Pierre de Filholi ou Pierre de Filleul (1438-1541)
Évêque de Sisteron-Archevêque d’Aix-en-Provence
Filholi est premier président de la Chambre des comptes de Paris [1], lorsqu’à la mort de Laurent Bureau en 1504, le roi Louis XII choisit de Filholi pour succéder à ce prélat sur le siège de Sisteron [2].
En septembre 1504 il est délégué du pape Jules II, avec Charles de Carretto, marquis de Final, à la conférence à Blois [3], entre Maximilien 1er, empereur d’Allemagne, et le roi Louis XII, et de laquelle résulte un traité, qui doit enlever à la république de Venise [4], tous les territoires qu’elle avait arrachés à la Hongrie [5], à l’Autriche [6], au Milanais [7], au Saint-Siège [8] et au royaume de Naples [9].
L’évêque de Sisteron, pour prix de ses nombreuses courses de Jules à Louis et de Louis à Jules, est gratifié de l’archevêché d’Aix-en-Provence [10].
Nommé à l’archevêché d’Aix-en-Provence en 1506, Pierre ne peut être installé sur son siège qu’en 1508.
En 1510 l’Université d’Aix [11] le choisit pour chancelier [12]. Comme les affaires de l’État ne lui permettent pas de résider assidûment dans son diocèse, il en confie l’administration à divers vicaires généraux.
Dès 1513 il est lieutenant du gouverneur en Provence [13], et en 1515, titré conseiller d’honneur du parlement d’Aix. Il doit réprimer les mouvements qui éclatent à Marseille, entre Forbin et Guiran au sujet de l’administration de cette ville. Pierre le Filleul prend parti pour le premier et fait emprisonner Guiran.
L’archevêque d’Aix est présent au concile que le roi Louis XII réunit à Tours en 1510 [14], et où il propose huit questions relatives à la guerre qu’il se dispose à déclarer au pape Jules II pour secourir Alphonse, duc de Ferrare, son allié.
En quittant cette assemblée, Pierre le Filleul est arrêté par ordre du pape et est conduit à Avignon [15], où il est détenu prisonnier. Sa détention n’est pas bien longue, car Jules II étant mort en février 1513, la paix se fait entre la cour de France et le Saint-Siège.
De retour à Aix, Pierre donne des ordres pour l’embellissement de son église métropolitaine, dont il fait fermer le chœur par une grille en fer ouvragé, et décorer la sainte chapelle de peintures. Par ses soins, on construit le grand escalier du palais de l’archevêché et une magnifique tribune est élevée dans l’église des dominicains de Saint-Maximin.
Il fait partie du conseil public formé pendant la captivité du roi François 1er en Espagne. Contraint de résider à Paris, Pierre le Filleul prie en 1530 le roi François 1er de lui accorder Antoine Imbert Filholi pour coadjuteur [16]. Depuis ce moment, l’archevêque d’Aix se retire à Paris, où il meurt à l’âge de 102 ans.
Pierre le Filleul permet en 1515, aux servites [17], dits de l’Annonciade, de construire au quartier de Saint-Jean d’Aix, une maison de leur Ordre et une église que bénit Antoine de Tende, évêque de Riez [18]. En 1518, le grand-vicaire de Pierre autorise l’établissement à Aix, de diverses compagnies de pénitents [19].
Notes
[1] Dans l’Ancien Régime, une Chambre des comptes est une cour souveraine devant laquelle les personnes ou organisations chargées de la gestion du domaine du roi ou d’un prince doivent déposer leurs comptes où ils sont audités par des maîtres qui vérifient la conformité des recettes et des dépenses. La Chambre des comptes s’assure de la conservation du domaine de la Couronne. En cas de contentieux entre le maître chargé d’étudier les comptes qui lui sont soumis et l’officier les ayant présentés, le litige est porté devant un juge. La particularité de la Chambre des comptes, en France, c’est que les comptes des deniers publics sont rendus devant un juge, même en l’absence d’un contentieux.
[2] Le diocèse de Sisteron est un ancien diocèse de l’Église catholique en France. Il était suffragant de l’Archevêché d’Aix-en-Provence
[3] Le traité de Blois est un dispositif diplomatique comportant formellement trois traités, signés le 22 septembre 1504 au château de Blois, entre le roi de France Louis XII, Maximilien d’Autriche, empereur et chef de la maison de Habsbourg, et Philippe le Beau, duc de Bourgogne à la tête de l’État bourguignon , fils de Maximilien, mais aussi beau-fils des Rois catholiques, notamment de Ferdinand II d’Aragon.
[4] La république de Venise, parfois surnommée « la Sérénissime », est une ancienne thalassocratie d’Italie, progressivement constituée au Moyen Âge autour de la cité de Venise, et qui s’est développée par l’annexion de territoires divers en Italie du Nord, le long des côtes de la mer Adriatique et en Méditerranée orientale : les « Domini di Terraferma », l’Istrie, la Dalmatie, les bouches de Cattaro, l’Albanie vénitienne, les îles Ioniennes, la Crète, l’Eubée, Chypre et d’autres îles grecques, jusqu’à devenir une des principales puissances économiques européennes.
[5] Le royaume de Hongrie est le terme historiographique donné à différentes entités politiques de la Hongrie au Moyen Âge (à partir de 1001), à l’époque moderne et jusqu’à l’époque contemporaine (1946). La date de création du royaume remonte à l’an 1001, lorsque Étienne (István) transforme l’ancienne grande-principauté en royaume chrétien. L’unité du royaume est mise à mal lors de l’occupation ottomane d’une partie du pays en 1526, durant laquelle deux territoires se disputent la continuité royale (la Hongrie royale dominée par l’empire d’Autriche et la Hongrie orientale, prémisse de la principauté de Transylvanie). Le royaume de Hongrie recouvre l’essentiel de son territoire médiéval d’abord en 1848-1849, puis dans le cadre du compromis austro-hongrois signé en 1867 et conserve son régime après le démantèlement du pays en 1920 jusqu’à 1946, sous la forme d’une régence. Entre l’an 1001 et 1946, le royaume de Hongrie a cessé d’exister à trois reprises : en 1849, lors de la Révolution hongroise de 1848, de la République démocratique hongroise de 1918 et de la République des conseils de Hongrie de 1919. Depuis 1946, la Hongrie est une république.
[6] Le duché d’Autriche fut un État du Saint Empire romain au Moyen Âge. À l’origine, le margraviat d’Autriche (Ostarrîchi), gouverné par la maison de Babenberg depuis 976, faisait partie du duché de Bavière. Il était détaché sous forme d’un duché autonome en l’an 1156 par le Privilegium Minus de l’empereur Frédéric Barberousse. La résidence des ducs d’Autriche ètait à Vienne. Après l’extinction de la lignée des Babenberg et la défaite du roi Ottokar II de Bohême dans la bataille de Marchfeld en 1278, le duché fut dirigé par les Habsbourg qui au cours du 14ème siècle étaient également arrivés à la tête des plusieurs pays limitrophes au sud-est de l’Empire. En 1359, le duc Rodolphe IV d’Autriche, à l’aide d’un faux document le Privilegium Maius s’est élevé au rang d’archiduc (Erzherzog) ; ce titre fut reconnu par son descendant, l’empereur Frédéric III, en 1453, ce qui marque donc la naissance de l’archiduché d’Autriche, le socle de la monarchie de Habsbourg.
[7] Le duché de Milan était un État dans le nord de la péninsule italienne de 1395 à 1796. En principe fief du Saint Empire romain germanique, il était initialement de facto indépendant. Il passe cependant sous domination française au début du 16ème siècle puis fait partie des possessions des Habsbourg d’Espagne (1535-1706) puis d’Autriche (1706-1796). Les frontières du duché ont varié au cours des siècles, il couvrait surtout la Lombardie incluant Milan et Pavie, les centres traditionnels du vieux royaume d’Italie. Il se situait au centre de l’Italie du Nord, de chaque côté de la partie médiane de la vallée du Pô, bordé, au nord, par les massifs méridionaux des Alpes, les Alpes lépontines, et, au sud, par les hauteurs occidentales des Apennins, les Alpes apuanes.
[8] Le Saint-Siège ou Siège apostolique est une personne morale représentant le pape et la curie romaine. C’est un sujet de droit international qui entretient des relations diplomatiques avec les États et qui est membre d’organisations internationales ou y est représenté. Son existence remonte à celle de la papauté ainsi qu’à la structuration, à partir du 11ème siècle, de la curie romaine et d’une diplomatie pontificale. Celle-ci a d’abord été faite de relations diplomatiques entre le pape et les souverains, rois et empereurs, puis avec les États modernes à mesure de leur constitution dans l’histoire. Sur le plan du droit international, le Saint-Siège existe aujourd’hui comme « sujet de droit primaire » à l’égal des États, c’est-à-dire qu’il est reconnu par les États mais ne doit pas son existence à cette reconnaissance. L’existence du Saint-Siège est liée à la personne du pape et non pas à un territoire. Ainsi, le Saint-Siège est resté un sujet de droit international entre 1870, date de la fin des États pontificaux, et 1929, date de l’instauration de l’État du Vatican par les accords du Latran. Le Saint-Siège et le Vatican sont deux entités distinctes bien qu’elles aient l’une et l’autre le pape à leur tête. Le Vatican se compose du Saint-Siège, entité spirituelle et de l’État de la cité du Vatican, entité temporelle. Le lien entre ces deux entités est le pape, chef du spirituel et du temporel, disposant du pouvoir absolu (exécutif, législatif et judiciaire). Les représentants du Saint-Siège auprès des États et des organismes internationaux sont les nonces ou des délégués apostoliques.
[9] Le royaume naquit de la scission de fait du royaume de Sicile, provoquée par les Vêpres siciliennes de 1282. Le roi Charles d’Anjou, chassé de l’île de Sicile par les troupes de Pierre III d’Aragon, ne se maintint que sur la partie continentale du royaume. Naples devint la capitale de ce nouveau royaume, ce qui provoqua une forte croissance de la ville qui était auparavant supplantée par Palerme. Sous le règne de Robert 1er, le royaume connaît une période de paix et de prospérité. Le roi fit de Naples l’un des centres culturels de l’Italie, invitant à sa cour Giotto, Pétrarque et Boccace. La seconde partie du 14ème siècle vit cependant s’amorcer une période de déclin due à la lutte fratricide entre deux branches adverses de la dynastie angevine pour régler la succession de Robert 1er puis celle de sa fille, la reine Jeanne 1ère. La maison d’Anjou-Duras finit par triompher, avec Charles III, duc de Duras, qui fit assassiner la reine Jeanne en 1382. Son fils, Ladislas 1er, étendit provisoirement le royaume sur une bonne partie de l’Italie centrale, caressant le rêve d’unifier la péninsule. À sa mort sans héritier en 1414 c’est sa sœur, Jeanne II, qui monta sur le trône.
[10] L’archidiocèse d’Aix et Arles est un des archidiocèses de l’Église catholique en France. Il aurait été fondé dès le 1er siècle.
[11] En 1409, Louis II d’Anjou, comte de Provence, fonde l’université d’Aix, confirmée par une bulle du pape Alexandre V. Elle est administrée par l’archevêque, en tant que chancelier de l’université, et un recteur. La création au 16ème siècle du Parlement d’Aix a pour effet d’augmenter le nombre d’étudiants en droit. En 1543, la ville d’Aix transforme son école municipale en collège. Celui-ci fait alors office de faculté des arts. En 1557, la faculté d’art médical est établie : l’université d’Aix comporte alors toutes les facultés. Cependant, la faculté de droit reste la plus importante et, jusqu’à la fin de l’Ancien Régime, l’université reste dirigée par des juristes. En 1793, l’université d’Aix est supprimée par la Convention, en même temps que les autres universités de France. Au cours de cette période, plusieurs personnalités importantes telles que Pierre Gassendi, Charles Annibal Fabrot et Jacques Daviel ont enseigné à l’université d’Aix
[12] Le chancelier d’une université est un dignitaire honoraire qui occupe principalement des fonctions de représentation et qui est nommé pour un mandat d’une durée limitée et renouvelable. Ce terme est surtout utilisé au Canada, à Hong Kong, en Inde, en Irlande, aux États-Unis, en Australie ou aux Philippines. Dans d’autres pays, le principal responsable d’une université porte le nom de président, principal, recteur ou provost. En France, les recteurs d’académie sont aussi chanceliers des universités.
[13] La Provence est une région historique et culturelle ainsi qu’une ancienne province dans le Sud-Est de la France, s’étendant de la rive gauche du Rhône inférieur à l’ouest, jusqu’au fleuve Var à l’est et bordée au sud par la Méditerranée. La basse vallée du Rhône connaît diverses invasions. Wisigoths et Alains pillent de nombreuses cités et descendent jusqu’à Orange et Avignon. Les Burgondes s’installent dans la région en 442, et choisissent Vienne, qui gardait son prestige de grande cité romaine, pour capitale. Avignon marqua la pointe sud de ce royaume. Les Ostrogoths fondent au sud de ce royaume Burgonde un duché dépendant de leur royaume italo-dalmate : le duché de Provence, future basse Provence ou comté de Provence (la partie burgonde deviendra elle le marquisat de Provence). Charles Martel combat le patrice de Provence, Mauronte, allié des Maures de Gothie et fait entrer définitivement la Provence dans le domaine franc en 536. En 843, le traité de Verdun donne la Provence à Lothaire 1er. Son fils Charles de Provence en fait le royaume de Provence-Viennois ou de Bourgogne cisjurane à l’existence éphémère (855-863).
[14] Le concile de Tours de 1510, initialement prévu à Orléans, le concile se tient à Tours en septembre sous la présidence de Jean de Ganay
[15] Avignon est une ville du Sud de la France, située au confluent du Rhône et de la Durance. Surnommée la « cité des papes » en raison de la présence des papes de 1309 à 1423, elle est actuellement la plus grande ville et la préfecture du département de Vaucluse. C’est l’une des rares villes françaises à avoir conservé ses remparts et son centre historique, composé du palais des papes, de l’ensemble épiscopal, du rocher des Doms et du pont d’Avignon.
[16] Un évêque ou archevêque coadjuteur est un évêque nommé, comme un évêque auxiliaire, aux côtés d’un évêque diocésain, mais avec droit de succession immédiate sur le siège de l’évêque à qui il est adjoint après la démission ou le décès de ce dernier. La nomination d’un coadjuteur permet une période de prise de connaissance du diocèse pour le nouvel arrivant et de transition sans interruption entre deux épiscopats.
[17] L’ordre des Servites de Marie est un ordre mendiant de droit pontifical. Leur spiritualité est centrée sur la dévotion à la Vierge Marie, plus particulièrement sous le vocable de Notre-Dame des Douleurs.
[18] Le diocèse de Riez est un ancien diocèse de l’Église catholique en France. Sa fondation remonte aux premiers temps de la chrétienté comme en témoignent les vestiges de la cathédrale et du baptistère de Riez. La cathédrale Notre-Dame-de-l’Assomption est le siège du diocèse jusqu’en 1801, date où il a été officiellement aboli par le concordat et transféré au sein du diocèse de Digne.
[19] Une confrérie de pénitents (ou archiconfrérie de pénitents) est une association, sans but lucratif, relevant cumulativement du droit associatif (en France loi de 1901) et du droit canon, qui réunit des hommes et des femmes, de religion chrétienne, catholique, dans le but de pratiquer publiquement le culte catholique, en portant une tenue spécifique, et de pratiquer, également, mais cette fois dans la discrétion, des actes de charité. Les confréries sont placées sous la vigilance de l’évêque du diocèse dans lequel elles ont leur siège et qui autorise leur création.