriétaires.

[9] L’Archontat est la période pendant laquelle un archonte était en fonction. À Athènes, l’archontat fut d’abord une transformation de la royauté, entourée de détails légendaires. En 683 av.jc, est institué un collège annuel de neuf archontes, dont les trois premiers se partageaient les anciennes prérogatives de la royauté.

[10] Athènes est l’une des plus anciennes villes au monde, avec une présence humaine attestée dès le Néolithique. Fondée vers 800 av. jc autour de la colline de l’Acropole par le héros Thésée, selon la légende, la cité domine la Grèce au cours du 1er millénaire av. jc. Elle connaît son âge d’or au 5ème siècle av. jc, sous la domination du stratège Périclès

[11] Au pied du mont Parnasse en Phocide, Delphes est le site d’un sanctuaire panhellénique où parlait l’oracle d’Apollon à travers sa prophétesse, la Pythie ; il abritait également l’Omphalos ou « nombril du monde ». Investi d’une signification sacrée, Delphes fut du 6ème siècle av. jc au 4ème siècle av. jc le véritable centre et le symbole de l’unité du monde grec.

[12] Sparte était une ville-état de premier plan dans la Grèce antique . Dans l’Antiquité, la ville-état était connue sous le nom de Lacedaemon, tandis que le nom de Sparte désignait son établissement principal sur les rives de la rivière Eurotas en Laconie, dans le sud-est du Péloponnèse. Vers 650 av. jc, elle est devenu la puissance terrestre militaire dominante dans la Grèce antique. Compte tenu de sa prééminence militaire, Sparte fut reconnu comme le chef de file des forces grecques combinées pendant les guerres gréco-perses. Entre 431 et 404 av. jc, Sparte fut le principal ennemi d’ Athènes pendant la guerre du Péloponnèse

[13] Les Pisistratides sont les descendants du tyran d’Athènes, Pisistrate (fin du 6ème siècle av. jc). Au sens restreint, le terme désigne les deux fils de celui-ci, Hippias et Hipparque, qui héritent conjointement le gouvernement d’Athènes à la mort de leur père en 527.

[14] Une oligarchie est une forme de gouvernement où le pouvoir est détenu par un petit groupe de personnes qui forme une classe dominante. On peut distinguer les oligarchies institutionnelles et les oligarchies de fait. Les oligarchies institutionnelles sont les régimes politiques dont les constitutions et les lois ne réservent le pouvoir qu’à une minorité de citoyens. Les oligarchies de fait sont les sociétés dont le gouvernement est constitutionnellement et démocratiquement ouvert à tous les citoyens mais où en fait ce pouvoir est confisqué par une petite partie de ceux-ci.

[15] Le Céramique est le quartier des potiers à Athènes.