Louise-Henriette d’Orange (1627-1667)
Première épouse du Grand Électeur Frédéric-Guillaume 1er de Brandebourg, fut margravine de Brandebourg [1]. Le nom du château et de la ville d’Oranienburg [2] renvoient à la famille de cette princesse.
Louise Henriette, née comtesse d’Orange-Nassau, était la fille aînée du stathouder Frédéric-Henri d’Orange-Nassau et de sa femme Amélie de Solms-Braunfels, dame d’honneur d’Élisabeth Stuart qui avait suivi sa maîtresse dans son exil aux Pays-Bas.
À 19 ans, Louise-Henriette épousa l’Électeur de Brandebourg Frédéric-Guillaume, surnommé par la suite le Grand Électeur. Frédéric-Guillaume, encore prince héritier, avait passé sa jeunesse aux Provinces-Unies [3] et connaissait parfaitement le pays de Louise-Henriette ; il était très conscient de la position éminente des princes d’Orange au sein de la république : c’était une famille riche, et très en vue dans une nation techniquement à la pointe du progrès. Par son mariage, il espérait faire aboutir à son avantage les âpres négociations autour de l’avenir du défunt duché de Poméranie [4].
Elle avait à peine 21 ans que, devenue margravine de Brandebourg, elle entreprit de multiples voyages entre La Haye [5], Kœnigsberg [6], Berlin [7] et Clèves [8], n’hésitant pas à suivre son mari sur les champs de bataille de la Guerre du Nord [9], de Varsovie [10] au Jutland [11] et même en Suède. Elle l’accompagnait aussi à la chasse ainsi que dans ses longues tournées à travers les possessions des Hohenzollern [12].
Louise-Henriette, malgré de nombreuses fausses couches, mit au monde 6 enfants, dont seuls 3 fils lui survécurent. Seul un de ces fils survécut à son père : Frédéric , le premier roi en Prusse.
Selon des sources, Louise-Henriette fut pour son mari une conseillère pragmatique et active. Elle s’engagea personnellement pour la réconciliation avec la Pologne, et par sa correspondance avec la reine Louise-Marie de Pologne , contribua à la réussite du renversement d’alliance au cours de la guerre du Nord, assurant au Brandebourg la reconnaissance de sa suzeraineté sur le duché de Prusse [13].
En 1650, Frédéric-Guillaume installa son épouse au bailliage de Bötzow [14], au nord de Berlin. Là, Louise-Henriette fit reconstruire l’ancien pavillon de chasse ascanien de l’Électeur de Brandebourg Joachim Hector II par l’architecte Johann Gregor Memhardt : cela donna un château de style baroque hollandais, qui reçut en 1652 le nom d’Oranienburg, c’est-à-dire château de la comtesse d’Orange. Peu après, la localité de Bötzow choisit de se renommer Oranienburg.
En 1663, Louise-Henriette fit installer à Oranienburg le premier cabinet de porcelaines d’Europe. Elle suivait en cela la manie de ses compatriotes néerlandais, consistant à surcharger le manteau de leurs cheminées de figurines de porcelaines. Deux ans plus tard, avec la naissance de son fils Charles-Émile, elle put combler son désir de fonder un internat, le premier internat d’Allemagne, qui pouvait accueillir 24 enfants. Elle en rédigea elle-même les statuts et combla l’établissement de donations pour pourvoir aux besoins des pensionnaires.
Vers 1650, le Grand Électeur fit agrandir l’aile ouest de la clôture de l’Abbaye de Lehnin [15] pour en faire un pavillon de chasse. Ce fut le début d’une vie de cour retirée dans l’ancienne abbaye cistercienne de la Zauche, dont Louise-Henriette fit bientôt sa résidence favorite. C’est là que le 9 mai 1667, la famille princière fit ses adieux à une Louise-Henriette consumée par la phtisie [16]. Elle mourut à Cölln [17] quelques semaines plus tard.
L’électrice fut inhumée dans la crypte de la cathédrale de Berlin [18]. Son nom est toujours célébré par la Fondation Louise-Henriette, qui a repris les locaux de l’abbaye.
Notes
[1] Le Brandebourg Prusse était un État européen regroupant dès 1618 la Marche de Brandebourg et le Duché de Prusse sous l’union personnelle de la dynastie de Hohenzollern. Il a été à l’origine de la création en 1701 du Royaume de Prusse.
[2] Oranienbourg ou Oranienburg est une ville de Brandebourg en Allemagne située dans l’arrondissement de Haute-Havel.
[3] La République des sept Provinces-Unies des Pays-Bas ou République des Provinces-Unies des Pays-Bas ou en abrégé Provinces-Unies, en néerlandais, Republiek der Zeven Verenigde Nederlanden ou plus souvent Republiek der Verenigde Nederlanden et en latin Belgica Foederata ou Belgium Foederatum, est le nom usuellement donné aux sept provinces du nord des Dix-sept Provinces ou Pays-Bas espagnols en 1581 jusqu’à la création par les Français de la République batave (1795) puis du Royaume de Hollande (1806)
[4] Le duché de Poméranie est un ensemble de principautés féodales apparues au 11ème siècle et restées pendant environ 5 siècles possession patrimoniale de la dynastie des Greifen (nom francisé en « Griffons »), mais rarement dirigées par un seul homme. Le duché a en effet le plus souvent été divisé entre différents lignages de la famille des Greifen : Szczecin, Wolgast, Barth, Darłowo, Demmin, Słupsk et Stargard. Selon les époques, il a été vassal de la Pologne, du Danemark, du Saint-Empire, plus particulièrement de la Saxe ou du Brandebourg. Malgré les bouleversements politiques survenus au cours de son histoire, son emplacement correspond à celui de l’actuelle région géographique de Poméranie, située de part et d’autre de l’estuaire de l’Oder, de la rivière Recknitz à l’ouest au delta de la Vistule à l’est, d’où sont issues les circonscriptions actuelles, en Allemagne : le district de Poméranie antérieure ou bien occidentale (Land de Mecklembourg-Poméranie Antérieure), en Pologne : la voïvodie de Poméranie-Occidentale et la partie ouest de la voïvodie de Poméranie.
[5] La Haye a été fondée en 1248 par Guillaume II, comte de Hollande et roi d’Allemagne, puis du Saint Empire romain germanique. À cette date il a ordonné la construction d’un château dans une forêt près de la mer en Hollande, dans lequel il avait l’intention de s’installer après son couronnement. Guillaume II mourut dans une bataille avant celui-ci, stoppant ainsi la construction avant la fin. Aujourd’hui le château est appelé le « Ridderzaal » (littéralement : « salle des Chevaliers ») et est encore utilisé pour des événements politiques. Par la suite, La Haye a été le centre administratif des comtes de Hollande. De puissantes villes hollandaises comme Leyde, Delft et Dordrecht s’accordèrent pour choisir la petite et peu importante ville de La Haye comme leur centre administratif. Cette situation n’a jamais été remise en cause, ce qui fait aujourd’hui de La Haye le siège du gouvernement, mais pas la capitale officielle des Pays-Bas qui est Amsterdam.
[6] Koenigsberg ou Königsberg in Preussen est le nom de l’ancienne ville disparue qui se trouvait avant 1945 au bord de la mer Baltique à l’emplacement de l’actuelle ville russe de Kaliningrad, qui en conserve quelques vestiges. Capitale de la Prusse-Orientale, elle fut d’abord la capitale du duché de Prusse, avant de devenir l’une des principales villes du royaume de Prusse puis de l’Empire allemand. Presque totalement détruite durant la Seconde Guerre mondiale, fuie par ses habitants et vidée du peu qu’il en restait, elle est repeuplée de Russes et devient Kaliningrad après son annexion par les Soviétiques immédiatement après la guerre.
[7] Berlin est la capitale et la plus grande ville d’Allemagne. Institutionnellement, c’est une ville-État nommée Land de Berlin. Fondée au 13ème siècle, Berlin a été successivement capitale de l’électorat du Brandebourg de 1247 à 1701, du royaume de Prusse de 1701 à 1871, de l’Empire allemand de 1871 à 1918, de la République de Weimar de 1919 à 1933 et du Troisième Reich de 1933 à 1945. Après 1945 et jusqu’à la chute du mur de Berlin en 1989, la ville est partagée en quatre secteurs d’occupation.
[8] Le comté de Clèves, devenu au 15ème siècle duché de Clèves est un ancien duché du Saint Empire romain germanique. Il était membre du Cercle du Bas-Rhin Westphalie.
[9] La première guerre du Nord désigne un ensemble de conflits impliquant la Suède et d’autres nations riveraines de la mer Baltique, entre 1655 et 1660. Ainsi, elle oppose la Suède à la Pologne-Lituanie de 1655 à 1660, à la Russie de 1656 à 1658, au Brandebourg-Prusse de 1657 à 1660, à la monarchie des Habsbourg et au Danemark-Norvège par la guerre dano-suédoise de 1657 à 1658 et au Danemark-Norvège par la guerre dano-suédoise de 1658 à 1660. Les Provinces-Unies interviennent aussi à plusieurs reprises contre la Suède.
[10] Varsovie est depuis 1596 la capitale de la Pologne. Elle est située sur la Vistule, à environ 320 km de la mer Baltique et des Carpates. La ville est citée à partir du 14ème siècle sous les noms de Warseuiensis (1321) et Varschewia (1342), puis Warschouia (1482), pour devenir plus tard Warszowa et enfin Warszawa, le nom polonais actuel de Varsovie. La couronne polonaise y fut transférée en 1596, quand le roi Sigismond Vasa déplaça la cour de Cracovie à Varsovie. Dans les années qui suivirent, la ville s’étendit sur les terres de l’actuelle banlieue, sous forme de vastes domaines privés indépendants, possédés par la haute noblesse et administrés selon leurs propres lois. Entre 1655 et 1658, la ville fut assiégée trois fois et trois fois elle fut prise et pillée par les troupes suédoises, brandebourgeoises et transylvaniennes
[11] Le Jutland, est la péninsule formant la partie continentale du Danemark.
[12] La maison de Hohenzollern est une famille noble et royale européenne qui régna en tant qu’empereurs sur l’Allemagne, en tant que rois sur la Prusse et la Roumanie, en tant que princes électeurs sur le Brandebourg, en tant que margraves sur Schwedt, Bayreuth, Kulmbach et Ansbach, en tant que burgraves sur Nuremberg et en tant que princes sur Hechingen et Sigmaringen.
[13] Le duché de Prusse, ou Prusse ducale, est une principauté territoriale héréditaire vassale du roi de Pologne, fondée en 1525 lors de la sécularisation de l’État teutonique par son grand maître Albert de Brandebourg-Ansbach, premier prince en Europe à adopter officiellement le luthéranisme comme religion de son État. En 1618, le duché de Prusse échoit à l’électeur de Brandebourg Jean III Sigismond, de la maison de Hohenzollern comme Albert. Ainsi est réalisée une union personnelle des deux territoires (Brandebourg-Prusse), qui est le fondement du royaume de Prusse du 18ème siècle.
[14] devenu plus tard Oranienburg
[15] L’abbaye de Lehnin, établie dans la commune de Kloster Lehnin, au sud-ouest de Potsdam est une ancienne abbaye cistercienne. Fondée en 1180 puis sécularisée dans le cadre de la Réforme en 1542, elle héberge depuis 1911 la Fondation Louise-Henriette. L’abbaye se trouve au milieu du plateau de Zauche, au milieu des ruisseaux et forêts, à 700 m du lac de Klostersee. Au Moyen Âge, l’abbaye joua un rôle crucial dans la formation de la Marche de Brandebourg entreprise par les margraves de la Maison d’Ascanie. Outre son rôle historique, l’abbaye jouissait d’un grand rayonnement culturel : sa chapelle compte parmi les édifices romano-gothiques en brique les plus significatifs du Brandebourg. Sa restauration dans les années 1871/1877 fut une étape marquante de la restauration architecturale. De nos jours, la fondation de Lehnin est une institution diaconale à but médical et culturel dans la tradition des religieux d’autrefois et se veut une « vitrine » de l’Église protestante.
[16] La phtisie ou phthisie est un terme médical historique désignant, au sens large, tout état ou processus évoluant vers l’émaciation (grande maigreur) et la consomption (affaiblissement et maigreur extrêmes). Dans un sens étroit, le terme signifie phtisie pulmonaire, qui sera interprétée au cours du 19ème siècle comme étant la tuberculose pulmonaire.
[17] Cölln, à l’origine une île sur la Spree, est aujourd’hui un quartier historique du centre-ville de Berlin, dans le quartier administratif de Mitte. Depuis qu’il a été mentionné pour la première fois dans un document en 1237, jusqu’à la fusion de la capitale et ville de résidence impériale de Prusse en 1709, il fut la ville jumelle de Berlin (aujourd’hui Alt-Berlin) sur la rive opposée. Après la construction du château de Berlin au nord de l’île, elle vit naître plusieurs margraves et électeurs de la maison de Hohenzollern du 16ème au 18ème siècle.
[18] La cathédrale de Berlin est l’église principale protestante historique de Berlin située sur l’île aux Musées à Berlin-Mitte. Traduit en français comme cathédrale, l’église n’est pas une cathédrale dans le sens strict du mot car elle n’a jamais été le siège d’un évêché