Somerled ou ri Innse Gall Roi des Hébrides (vers 1113-1164)
Chef politique et militaire des îles d’Écosse
Somerled roi des Hébrides [1] et“ regulus” d’Argyll [2] et du Kintyre [3], fils de Gille-Brigde, fils de Gille-Adomnain.
La première mention historique de Somerled dans laquelle il est présenté comme regulus d’Argyll, intervient en 1153, quand il se rebelle contre le nouveau roi des Scots [4] Malcolm IV d’Écosse. C’est alors que Somerled appuie ses neveux, les fils de Máel Coluim MacHeth [5], le prétendant au trône de Moray [6], qui est emprisonné depuis 1134.
Il a été avancé que Somerled était présent lors de la Bataille de l’Étendard en 1138 [7], quand les hommes d’Argyll soutenaient le roi David 1er, ce n’est pas improbable. Pendant le règne du roi David 1er, Somerled, comme son voisinFergus de Galloway semblent avoir reconnu la puissance royale écossaise.
Somerled s’oppose au jeune roi Malcolm IV pendant plusieurs années puis cherche un accord avec lui en 1160, quand une charte royale de l’abbaye de Kelso [8] datée de“ in Natali Domino post proximo concordiam Regis et Sumerledi” en effet 3 ans avant en 1157, Máel Coluim MacHeth a été relaxé de prison et fait comte de Ross [9] en compensation de la perte de son domaine de Moray. Entre temps Somerled avait étendu sa souveraineté sur le royaume de l’île de Man [10] et des Hébrides qui à cette époque était sous la suzeraineté très théorique du royaume de Norvège.
Somerled avait épousé selon les Chroniques de Man [11], Ragnhild, une fille d’Olaf 1er le Rouge le fils de Godred Crovan . Pendant 40 années jusqu’à sa mort en 1153 Olaf 1er de Man le père de Ragnhild règne sur le royaume des Isles, qui comprend l’île de Man et les Hébrides, et s’étend du Calf of Man [12] aux falaises de Butt de Lewis [13]. Olaf avait adopté la titulature latine de “rex insularum” dans ses chartes, une traduction du titre gaélique rí Innse Gall [14] qui avait été utilisé depuis la fin du 10ème siècle.
Godfred le Noir, le fils et successeur d’Olaf est un roi très impopulaire. Un chef de clan local,Thorfinn, fils d’Ottar, vient trouver Somerled et lui propose de donner le royaume à son fils Dughall à la place de Godfred.
Un combat naval s’ensuit entre Godfred et Somerled et le 5/6 janvier Godfred est vaincu par les 80 vaisseaux de la flotte de Somerled et doit accepter de partager son royaume. D’après les territoires contrôlés ensuite pas ses descendants la part attribuée à Somerled incluait au moins les îles autour de Mull [15] et Islay [16] dans les Hébrides intérieures [17], et peut-être aussi North Uist [18], South Uist [19] et Barra [20] dans les Hébrides extérieures [21]. Godfred ne conserve que l’île de Man et les îles au nord de l’Ardnamurchan [22]. Deux ans plus tard en 1158, Somerled revient vers l’île de Man avec 53 vaisseaux de guerre, expulse Godfred de sa part du royaume et le force à fuir en Norvège. Godfred ne reviendra pas avant la mort de Somerled pour régner que sur un royaume réduit.
Comme son beau-père, Olaf 1er de Man, et Fergus de Galloway, Somerled est un bienfaiteur de l’église. En 1164 il tente en vain de persuader Flaithbertach Ó Brolchain abbé de Derry [23] et successeur de Saint Colomba dans “la paruchia irlandaise”, de revenir à Iona [24] comme abbé. Il serait également le fondateur du monastère cistercien de Saddell au Kintyre, bien que cet établissement soit plutôt une création de son fils Ranald. La fille de Somerled nommée Bethoc devient la première prieure de l’abbaye bénédictine d’Iona.
En 1164 Somerled reprend sa lutte contre Malcolm IV d’Écosse. Il met sur pied une grande expédition avec des troupes des Hébrides, d’Argyll, du Kintyre, et du royaume de Dublin [25], et remonte le Firth of Clyde [26] avec de nombreux navires avant de débarquer à Renfrew [27] dans le domaine des Stuarts [28]. L’objectif de cette expédition demeure inconnu.
Dans “le Carmen de morte Sumerledi”, composé par un certain William, qui prétend avoir été un témoin oculaire de l’événement, la résistance à Somerled était conduite par Herbert de Selkirk, évêque de Glasgow [29]. Somerled est tué dès le début de la bataille, et sa tête prise par un clerc est apportée à l’évêque, qui s’empresse de porter la victoire au crédit de saint Kentigern . Plus tard la tradition gaélique précise qu’il serait mort à la suite d’une trahison avec son fils aîné Gillabrigte, issu d’une première union.
Somerled a certainement été inhumé à Iona.
Notes
[1] Les Hébrides sont un archipel du Royaume-Uni. Situé au sud de la mer d’Écosse, cet archipel comprend les Hébrides intérieures et les Hébrides extérieures, séparées par la mer des Hébrides et le Little Minch. Ces îles ont une longue histoire de peuplement remontant au Mésolithique et leurs cultures ont été successivement influencées par les peuples de langues celtiques, nordiques et anglophones.
[2] Argyll, est une région de l’ouest de l’Écosse correspondant plus ou moins à l’ancien Dál Riata, située en Grande-Bretagne sur la côte ouest entre Mull of Kintyre et Cap Wrath.
[3] Le Kintyre est une péninsule du sud-ouest de l’Écosse, dans le Council area d’Argyll and Bute. Cette région s’étend sur une longueur de près de cinquante kilomètres, de Tarbert au nord jusqu’au Mull of Kintyre au sud.
[4] Les Scots sont un peuple celte originaire de l’est de l’Irlande qui commença à s’établir dans l’île de Bretagne entre les rivières Clyde et Solway aux 3ème et 4ème siècles de l’ère chrétienne. L’Écosse actuelle leur doit son nom (Scotland). Les premiers Scots affrontèrent les Britto-romains lors de raids qui se transformèrent en établissements durables, profitant sans doute d’un dépeuplement précoce des régions où ils effectuaient leur piraterie. Peu avant 500, ces Scots s’établirent sur les côtes du Devon et du pays de Galles, mais ils n’y établirent pas d’ensembles politiques durables. On leur doit toutefois l’introduction de l’écriture oghamique sur l’île. Plus au nord, les Scots devinrent dans un premier temps les voisins immédiats et les rivaux occidentaux des Pictes, les anciens habitants de la Calédonie. Cette région, qui n’avait jamais été conquise par Rome, passa progressivement sous leur contrôle du 6ème au 9ème siècle. Dès le 6ème siècle, les Scots durent cependant résister aux Anglo-Saxons, établis durablement au sud du Forth avant 500, contrairement aux Bretons, les Scots nouèrent de nombreux contacts avec ces nouveaux venus, surtout à l’est avec le royaume septentrional de Northumbrie. Au 7ème siècle, les Scots chrétiens jouèrent en particulier un rôle important dans l’évangélisation des Anglo-Saxons, rôle qui fut ensuite éclipsé par Rome.
[5] Les MacHeth étaient une famille gaélique qui a organisé plusieurs rebellions face aux rois écossais-normands qui régnaient sur l’Écosse au 12ème et 13ème siècle. On connaît mal leurs origines.
[6] Le Moray est une région de lieutenance d’Écosse située à l’est des Highlands, basée sur l’ancien comté de Moray ou Morayshire.
[7] Elle opposa l’armée de David 1er d’Écosse à celles du roi Étienne d’Angleterre commandées par l’archevêque Thurstan d’York et Walter Espec, lord de Helmsley. Robert de Bruce, lord d’Annadale, l’un des leaders de l’armée anglaise, normand proche du roi écossais, fut envoyé pour le persuader de se retirer sans combattre contre ses anciens alliés. Il échoua à le convaincre, et dut briser son vœu de fidélité au roi écossais. La bataille se conclut par une défaite des Écossais qui mit fin à leur volonté de conquête du comté de Northumbrie, et aboutit au traité de Durham en 1139 qui pacifia la frontière anglo-écossaise. Le nom de cette bataille vient des bannières de Saint-Pierre de York, de Saint-Jean de Beverley et de Saint-Wilfrid de Ripon qu’arboraient les Anglais durant celle-ci.
[8] L’abbaye de Kelso est une abbaye écossaise construite au 12ème siècle par une communauté de moines de l’Ordre de Tiron qui s’étaient établis auparavant à l’abbaye voisine de Selkirk.
[9] Le Mormaer puis comte de Ross était le chef d’une importante seigneurie du nord de l’Écosse médiévale, située entre les cours de la rivière Oykel et la rivière Beauly, soit le comté d’Écosse de 1889 de Ross and Cromarty.
[10] L’île de Man, Ellan Vannin, Mann ou Mannin en mannois, Insula Mona en latin, est un territoire formé d’une île principale et de quelques îlots situés en mer d’Irlande, au centre des îles Britanniques. L’île de Man forme une dépendance de la Couronne britannique, c’est-à-dire que l’île n’appartient ni au Royaume-Uni ni à l’Union européenne mais relève directement de la propriété du souverain britannique, actuellement la reine Élisabeth II, qui agit en qualité de « seigneur de Man ». Ce statut n’en fait pas un État reconnu indépendant, mais l’île dispose d’une large autonomie politique et économique. L’île de Man est une terre celte depuis la protohistoire, puis devient un royaume viking au Moyen Âge, soumis à l’influence anglo-saxonne. Les dominateurs scandinaves y ont fondé un système politique basé sur le principe des « citoyens libres » et s’organisant autour du Tynwald qui serait le plus ancien parlement en fonctionnement continu du monde. L’île de Man fait aujourd’hui partie des six nations celtiques (avec l’Irlande, les Cornouailles, la Bretagne, l’Écosse et le pays de Galles) reconnues par le Congrès celtique et la Ligue celtique.
[11] Les Chroniques de Man sont un manuscrit du 13ème siècle écrit en latin et dont le nom complet est Chroniques des rois de Man et des Îles et qui couvre la période allant de l’an 1000 à 1316, correspondant à peu près à la période celto-norroise de l’île de Man. C’est le plus ancien manuscrit consacré à l’époque où l’île de Man existait sous la forme d’un royaume indépendant dont les limites s’étendait jusqu’aux îles Hébrides. Il serait l’œuvre d’un moine de l’abbaye de Rushen et aurait été entamé aux alentours de 1257. Il est consacré à l’histoire de Man et notamment à la descendance du roi Godred Crovan, roi scandinave créateur du royaume de Man et des Îles.
[12] Calf of Man est une île de la mer d’Irlande située au sud-ouest de l’île de Man à laquelle elle est rattachée politiquement. Les deux îles sont séparées par le Calf Sound, en français « détroit de Calf ». Seules deux personnes vivent de manière saisonnière sur l’île qui comporte une grande densité de phares. Liée au sort de l’île de Man durant des siècles, Calf of Man constitue depuis 1937 une réserve faunistique et floristique à l’accès restreint car peuplée de nombreux oiseaux de mer, d’une faune et flore marine variée ainsi que d’une variété de mouton typique de l’île de Man, le Loaghtan.
[13] Lewis ou île de Lewis, est la partie nord de l’île de Lewis et Harris, la plus grande île de l’archipel des Hébrides extérieures, en Écosse. La partie méridionale de l’île s’appelle Harris. Ces deux parties ne forment qu’une seule île mais sont considérées par les Écossais comme deux îles distinctes, « île de Lewis » et « île de Harris ». Lewis est la partie la moins élevée de cette île, Harris étant plus montagneux.
[14] littéralement roi des Étrangers des iles
[15] Mull, en gaélique écossais Muile, est une île du Royaume-Uni située en Écosse, dans le comté d’Argyll and Bute.
[16] Islay est l’île la plus méridionale de l’archipel des Hébrides, en Écosse. Surnommée « la reine des Hébrides », elle est située à 27 kilomètres à l’ouest de la côte britannique. La capitale de l’île est Bowmore qui, outre sa distillerie fondée en 1779, possède la curieuse église ronde de Killarow
[17] Les Hébrides intérieures sont un groupe d’îles situées à l’ouest de l’Écosse et appartenant à l’archipel des Hébrides.
[18] North Uist est une île appartenant aux Hébrides extérieures en Écosse. Elle est reliée par une chaussée surélevée à Benbecula via Grimsay, à Berneray, et à Baleshare. À l’exception du sud-est, l’île est très plate, plus de sa moitié étant submergée.
[19] South Uist est une île de l’archipel des Hébrides extérieures en Écosse. L’ouest de l’île est surtout formé de machair, avec une plage continue de sable, alors que la côte Est est montagneuse avec les pics de Beinn Mhor (620 m) et Hecla (606 m).
[20] Barra est une île de l’archipel des Hébrides extérieures en Écosse située dans l’océan Atlantique et faisant partie du Council area de Na h-Eileanan Siar (Hébrides extérieures).
[21] Les Hébrides extérieures, parfois appelées Western Isles mais officiellement connues sous le nom écossais de Na h-Eileanan Siar, sont un archipel situé au large de la côte ouest de l’Écosse et appartenant à l’archipel des Hébrides.
[22] Ardnamurchan, en écossais Àird nam Murchan qui signifie en français « Promontoire des grandes mers », est une péninsule de 130 km² de superficie située en Écosse, dans le district de Lochaber du Council area de Highland. Il est réputé pour être sauvage et intact. Son éloignement est accentué par le fait que la principale voie d’accès est une route à voie unique sur une grande partie de sa longueur.
[23] Derry ou Londonderry est une cité d’Irlande du Nord. Seconde ville de la province d’Irlande du Nord après Belfast. La vieille ville fortifiée de Londonderry se situe sur la rive ouest de la rivière Foyle alors que le vieux Derry était localisé sur la rive est. La ville actuelle couvre les deux rives (Cityside à l’Ouest et Waterside à l’Est) qui sont reliées par deux ponts. Derry fut la dernière ville des îles Britanniques à être enfermée dans des remparts et c’est une des rares en Europe à avoir gardé ses remparts inviolés. Derry est très proche de la frontière avec le comté de Donegal en République d’Irlande (moins de 10 km). Elle est située à 110 km de Belfast.
[24] Iona est une petite île du nord-ouest de l’Écosse, dans les Hébrides intérieures, séparée de l’île de Mull par le détroit d’Iona. L’île, avec 4,8 km du nord au sud et 2,4 km de d’est en ouest, s’étend sur 800 hectares. Le point le plus élevé, Dun I, culmine à 101 m. En 563, saint Colomba d’Iona ou Columcille, exilé d’Irlande, a fondé un monastère sur l’île sous le double patronage de Conall mac Comgaill, roi de Dal Riada, et de Brude mac Maelchon, roi des Pictes. Sa communauté connut une belle évolution, comme en témoignent les croix savamment sculptées et les pierres tombales, mais fut décimée par les invasions nordiques au 8ème et au 9ème siècles.
[25] Les Vikings envahissent le territoire environnant Dublin au cours du 9ème siècle, établissant ainsi le royaume de Dublin, le premier et le plus durable des royaumes vikings en Irlande, Grande-Bretagne et dans toute l’Europe hors Scandinavie à l’exception du Royaume de Man et des Îles. L’étendue du royaume correspond peu ou prou à l’actuel Comté de Dublin.
[26] Le Firth of Clyde constitue une vaste étendue d’eau côtière du Royaume-Uni, abritée de l’océan Atlantique par la péninsule de Kintyre, qui renferme le firth extérieur d’Argyll et Ayrshire en Écosse. Sa partie supérieure inclut une vaste surface à la jonction du Loch Long et du Gare Loch. Elle est séparée de l’estuaire de la Clyde par un banc de sable, bien que la Clyde soit encore large à cet endroit et que sa plus haute limite de marée soit dans le centre de la ville de Glasgow. La vaste zone de mouillage de Greenock est connue sous le nom de Tail of the Bank, en référence à ce banc de sable.
[27] Renfrew est une ville et ancien burgh royal d’Écosse, situé à l’ouest de Glasgow, sur la côte occidentale écossaise. Le comté de Renfrew (Renfrewshire) était jadis l’apanage de la famille Stuart, qui arriva plus tard au trône d’Écosse. L’héritier présomptif au trône du royaume d’Écosse, le duc de Rothesay, porte encore aujourd’hui le titre de baron de Renfrew.
[28] La dynastie Stuart règne sur l’Écosse entre 1371 et 1714, et sur l’Angleterre, l’Irlande et le pays de Galles entre 1603 et 1714. Ils sont écartés du trône après le décès d’Anne de Grande-Bretagne et l’avènement de George de Hanovre en vertu de l’acte d’Établissement.
[29] L’archidiocèse de Glasgow était l’un des treize (puis 14 à partir de 1633) diocèses de l’Église catholique d’Écosse. C’était le second plus grand diocèse du royaume, comprenant des districts de la moitié sud : Clydesdale, Tweeddale, Liddesdale, Annandale, Nithsdale, Cunninghame, Kyle, Strathgryfe et le Kirkcudbrightshire. Glasgow devint un archevêché en 1472 et obtint les diocèses de Galloway, Argyll et des îles comme suffragants. L’Église d’Écosse rompit son allégeance à Rome en 1560, mais continua d’avoir des évêques à Glasgow par intermittence jusqu’en 1689.