Philopœmen ou Philopoïmène (vers 253 av. jc-183 ou 182 av. jc)
Homme d’État et général grec
Nommé stratège [1] de la Ligue achéenne [2] à 8 reprises. Sa valeur militaire, son désintéressement et ses vertus civiques lui ont valu, aux dires de Plutarque, d’être surnommé par les Romains le dernier des Grecs. Pausanias a écrit de lui qu’après sa mort, la Grèce a cessé tout à fait de produire de grands hommes.
Né à Mégalopolis [3] en Arcadie [4] vers 253, il descend de Craugis, riche et noble citoyen. Orphelin, il est élevé par un ami de son père, nommé Cléandre, un citoyen de Mantinée [5] qui lui donne une éducation soignée.
Le jeune Philopœmen se passionne pour l’art militaire et prend pour modèle le Thébain [6] Épaminondas. Attiré dès son jeune âge par l’éducation physique, il s’entraîne à la fatigue et aux privations en allant vivre au milieu des paysans et des bergers, d’où son nom. De cette enfance champêtre, il garde l’habitude de toujours porter des vêtements d’une grande simplicité. Il a pour précepteurs Ecdémos et Démophane , platoniciens [7] disciples d’Arcésilas de Pitane et originaires comme lui de Mégalopolis.
En 222, Philopœmen joue un rôle remarqué dans la victoire des troupes macédoniennes d’Antigone III Doson à la bataille de Sellasie [8], où il est blessé à la cuisse et à l’issue de laquelle le roi de Sparte [9] Cléomène III est vaincu. Il refuse peu après la proposition d’Antigone de le suivre en Macédoine [10] et de se mettre à son service. En 221, il se rend en Crète [11] et commande pendant 10 ans une troupe de mercenaires dans le cadre de la guerre entre Lyttos [12] et Cnossos [13]. Devenu quadragénaire, il rentre en Arcadie en 210. Il est nommé stratège de la Ligue achéenne 2 ans plus tard, devenant ainsi, après Aratos mort depuis peu, le second dirigeant d’importance de cette ligue dont il réorganise l’armée selon le modèle de la phalange macédonienne [14]. Il remporte en 208 une victoire sur les Étoliens [15] et les Éléens [16] à Larissa [17], en Thessalie [18].
Il se lance dans une politique de primauté de la Ligue dans le Péloponnèse [19], se heurtant ainsi à Sparte, qui aspire au même but. Il remporte contre les Spartiates une victoire décisive à la bataille de Mantinée [20] en 207, et tue de sa main le tyran [21] de Sparte Machanidas . Une statue de bronze est érigée à son effigie à Delphes [22] après cette victoire. Il bat peu après le nouveau tyran de Sparte, Nabis .
Après avoir été commandant en chef de l’armée de Gortyne [23], en Crête, entre 199 et 193 Philopœmen, alors quinquagénaire, retourne en Arcadie. Il est sans doute rappelé afin de lutter contre Nabis, dont les troupes saccagent l’Arcadie et menacent la cité de Mégalopolis. Il est réélu dès 192 à la tête de la Ligue achéenne.
Philopœmen est chargé de lutter contre Nabis afin de l’empêcher de reconquérir le littoral laconien [24]. Vaincu en 192 lors d’une bataille navale, il assiste impuissant à la chute de Gytheion [25]. Pris dans une embuscade alors que l’armée achéenne marche en direction de Sparte, Philopœmen parvient à retourner la situation et écrase les troupes lacédémoniennes. Il effectue un retour triomphal dans sa patrie et apprend peu de temps après l’assassinat de Nabis par Aleximène, son allié étolien. Il s’empare de Sparte par surprise et force la cité à intégrer la Ligue achéenne.
En 189, sur les conseils de Philopœmen, la Ligue déclare à nouveau la guerre contre Sparte afin de soumettre la cité définitivement. Au printemps 188, une armée achéenne, sous les ordres de Philopœmen, est dirigée contre Lacédémone [26]. Les exilés spartiates qui accompagnent le détachement provoquent une insurrection dans la cité. La paix est rétablie par Philopœmen qui, en contrepartie, traite Sparte avec sévérité : les murs sont abattus, les exilés sont rappelés, les institutions de Lycurgue sont abolies, les hilotes [27] sont libérés et dispersés, et les esclaves de Sparte vendus au profit de la Ligue. Cette politique lui vaut l’hostilité de Rome.
En 184, la Ligue achéenne doit faire face au soulèvement de Messène [28], avec à sa tête Dinocrate , probablement soutenu par Flamininus . Philopœmen, âgé de plus de 70 ans, est nommé stratège pour la 8ème fois. Après un combat livré contre les troupes de Dinocrate, Philopœmen est fait prisonnier et envoyé à Messène. Il meurt empoisonné.
Une armée achéenne, sous les ordres de Lycortas , le père de l’historien Polybe, est immédiatement envoyée en Messénie [29]. La cité ouvre ses portes aux Achéens et Dinocrate est contraint au suicide. Les cendres de Philopœmen, portées par Polybe, sont rapatriées à Mégalopolis, où les honneurs funèbres lui sont rendus.
La source principale concernant Philopœmen est l’œuvre de l’historien Polybe, qui est aussi l’un de ses contemporains. Son œuvre, en partie perdue, est néanmoins partiale et il se montre particulièrement favorable au stratège. Son père, Lycortas, fut d’ailleurs l’ami de Philopœmen. Polybe est également l’auteur d’une biographie du stratège achéen, aujourd’hui perdue, intitulée Éloge de Philopœmen. Tite-Live, Plutarque et Pausanias se sont le plus souvent inspirés de son récit.
Sa fille épouse Damokrates, donc il a 2 petites filles, une certaine Megakleia, prêtresse d’Aphrodite, et une autre qui épouse Trearidas, frère aîné de l’historien Polybe.
Notes
[1] Un stratège est un membre du pouvoir exécutif d’une cité grecque, qu’il soit élu ou coopté. Il est utilisé en grec pour désigner un militaire général. Dans le monde hellénistique et l’Empire Byzantin, le terme a également été utilisé pour décrire un gouverneur militaire. Dans la Grèce contemporaine (19ème siècle jusqu’à nos jours), le stratège est un général et a le rang d’officier le plus élevé.
[2] La Ligue achéenne est une confédération de villes d’Achaïe, sur la côte nord-est du Péloponnèse. À son apogée, la ligue contrôle tout le Péloponnèse à l’exception du sud de la Laconie. La montée de l’impérialisme romain dans la région conduit finalement à sa dissolution en 146 av. jc , à la suite de la guerre d’Achaïe.
[3] Mégalopolis ou Megalópoli est une ville de Grèce, dans le Péloponnèse, dans la vallée de l’Alphée. Elle fut fondée entre 371 et 368 avant notre ère par Épaminondas pour surveiller Sparte, et fut le siège de la ligue arcadienne. En 331, Agis III, roi de Sparte, fut tué lors de la première bataille de Mégalopolis, qui l’opposa à Antipater, un général d’Alexandre le Grand.
[4] L’Arcadie est une région de la Grèce située au centre de la péninsule du Péloponnèse. Son relief est très montagneux, surtout au nord et elle est baignée à l’est par la mer Égée. Tirant son nom du personnage mythologique Arcas. L’Arcadie était un pays de villages, qui n’a jamais eu un poids fort dans la politique grecque. Mantinée et Tégée furent pourtant mêlées à l’expansion spartiate, principalement au 5ème siècle av.jc. Pendant longtemps l’Arcadie n’eut pas de gouvernement central : plus tard, Sparte ne pouvant plus s’y opposer, Megalopolis, capitale de toute l’Arcadie, fut bâtie en 370 avant jc. Ce pays fut d’abord gouverné par des rois,
[5] Mantinée, Ptolis à l’époque de Pausanias, est une petite cité-État grecque antique, située au sud-est de l’Arcadie. Elle est le résultat de l’unification de cinq villages (synécisme) vers le 6ème siècle av. jc. Mantinée est détruite par la ligue achéenne, mais renaît de ses ruines sous le nom d’Antigonée, du nom du roi de Macédoine, chef de la ligue. C’est sous ce nom qu’elle devient, au 2ème siècle av. jc, une alliée romaine. Ce fut la seule cité grecque à prendre le parti d’Octave avant la bataille d’Actium, et bien lui en prit. Au cours de cette période, trois grandes batailles eurent lieu à Mantinée : celle du 5ème siècle, celle du 4ème siècle et celle du 3ème siècle avant notre ère. Elle resta romaine tandis que l’Empire évoluait en un État oriental, grec et chrétien, avant de disparaître au 6ème siècle ou au 7ème siècle à la suite de l’invasion slave du Péloponnèse.
[6] Thèbes est une ville grecque de Béotie, siège d’un dème. Elle fut dans l’antiquité l’une des principales cités de Grèce, et était liée à de très nombreux mythes antiques.
[7] On donne le nom de Platoniciens aux philosophes qui ont suivi les doctrines de Platon. L’école philosophique, fondée dans Athènes par Platon vers 388 av. jc et représentée par ses continuateurs directs a pris plus spécialement le nom d’Académie. Elle tirait son nom d’un jardin qui avait appartenu primitivement à un certain Académus, et dans lequel Platon donnait ses leçons.
[8] La Bataille de Sellasia opposa en 222 les armées d’Antigone III Doson, roi de Macédoine à celles de Cléomène III, roi de Sparte : les forces spartiates furent massacrées et Cléomène dut s’enfuir en Égypte.
[9] Sparte était une ville-état de premier plan dans la Grèce antique . Dans l’Antiquité, la ville-état était connue sous le nom de Lacedaemon, tandis que le nom de Sparte désignait son établissement principal sur les rives de la rivière Eurotas en Laconie, dans le sud-est du Péloponnèse. Vers 650 av. jc, elle est devenu la puissance terrestre militaire dominante dans la Grèce antique. Compte tenu de sa prééminence militaire, Sparte fut reconnu comme le chef de file des forces grecques combinées pendant les guerres gréco-perses. Entre 431 et 404 av. jc, Sparte fut le principal ennemi d’ Athènes pendant la guerre du Péloponnèse
[10] Le royaume de Macédoine est un État antique situé au nord de la Grèce correspondant aujourd’hui principalement à la Macédoine grecque. Il est centré sur la partie nord-est de la péninsule grecque, bordé par l’Épire à l’ouest, la Péonie au nord, la Thrace à l’est et la Thessalie au sud. Royaume périphérique de la Grèce aux époques archaïque et classique, il devient l’État dominant du monde grec durant l’époque hellénistique. L’existence du royaume est attestée au tout début du 7ème siècle av. jc avec à sa tête la dynastie des Argéades. Il connaît un formidable essor sous le règne de Philippe II qui étend sa domination sur la Grèce continentale en évinçant Athènes et la ligue chalcidienne pour ensuite fonder la Ligue de Corinthe. Son fils Alexandre le Grand est à l’origine de la conquête de l’immense empire perse et de l’expansion de l’hellénisme en Asie à la fin du 4ème siècle av. jc. Après sa mort, la Macédoine passe brièvement sous la tutelle des Antipatrides dans le contexte des guerres des diadoques. En 277, la royauté échoit à Antigone II Gonatas qui installe la dynastie des Antigonides qui règne jusqu’en 168, date à laquelle la Macédoine est conquise par les Romains. En 146 la Macédoine devient une province romaine.
[11] La Crète, est une île grecque, autrefois appelée « île de Candie ». Cinquième île de la mer Méditerranée en superficie, elle est rattachée en 1913 à la Grèce
[12] Lyctos ou Lyttos est une ancienne cité grecque de Crète. Ses ruines sont situées à proximité de l’actuel village de Lýttos dans le dème de Minóa Pediáda.
[13] Cnossos ou Knossos est un site archéologique crétois de l’âge du bronze en Europe, situé à 5 kilomètres au sud-est d’Héraklion, à l’ouest du fleuve Amnisos. À l’époque historique, Cnossos est connue pour être l’une des principales cités-États de Crète.
[14] L’armée macédonienne est considérée comme l’une des meilleures armées civiques de l’Antiquité. Instrument de la conquête de la Grèce sous le règne de Philippe II, puis de l’Orient sous le règne d’Alexandre le Grand, elle a affronté victorieusement l’armée perse pour devenir le modèle sur lequel se sont formées les armées des royaumes antigonide, séleucide et lagide aux 3ème et 2ème siècles av. jc.
[15] L’Étolie est une région de Grèce centrale située au sud de l’Épire et séparée du nord du Péloponnèse par le golfe de Corinthe. Au cours du 4ème siècle av. est formée la ligue étolienne qui renforce l’autonomie et la puissance politique de l’Étolie. L’armée des Étoliens est impliquée dans plusieurs guerres, plusieurs l’opposant à ses voisins d’Acarnanie, d’autres contre des puissances étrangères, comme la guerre lamiaque et les guerres contre la Macédoine.
[16] Élis était une cité grecque située au nord-ouest du Péloponnèse, à l’ouest de l’Arcadie. Elle était la capitale de l’Élide. La ville d’Olympie dépendant de son territoire, Élis avait la charge d’organiser les Jeux olympiques antiques.
[17] Larissa est une ville grecque située au bord du fleuve Pénée. Elle est le chef-lieu du district régional de Larissa et la capitale de la périphérie de Thessalie, mais aussi celle du diocèse décentralisé de Thessalie-Grèce-Centrale.
[18] La Thessalie est une région historique et une périphérie du nord-est de la Grèce, au sud de la Macédoine. Durant l’antiquité cette région a, pour beaucoup de peuples, une importance stratégique, car elle est située sur la route de la Macédoine et de l’Hellespont. Elle possédait un important port à Pagases. Le blé et le bétail sont les principales richesses de la région et une ressource commerciale vitale. La Thessalie est aussi l’une des rares régions de Grèce où l’on peut pratiquer l’élevage des chevaux, d’où l’importante cavalerie dont disposaient les Thessaliens.
[19] Le Péloponnèse est une péninsule grecque, qui couvre 21 379 km². Elle a donné son nom à la périphérie du même nom qui couvre une part importante de la péninsule, regroupant cinq des sept nomes modernes qui la divisent. Seuls deux nomes (l’Achaïe et l’Élide) situés au nord-ouest de celle-ci sont rattachés à la périphérie de Grèce-Occidentale.
[20] La bataille de Mantinée eut lieu en 207 av. jc. Philopœmen, stratège de la Ligue achéenne, vainc et tue de sa main Machanidas, tyran de Sparte, cette bataille fut, à cause de la mort de Machanidas, l’élément déclencheur de la prise de pouvoir de Nabis, dernier tyran de Sparte.
[21] Dans la Grèce antique, un tyran était un homme qui disposait d’un pouvoir assuré par la force ; ce pouvait être un ancien magistrat, parfois même un esclave, arrivé au pouvoir après un coup d’État, par ruse plus que par violence. Les tyrans ne prirent jamais officiellement le titre de tyran, et il n’y eut pas de titre général et officiel pour les désigner, c’est pourquoi on leur donne le nom dont leurs ennemis les stigmatisaient.
[22] Au pied du mont Parnasse en Phocide, Delphes est le site d’un sanctuaire panhellénique où parlait l’oracle d’Apollon à travers sa prophétesse, la Pythie ; il abritait également l’Omphalos ou « nombril du monde ». Investi d’une signification sacrée, Delphes fut du 6ème siècle av. jc au 4ème siècle av. jc le véritable centre et le symbole de l’unité du monde grec.
[23] Gortyne est une cité grecque de Crète, située sur les bords du fleuve Léthée et au pied du mont Ida.
[24] La Laconie est une région historique de Grèce, située à l’extrême sud-est de la péninsule du Péloponnèse. De nos jours, la Laconie est un district régional de la périphérie du Péloponnèse, entre la Messénie et l’Arcadie, dont la capitale est Sparte.
[25] Gýthio connu dans l’Antiquité sous le nom de Gytheion et Gythium, est un village de Grèce situé dans le sud du Péloponnèse dans le district régional de Laconie. C’était le port et l’arsenal principal des Spartiates.
[26] Sparte ou Lacédémone est une ancienne ville grecque du Péloponnèse, perpétuée aujourd’hui par une ville moderne du même nom. Située sur l’Eurotas, dans la plaine de Laconie, entre le Taygète et le Parnon, elle est l’une des cités-États les plus puissantes de la Grèce antique, avec Athènes et Thèbes.
[27] Dans la Grèce antique, les Hilotes ou Ilotes sont une population autochtone de Laconie et de Messénie asservie aux Spartiates, qu’ils font vivre. Leur statut s’apparente à celui des serfs du Moyen Âge : attachés à la terre, ils sont la propriété de l’État lacédémonien. Ils ne sont donc pas des esclaves-marchandises, qui existent par ailleurs mais qui sont plutôt rares. L’hilotisme se rencontre également dans d’autres sociétés grecques, comme la Thessalie, la Crète ou la Sicile.
[28] Messène est une cité de la Grèce classique, en Messénie, dans le sud-ouest du Péloponnèse, située dans l’actuel dème de Messini. Elle fut la cité des Hilotes, qui furent réduits en esclavage par les Spartiates. Au 4ème siècle av. jc, le général thébain Épaminondas, entrant dans Sparte, libéra les Hilotes, qui fondèrent alors une nouvelle Messène, en 369 av. jc. Messène est célèbre pour ses murailles, parmi les plus grandes de toute la Grèce classique.
[29] La Messénie est une région au sud-ouest de la péninsule du Péloponnèse en Grèce. Elle constitue un district régional de la périphérie du Péloponnèse, dont la capitale est Kalamata.