Tariq ibn Ziyad (mort vers 720)
Stratège militaire et gouverneur omeyyade d’origine berbère
Également décrit comme un affranchi de Moussa Ibn Noçaïr. Il est avec Tarif ibn Malik et Munuza, l’un des principaux acteurs de la conquête musulmane de la péninsule Ibérique [1].
Il est principalement connu pour avoir mené, depuis les rives du Nord de l’actuel Maroc, les troupes omeyyades [2] à la conquête de la péninsule Ibérique.
Tariq, surnommé dans l’histoire et la légende espagnoles, pour des raisons peu claires, Tariq le borgne, est appelé par les héritiers du roi wisigoth [3] Wittiza qui lui demandent son soutien au cours de la guerre civile espagnole les opposant au roi wisigoth Rodéric.
Il obtient le soutien de la population juive persécutée par les Wisigoths, des rivaux du roi Rodéric, d’opposants à l’Église catholique et du gouverneur byzantin de Ceuta [4], Julien, qui est un élément clé dans la réussite de la conquête musulmane, en fournissant en particulier la flottille nécessaire à la traversée.
L’essentiel des écrits concernant Tariq et la conquête provient d’historiens musulmans, qui ont rédigé leurs récits plusieurs siècles après les faits. Ces récits sont donc sujets à interprétation.
Tariq ibn Ziyad est un commandant dans l’armée de Moussa Ibn Noçaïr, gouverneur omeyyade de l’Ifriqiya [5] et général des troupes musulmanes ; elles sont formées de populations d’origines ethniques diverses chargées de poursuivre ou de renforcer l’islamisation des nombreuses tribus berbères situées à l’ouest de la province d’Ifriqiya. Moussa Ibn Noçaïr a l’habileté de pratiquer une large politique d’assimilation, faisant entrer des berbères [6] dans l’armée et leur confiant des postes de commandement. Tariq inaugure la conquête de la péninsule Ibérique et donna son nom au détroit de Gibraltar [7].
Il est nommé par Moussa Ibn Noçaïr en remplacement de son fils Marwan, gouverneur de la ville de Tanger [8], dans le but probable d’organiser la logistique en vue de la conquête.
C’est seulement après avoir jugé l’islam bien ancré au Maroc que Moussa Ibn Noçaïr retourne en Ifriqiya. De là, en 711, il envoie, par missive, Tariq Ibn Zyiad, stationné à Tanger, conquérir l’Espagne. Tariq se trouve à la tête d’une armée de 7 000 soldats à laquelle s’ajoute, dans un second temps, un contingent de 5 000 hommes, 12 000 hommes exclusivement Berbères. Moussa rejoint Tariq en Espagne avec une armée de 18 000 hommes, Arabes dans leur grande majorité.
Le contingent dirigé par Tariq est majoritairement composé de diverses tribus berbères converties. Diverses sources mentionnent un contingent essentiellement formé de berbères locaux et accompagnés de quelques dizaines d’arabes chargés d’apprendre le coran aux soldats fraîchement convertis. Ibn Khaldoun mentionne bien 12 000 Berbères fraîchement convertis stationnés à Tanger avec Tariq, accompagnés de 27 Arabes chargés de leur formation coranique, sans aucune autre précision, en particulier sur l’origine des ethnies présentes.
La version selon laquelle la désobéissance et les succès militaires de Tariq ont provoqué la colère et la jalousie de Moussa Ibn Noçaïr, qui l’a mis aux arrêts et se serait approprié ses conquêtes, n’est confirmée par aucune source historique. En effet, les sources rapportent plutôt agacement et surprise de la part de Moussa Ibn Noçaïr, au vu des richesses amassées par Tariq au cours de sa progression rapide. Les références historiques sur ce point indiquent que les 2 hommes sont convoqués et entendus à Damas [9], en 715, par le calife Al-Walid ben Abd al-Malik pour faire un rapport sur la conquête et leurs prises de guerre. Les deux protagonistes sont alors accusés de détournement de ces dernières. Aucune référence historique ne fait état d’une éventuelle remise en cause officielle du rôle de Tariq et de ses troupes. Dans tous les cas, de 715 à 720, il n’existe aucune information précise sur la vie de Tariq.
Notes
[1] La conquête musulmane de la péninsule Ibérique est l’expansion initiale du califat omeyyade sur l’Hispanie, s’étendant en grande partie de 711 à 726. La conquête aboutit à la destruction du royaume wisigoth et l’établissement de la wilaya d’al-Andalus et marque l’expansion la plus occidentale du califat omeyyade et de la domination musulmane en Europe. La conquête du royaume wisigoth par les dirigeants musulmans du califat omeyyade est un long processus, qui dure quinze ans, de 711 à 726, dans lequel ils viennent prendre la péninsule ibérique et une partie du sud de la France actuelle, bien que ce qui est le territoire péninsulaire du royaume soit déjà conquis en 720, soit 9 ans après le début de la conquête. En 711, le général omeyyade Tariq ibn Ziyad débarque à Gibraltar, dans la péninsule ibérique, à la tête d’une armée composée presque exclusivement de Berbères. Il fait campagne plus au nord après avoir vaincu Rodéric à la bataille de Guadalete, après quoi il est renforcé par une armée arabe dirigée par Moussa ibn Noçaïr. En 717, la force combinée arabo-berbère franchit les Pyrénées, la Septimanie et la Provence en 734.
[2] Les Omeyyades, ou Umayyades sont une dynastie arabe de califes qui gouvernent le monde musulman de 661 à 750. Ils tiennent leur nom de leur ancêtre Umayya ibn Abd Shams, grand-oncle de Mahomet. Ils sont originaires de la tribu de Quraych, qui domine La Mecque au temps de Mahomet. À la suite de la guerre civile ayant opposé principalement Muʿāwiyah ibn ʾAbī Sufyān, gouverneur de Syrie, au calife ʿAlī ibn ʾAbī Ṭalib, et après l’assassinat de ce dernier, Muʿāwiyah fonde le Califat omeyyade en prenant Damas comme capitale, faisant de la Syrie la base d’un Califat qui fait suite au Califat bien guidé et qui devient, au fil des conquêtes, le plus grand État musulman de l’Histoire.
[3] Les Wisigoths entrent en Gaule, ruinée par les invasions des années 407/409. En 416 les Wisigoths et leur roi Wallia continuent leur invasion en Espagne, où ils sont envoyés à la solde de Rome pour combattre d’autres Barbares. Lorsque la paix avec les Romains fut conclue par le fœdus de 418, Honorius accorda aux Wisigoths des terres dans la province Aquitaine seconde. La sédentarisation en Aquitaine a lieu après la mort de Wallia. Les Wisigoths pénétrèrent en Espagne dès 414, comme fédérés de l’Empire romain. Le royaume des Wisigoths eut d’abord Toulouse comme capitale. Lorsque Clovis battit les Wisigoths à la bataille de Vouillé en 507, ces derniers ne conservent que la Septimanie, correspondant au Languedoc et une partie de la Provence avec l’aide des Ostrogoths. Les Wisigoths installèrent alors leur capitale à Tolède pour toute la suite. En 575 ils conquièrent le royaume des Suèves situé dans le nord du Portugal et la Galice. En 711 le royaume est conquis par les musulmans.
[4] Ceuta est une ville autonome espagnole formant une encoche sur la côte nord du Maroc en Afrique. Située sur le côté méditerranéen du détroit de Gibraltar, en face de la péninsule Ibérique, à environ quinze kilomètres des côtes de la province espagnole de Cadix, elle est revendiquée par le Royaume du Maroc depuis 1956.
[5] L’Ifriqiya, est une partie du territoire d’Afrique du Nord pour la période du Moyen Âge occidental, qui correspond aux provinces d’Afrique romaine dans l’Antiquité tardive. Le territoire de l’Ifriqiya correspond aujourd’hui à la Tunisie, à l’est du Constantinois (est de l’Algérie) et à la Tripolitaine (ouest de la Libye). C’est sous ce nom que ce territoire est connu au moment de l’arrivée des Arabes musulmans et de la résistance qui leur est opposée par les populations berbères païennes, chrétiennes ou juives. Le continent, qui était auparavant nommé « Libye » par Hérodote tire son nom de cette dénomination que les Romains imposèrent par leur conquête.
[6] Les Berbères sont les membres d’un groupe ethnique autochtone d’Afrique du Nord. Connus dans l’Antiquité sous le nom de Libyens, les Berbères ont porté différents noms durant l’histoire, tels que Mazices, Maures, Numides, Gétules, Garamantes et autres. Ils sont répartis dans une zone s’étendant de l’océan Atlantique à l’oasis de Siwa en Égypte, et de la mer Méditerranée au fleuve Niger en Afrique de l’Ouest. Aujourd’hui, la majeure partie des Berbères vit en Afrique du Nord : on les retrouve au Maroc, en Algérie, en Tunisie, en Libye, au Niger, au Mali, en Mauritanie, au Burkina Faso, en Égypte, mais aussi aux Îles Canaries. De grandes diasporas vivent en France, en Belgique, aux Pays-Bas, en Allemagne, en Italie, au Canada et dans d’autres pays d’Europe
[7] Gibraltar est un territoire britannique d’outre-mer, situé au sud de la péninsule Ibérique, en bordure du détroit de Gibraltar qui relie la Méditerranée à l’océan Atlantique. Il correspond au rocher de Gibraltar et à ses environs immédiats et est séparé de l’Espagne par une frontière de 1,2 kilomètre. Gibraltar est possession du Royaume-Uni depuis 1704. Au début du 8ème siècle, dans le cadre de la conquête musulmane de l’Espagne wisigothique, le chef Tariq ibn Ziyad y établit une tête de pont en Europe, donnant son nom au rocher. Le site est conquis, en 1309, par le royaume de Castille, puis repris par le général mérinide Abd-el-Melek en 1333 expulsant les Castillans. En 1374, les Mérinides cèdent le rocher au royaume de Grenade. Gibraltar est définitivement reconquis par Ferdinand V en 1492.
[8] Tanger est une ville du Nord du Maroc, dans le Rif occidental. Située à l’extrémité du nord-ouest du pays sur le détroit de Gibraltar, la ville se trouve à 24 kilomètres de la côte espagnole. Le général musulman Moussa Ibn Noçaïr, gouverneur du Maghreb au service des Omeyyades de Damas, s’intéresse à Tanger pour sa position stratégique et c’est donc de là qu’en 711, commence la conquête de l’Espagne par les troupes de Tariq ibn Ziyad un lieutenant d’Ibn Noçaïr, à qui Gibraltar doit son nom (Djebel Tarik, la « montagne de Tarik »). Pendant les 5 siècles qui suivent, des dynasties différentes se disputent la souveraineté de Tanger. Les Idrisides de Fès, les Omeyyades de Cordoue, s’affrontent pour sa domination pendant plus d’un siècle. Au milieu du 10ème siècle, les Ifrénides, Maghraouas, Fatimides et Zirides y étendent leur autorité. En 1075, les Almoravides en deviennent maîtres jusqu’en 1149, date à laquelle la ville passe aux Almohades. Elle s’inféode aux Hafsides de Tunis avant de devenir Mérinide en 1274.
[9] Damas est l’une des plus anciennes villes continuellement habitées. Elle est aussi la ville la plus peuplée de la grande Syrie (Assyrie) (des traces archéologiques remontent au 4ème millénaire av. jc). Elle est citée dans la Bible, dans le livre de la Genèse, et plusieurs fois dans les Livres des Rois et des Prophètes. Damas connut l’influence de nombreuses civilisations dont celles des Assyriens, Perses, Grecs, Séleucides, Romains, Arabes et Turcs. De la fin du 12ème siècle av. jc à 734 av. jc, elle est la capitale du royaume d’Aram-Damas. Elle fut l’un des berceaux du christianisme et vit saint Paul prononcer ses premières prédications, notamment dans la maison d’Ananie, où celui-ci a ouvert une église domestique dès l’année 37. Cette dernière est la plus vieille de Syrie (aujourd’hui dans le quartier chrétien de Bab Touma). En 635, Damas se soumit aux musulmans et devint la capitale de la dynastie des Omeyyades de 661 à 750. Avec l’adoption de la langue arabe, elle devint le centre culturel et administratif de l’empire musulman durant près d’un siècle. Par la suite, elle demeura un foyer culturel majeur et un pôle économique de premier plan profitant de sa situation géographique privilégiée, à la croisée des chemins de La Mecque, l’Afrique, l’Anatolie, la mer Méditerranée et l’Asie (route de la soie en direction de la Chine et du commerce des épices avec l’Inde).